Sagesse ancestrale : chronique d’une débâcle annoncée !

Les Indiens sont-ils des hommes libres et égaux ou des êtres inférieurs qu’il faut soumettre et convertir ? Telle est la question qui agite la chrétienté, en l’an 1550. Au nom du « vrai Dieu » des Européens, les Amérindiens seront exterminés.

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Entre 1892 et 1894, trois siècles et demi plus tard, des Européens débarquent sur une cote d’Afrique de l’Ouest, conquérants « armés » de canons et de leur « vrai Dieu ». Le 9 mai 1909, du coté de Gléhoué, on entend proclamer : « Ceci détruira cela » ! Comment avons-nous survécu à une débâcle annoncée ?

« Une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur ». L’entreprise de destruction intérieure ne fut-elle pas clairement proclamée et programmée ? « Sauf exception, dans sa finalité d’exploitation, dans l’usage violent des moyens qui voulaient cette fin, une fois gratté le vernis de la ‘‘mission civilisatrice’’, l’entreprise coloniale constitue, avec la complicité active de l’Eglise, par sa seule existence, les conditions de l’acculturation. Ces conditions de négation de l’autre étaient simples à légitimer pour l’administrateur colonial ; l’autochtone n’était considéré que comme un primitif à civiliser et, pour le missionnaire, comme un païen à convertir ».

Paradoxe béninois !

Voilà que, contre vents et marrées, humiliations et persécutions, le primitif païen est parvenu à conserver son « Code de vie » ancestral, malgré les blessures et leurs séquelles. Au Nigéria voisin, le système IFA est dignement considéré comme un patrimoine et, à ce titre, justement valorisé et enseigné. Voilà même que l’Européen, par ses plus hautes instances scientifiques, inscrit le système IFA et son « code de vie primitif et païen », au patrimoine immatériel de l’humanité. Pourtant, le Bénin continue de diaboliser IFA qui peine à y recevoir ses justes galons. Ainsi, bien que nous déplorions l’affaissement de notre système éducatif et le recul des valeurs morales en famille, en société comme en politique, nous nous obstinons à ignorer la fabuleuse sagesse que nos ancêtres nous ont léguée. Ceci n’explique-t-il pas cela ?

Supercherie !

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Précieux socle de notre culture

IFA recèle une édifiante littérature.

Découvrons enfin tout le bien qu’elle procure

Pour démasquer ceux qui, visant un dessein obscur

L’ont pourfendue, nous conduisant ainsi à la déconfiture.

La création

Quand Dieu créa le monde, il fit des hommes noirs, il fit des hommes blancs et leur dit à tous : « mes chers enfants, je vous donne à choisir entre deux pays ; l’un possède la technique qui produit les biens ; l’autre détient la sagesse salutaire d’IFA qui génère le Bien ». « Choisissez les premiers », dit-il aux Blancs qui s’empressèrent de choisir le pays de la technique. Les Noirs héritèrent du pays d’IFA…

C’est dans la sagesse d’IFA que le Créateur a structuré et consigné sa volonté en un code (octal et binaire) de paroles de vérité. Elles permettent à ceux qui les mettent en pratique, de cultiver leur discernement pour vivre en paix et en harmonie entre eux et dans la création. Les Blancs n’avaient-ils pas tourné le dos au dessein de Dieu sans le savoir ? Quant aux Noirs, ont-ils vraiment conscience du trésor dont ils ont hérité ?

Manque de discernement ou aliénation ?

Conscients de la valeur de leur héritage, les tenants des savoirs endogènes ont conservé ce précieux patrimoine, sous l’opprobre et dans la clandestinité et malgré les affres de l’esclavage et de l’hégémonisme colonial. L’entreprise de destruction a manifestement échoué ; elle semble toutefois avoir abouti à une déstabilisation efficace. En effet, à force de mimétisme et de déracinement, notre drame n’est-il pas de nous renier ? Sans complaisance, un observateur avisé dresse un bilan sombre : « Abandonner la quête de l’être pour adopter le culte du paraitre, nous a conduit à la culture de l’indignité ».

Si un arbre a besoin de ses racines pour résister aux vents, se nourrir et croître, un peuple peut-il s’épanouir et se développer sans un solide ancrage dans sa culture ? Chez les Yoruba, dépositaires du système IFA, l’enseignement du proverbe de la parole est sans équivoque : la sagesse éclaire le discernement et inversement ; quand la confusion obscurcit le discernement, c’est à l’aide de la sagesse (proverbe ou allégorie) qu’on l’éclaire et quand le proverbe est difficile à comprendre, c’est par le discernement qu’on le décrypte. Hautement éducatives, les fables d’IFA s’adressent à tout le monde, partout et tout le temps. C’est dire le caractère universel de la sagesse existentielle qui émane de cette littérature spirituelle ancestrale. Ne constitue-t-elle pas une source édifiante pour la vie de nos familles, nos divers ordres d’enseignement et la gestion de la cité ? « Les us et coutumes, propres à chaque groupement humain… sont les fruits… de plusieurs siècles d’expériences vécues et accumulées, qu’il faut transformer ou modifier pour répondre aux exigences actuelles ».

Cette évidence semble échapper à nos élites. Ne continuent-elles pas d’ignorer ou de dédaigner les trésors que recèlent nos savoirs endogènes ? Le drame de l’acculturation ne tient pas seulement du mimétisme mais du fait de juger sa propre culture selon le prisme méprisant d’autrui et de se renier inconsciemment. « D’authentiques valeurs, capables d’instruire le monde, se trouvent ici et ne demandent qu’à s’épanouir avec l’aide de Dieu et la détermination des Africains ». Avoir dans sa poche la clé d’un trésor et s’égarer dans la mendicité par mimétisme, est-ce une preuve de discernement ou d’aliénation ? Il nous suffirait d’une prise de conscience pour un sursaut patrimonial salutaire. En dépit des préjugés que nous avons empruntés avec zèle, les savoirs endogènes qui ont été conservés précieusement par les érudits en tradition, attendent d’être valorisés par des héritiers décomplexés et déterminés, humbles et créatifs, dignes et fiers. Serons-nous à la hauteur de cet enjeu patrimonial et identitaire crucial ? Il ne tient qu’à nous !

Introspection !

Par quel formidable miracle

Avons-nous échappé à la débâcle ?

N’est-ce pas grâce à notre ancestral oracle ?

Faisons donc appel à notre bon sens

Pour effectuer, sans complaisance

Notre examen de conscience.

Encadré

A Cuba, on s’apprêtait à mettre à mort un de leur chefs, un cacique, qui avait osé se rebeller, ou protester, et à le brûler vif. Un moine s’approcha de l’homme et lui parla un peu de notre foi. Il lui demanda s’il voulait aller au ciel, où sont la gloire et le repos éternels, au lieu de souffrir pour l’éternité en enfer. Le cacique lui dit : Est-ce que les chrétiens vont au ciel ? Oui, dit le moine, certains d’entre eux y vont. Alors, dit le cacique, je préfère aller en enfer pour ne pas me retrouver avec des hommes aussi cruels !

Rire, mais toujours compatir !

Selon l’entité Aklan ko Cè (08-15)

Railler n’est pas rire Et mieux vaut compatir.

Au pays d’IFA, il est prescrit de ne jamais rire de son prochain. Au lieu de rire de la personne, ne serait-il pas judicieux de l’aider à se sortir du mauvais pas où elle se trouve ? Ton prochain a-t-il perdu un enfant ? Sa femme est peut-être décédée ? A-t-il perdu son emploi ? N’est-ce pas sa maison qui a été cambriolée ou pire encore, incendiée ?

Ne ris pas de lui. Ne te réjouis pas de ce qui lui arrive. Va plutôt vers lui et apporte-lui le secours dont tu es capable. En te moquant de lui, peut-être que des circonstances plus tragiques se préparent-elles où toi-même, tu seras l’objet d’un malheur semblable.

Tu as de belles dents aujourd’hui pour rire.

Et si demain tu les perds, d’autres se moqueront de toi à cause de tes gencives dégarnies.

Aklan ko Cè interdit de rire de celui que l’on connait, comme de celui que l’on ne connait pas.

Aklan ko Cè interdit formellement de rire de son prochain, la nuit comme le jour.

Rire, mais toujours compatir !

C’est un signe de joie et de plaisir

De s’accorder de bons moments de rire

Sans railler celui qu’une peine fait souffrir

Et que l’on gagnerait plutôt à secourir.

Railler n’est pas rire

Et mieux vaut compatir.

Qui, un jour, rit de son prochain

Doit s’attendre à pleurer le lendemain.

Pourquoi le malheur croise-t-il notre chemin ?

Railler n’est pas rire

Et mieux vaut compatir.

LPP

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