Non-badigeonnage des façades extérieures des logements au Bénin : les propriétaires harcelés par le Fisc et la peur des regards envieux

Contrairement aux grandes villes de la sous-région, les façades extérieures de la plupart des habitations  des villes béninoises, comme Cotonou, Abomey-Calavi, Porto-Novo et autres, ne sont pas peintes. Ce constat, apparemment banal, dénote des fausses croyances liées à la peur du Fisc, et des contraintes d’ordre sociologique.

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Les ressources financières sont assez maigres, pour nous permettre de faire face aux coûts annuels de l‘impôt. Au Bénin, si vous avez une belle maison, vos impôts sont suffisamment élevés.» Réagit monsieur Elègbè, propriétaire d’une maison de quatre chambres-salon à Godomey-Togoudo, Commune d’Abomey-Calavi, quand on lui demande la raison pour laquelle il n’a pas peint la façade extérieure de sa maison, pourtant très bien meublée à l’intérieur.  Au Bénin, la croyance générale est que, badigeonner la façade extérieure de son logement fait grimper l’Impôt sur le Foncier Bâti. Laisser les murs crépis, ou même sans revêtement, permet de faire croire aux agents des impôts que la maison est en chantier. «C’est une erreur! Que la maison soit terminée ou pas, les impôts vont vous recenser», rectifie un  Administrateur des Impôts.  Son collaborateur renchérit : «La peinture de la façade extérieure n’est pas un facteur  déterminant de la fixation du coût de l’impôt.»

N’empêche,  on retrouve en plein cœur des grandes villes du pays,  notamment à Cotonou la principale, des bâtiments haut de plusieurs étages, ni peints, ni carrelés. La majorité des citoyens interviewés ont une mauvaise idée des critères d’imposition. «Souvent, les agents des impôts n’entrent pas à l’intérieur des habitations. Ils observent de l’extérieur et fixent un coût. Donc, quand ta maison est badigeonnée et jolie, l’impôt augmente», persiste à croire un contribuable.  

Mais quand on s’en tient à la Fiche-propriétaire du Registre Foncier Urbain (Rfu), la peinture de la façade extérieure n’est pas un critère déterminant dans la fixation de l’impôt. Les critères d’imposition concernent, entre autres, le statut juridique de la parcelle, le niveau d’urbanisation de la zone de résidence, et le «standing» de la maison. Au niveau de ce dernier critère, il est pris en compte, par exemple, l’état du mur (extérieur), les matériaux des portes et fenêtres, le toit, le nombre de bâtiments, le nombre de chambres, le nombre d’habitants. Pour ce qui est de l’état du mur, il s’agit de savoir si le mur est «végétal», en «banco», en «terre  stabilisée», en «dur ciment» ou «dur fini (crépi ou peint)»

Cacher son aisance du regard d’autrui

Sina D. Ilyass, Docteur en Socio-anthropologie, spécialiste de la ville, enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac),  postule qu’au-delà de la question de l’impôt, cette pratique de non-badigeonnage de la façade extérieure des habitations, traduit une partie de l’être du Béninois. «Le Béninois est par nature sobre», explique-t-il. «Le regard de l’autre, poursuit-il, importe beaucoup pour nous. On se dit que l’autre ne doit pas savoir que je suis aisé». «Au Bénin, lorsque vous disposez d‘un peu de moyens, vous êtes enviés par plus d’un et vous êtes considérés comme l’homme à résoudre tous les problèmes. Ainsi, pour mieux vivre, il faut être discret», confesse A. Gbédji, propriétaire d’une maison de type «R +2» à Houéyiho, un quartier de Cotonou.

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Mais, au-delà de ces explications, il s’avère, selon Sina D. Ilyass, que «le Béninois est spatio-centrique. L’un des facteurs de réussite sociale du Béninois, est qu’il ait sa propre maison. «Pressés d’être chez soi, les gens déménagent dans des maisons inachevées. Le badigeonnage fait partie des dernières priorités de finition.»

Alain René Kpetehoto, président de l’Ordre National des Architectes et des Urbanistes du Bénin, fait constater que, faute de moyens, les gens construisent au coup par coup. Mais, il juge que, laisser les maisons non-badigeonnées «donne une image hideuse de nos villes».

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