Protection des enfants au Bénin : la Rapporteuse des Nations-Unies, déçue, dénonce l’absence d’engagement politique

En fin d’une mission de 10 jours, sur la protection des enfants, Najat Maalla M’jid, la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la vente d’enfants, la protection des enfants et la pornographie, peint un tableau sombre de la situation au Bénin. Le gouvernement béninois en est coupable.

Publicité

«Je suis indignée et très déçue ; il y a urgence ; on ne peut pas continuer comme ça». La Rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la vente d’enfants, la protection des enfants et la pornographie impliquant les enfants, n’a pas caché sa déception, face aux médias, vendredi dernier, lors d’une conférence de presse au siège de l’Unfpa à Cotonou. Najat Maalla M’jid n’est pas contente de la situation des enfants au Bénin, suite aux constats lors de sa mission au Bénin, du 28 Octobre au 08 Novembre 2013. Et ce, sur demande du gouvernement béninois, confie la Représentante au Bénin de l’Unfpa, Diene Keita.

10 jours durant, a-t-elle expliqué, elle a visité des programmes de protection d’enfants, et discuté avec des enfants victimes et des organisations de jeunes, à Cotonou, Abomey-Calavi, Porto-Novo, Parakou, Comè, Lokossa et Applahoué. A ses dires, certes, il est difficile de donner des chiffres exacts sur l’ampleur de la violence dont les enfants sont victimes, mais ce qui est clair, a-t-elle affirmé, elle existe bel et bien au Bénin, de manière directe ou indirecte, sous des formes déguisées. Mariage forcé ou précoce, prostitution, tourisme d’enfant, phénomène vidomègon avec les vices d’esclavagistes, séquestration d’enfants dans les couvents, enfants-sorciers, etc. La Rapporteuse évoque aussi le cas des grossesses précoces à l’école. «Je suis très alarmée du nombre de grossesses précoces en milieu scolaire». C’est un fait qui, explique-t-elle, entraîne la déscolarisation, les avortements clandestins et/ou les accouchements difficiles, qui conduisent parfois au décès de 300 filles par an, au Bénin.     

«Pas d’engagement politique»

Toutes ces formes de violence, d’abus et d’exploitation économique et sexuelle de l’enfant, sont mises sur le dos de la tradition et de la pauvreté, où l’enfant est considéré comme source de richesse. A cette justification, Najat Maalla M’jid s’indigne : «Il est inadmissible que, sous le prétexte de la tradition ou de coutumes, ou encore de la pauvreté, des enfants soient violentés, abusés ou exploités». Pour la rapporteuse, ceci est dû aux difficultés d’accès des victimes à la Justice. «C’est un chemin de croix pour arriver à la Justice», affirme Najat Maalla M’jid. «Et même si les victimes y arrivent enfin, il y a le problème de l’impunité», a-t-elle ajouté, et elle dénonce au Bénin, une Justice qui ne frappe pas. Autres facteurs qui favorisent ce triste sort des enfants, c’est la polygamie, la démission parentale, mais surtout le défaut d’engagement politique, à en croire la Rapporteuse. «Les enfants victimes sont ignorés. L’Etat n’en fait pas une priorité. Ce n’est que des slogans», regrette-t-elle. Les quelques efforts, ce sont des Ong qui travaillent dans de très difficiles conditions, et à qui Najat Maalla M’jid rend hommage.

Des recommandations

Dans sa mission, la Rapporteuse ne s’est pas limitée à la présentation de la situation, mais à formuler aussi des recommandations à l’endroit de l’Etat béninois, pour une meilleure protection des enfants. D’abord, elle a invité le pouvoir à un engagement clair et net, traduit par des actions sur le terrain. «Il est important que le gouvernement assume ses responsabilités». Ceci voudra dire, entre autres, que «le gouvernement passe d’une logique de projet à une réelle stratégie intégrée de protection de l’enfant, déclinée en dispositifs locaux de protection, aisément accessibles à tous les enfants, et dotés des ressources humaines et financières appropriées ». Car, pour elle, jusque là, le Bénin évolue dans une approche de projet et non de vision. Une approche tributaire des partenaires techniques et financiers. «C’est une approche-assistanat, qui n’est pas la bonne», apprécie la Rapporteuse. Toujours en termes de recommandations, elle conseille une Justice responsable et libre, qui sanctionne. Enfin, elle souhaite le renforcement de capacités des institutions de protection. Et pour cause ! «Le gouvernement crée beaucoup de structures, mais aucune n’est fonctionnelle.» Regrette-elle. Pour elle, «lorsqu’on parle de la protection des enfants, ce n’est pas les superbes documents qu’on élabore dans un bureau, mais plutôt de la pratique, des actions concrètes sur le terrain. Au-delà, Diene Keita appelle aussi les médias et la Société Civile à jouer leur partition, pour la bonne cause de l’enfant au Bénin.  

Publicité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité