Bye bye Madiba!

Mandela s’en est allé et nous voilà tous orphelins de ce grand homme, héros universel, au vrai sens du terme. En ce moment même où j’écris cet hommage notre père, notre grand-père commun, Tata Madiba repose dans son village natal QUNU. Que dire ? Quoi écrire qui n’a pas déjà été dit par les plus grands de ce monde ?

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Lorsque le grand professeur A. G. m’a interpellée sur le fait qu’il n’a encore rien lu de moi sur Mandela, je lui ai répondu en toute humilité que je ne savais plus quoi dire après tous les éloges présentés par les grands de ce monde sur cet icône qu’est Mandela. «Ecris et ajoutes-y ta touche féminine d’écrivaine», m’a-t-il recommandé. Je m’en suis ouverte à un ami avec qui j’entretiens des rapports d’intellectuels critiques qui m’a orientée dans le choix de ma réflexion, à savoir ne pas louanger à nouveau l’homme, (tous l’ont suffisamment fait), mais dire des choses simples, qui pourront induire des questionnements et amener les humains que nous sommes à essayer d’adopter peu à peu l’héritage de Mandela.

Mandela c’est Mandela!

L’icône mondial de la paix et du pardon a achevé son très long chemin vers la liberté, ce dimanche 15 décembre dans son village Qunu, sur la terre de ses ancêtres, dans le sud rural de l’Afrique du sud, le seul endroit où il a vécu heureux. Il n’existe qu’un seul Mandela! Sinon comment comprendre que cet homme qui a été privé de liberté pendant vingt-sept ans, cet homme qui a subi les affres des travaux forcés à Robben Island, cet homme qui n’a pu profiter de la chaleur et de l’affection de sa jeune épouse Winnie, de ses enfants, de ses amis…etc, à sa sortie de prison opte pour le pardon et tend la main à ses bourreaux! Mandela c’est Mandela ! Là où on attend la haine, il présente l’amour, le pardon.
Comment un homme qui a tant souffert peut être encore si doux et souriant, si aimable, si heureux de donner de l’amour aux autres ! Heureux parce que les gens sont heureux autour de lui! «Si je suis, c’est parce que les autres sont», ne cessait-t-il de répéter à ses camarades de l’Anc. Dans l’hommage à son mentor, Ahmed Katradha, 83 ans a, dans son témoignage, raconté comment Mandela s’arrêtait pour porter le pic et la hache de ceux-là qui étaient physiquement affaiblis lorsqu’ils allaient travailler dans les carrières.
Plusieurs fois le gouvernement de F. De Klerk avait voulu le libérer, pourvu qu’il accepte de renoncer à la lutte armée. «Si mon peuple n’est pas libre, comment le serai-je?», leur a –t-il déclaré. Mandela est l’homme des nobles causes. Sa capacité à aller à contre-courant est incroyable pour un humain, car, il n’est qu’un homme, et nul n’a le droit de le déifier. Ce que nous avons tous à faire désormais, c’est nous battre contre nous-mêmes, chaque fois que nous voulons aller dans le sens contraire aux idéaux de Madiba. Sa capacité à aller à contre-courant lorsqu’on croit à une cause doit nous édifier. Sinon, comment comprendre qu’il ait renoncé à rempiler à la présidence de son pays, alors qu’un boulevard s’ouvrait devant lui, que rien ne pouvait empêcher sa réélection. Certains ont prétexté de son grand âge pour justifier leur désir de s’éterniser au pouvoir. Rien ne l’empêchait lui, Mandela de rester jusqu’à sa mort, vu sa côte de célébrité. Tous les cadres de l’Anc, Noirs, Blancs, Métis et Indiens formés dans les nombreuses universités d’Afrique du Sud travailleront pour assurer la bonne marche du pays, pourvu que le chef soit Mandela. Il n’a pas voulu de cette pantomime. Le chef doit être présent et au front, parce que c’est lui qui assume les choix de la gouvernance du pays. La libre conscience de chacun guidera ses actes sur cette terre. Mandela nous montre le chemin.

Mandela un homme libre

Personne ne pouvait lui dicter sa conduite. Mandela était un homme libre. Et c’est pourquoi, il avait décidé d’aller partout dans le monde, à Cuba et ailleurs contre l’avis des Américains, sous Bill Clinton. Il n’en voulait pas à ceux-là qui l’avaient traité de terroriste, ni à ses frères africains qui avaient préféré soutenir l’apartheid, au lieu d’épouser la cause de l’Anc. Il supporta l’équipe de rugby de son pays, contre l’avis de ses frères noirs qui disent que le rugby est le sport des Blancs. Selon Mandela, la cause était sud-africaine, et c’est le pays d’abord. Il eut raison, car la nation arc-en-ciel gagna la coupe du monde de rugby cette année-là, devant son public blanc, noir, métis, indien.

Le divorce avec Winnie

A sa sortie de prison, Winnie l’infatigable était là et l’attendait. Sûre de reprendre son rôle d’épouse, de mère et de militante à ses côtés. Mais hélas, elle a été divorcée parce que le parti, l’Anc lui reprochait des activités malsaines. Mandela le grand se retrouva devant un dilemme. Renier ses idéaux de droiture, de probité, d’homme d’Etat irréprochable et continuer avec la femme qu’il aimait comme si de rien n’était? Mandela a préféré se faire hara kiri. Il a rompu avec celle qui a continué de porter haut le flambeau de la lutte pendant toutes ses années de prison, afin que le nom Mandela ne meure point. Mandela a refusé de continuer de vivre dans cette hypocrisie des couples où on présente une image rayonnante au dehors, alors qu’en réalité, plus rien ne vous lie.
Les femmes africaines dont je fais partie avions été très malheureuses du choix fait par le grand homme. Nous nous sommes senties trahies, reléguées au second plan. En même temps que Winnie nous comptions les jours, les mois et les années de réclusion de Mandela. Je me souviens encore des chaudes discussions que mes camarades et moi menions à cette époque sur la trahison des hommes, leur égoïsme à ne tenir compte que de leurs intérêts, battant en brèche tous les sacrifices consentis par nous autres. Du moins, ce sont les propos qu’on tenait, fâchées contre l’attitude de Mandela … Combien la femme, toujours guidée par ses sentiments se laisse flouée et abandonnée quand on n’a plus besoin d’elle. Winnie a été ovationnée ce 15 décembre à l’enterrement de l’homme à qui elle a consacré toute sa vie. Le monde entier lui a séché les larmes, à elle la femme martyre à qui l’idéal de la lutte patriotique a ravi le mari. Une grande dame, notre Winnie! Mon cœur de femme a été ravi de la voir serrer Gracia sa rivale contre son cœur. Geste d’humilité et d’amour pour montrer au monde entier combien l’amour qu’elle a pour Mandela dépasse les querelles domestiques de femmes jalouses, se faisant des coups bas pour garder le mari pour elle seule. Winnie avait compris que la nation arc-en-ciel passait avant elle.
Aujourd’hui, j’ai compris moi aussi que Mandela ne s’appartient pas. Il n’appartenait même pas à sa famille pour privilégier sa quiétude, son bonheur avec Winnie. Il appartenait à l’Anc et l’Afrique du Sud, à l’Afrique, que dis-je au monde entier. Un hommage planétaire lui a été rendu à juste titre. Mandela a confié à son ami de cellule A. Kadarhat qu’à son arrivée au ciel, il réclamerait à Walter Sizulu sa carte de membre de l’Anc. C’est dire que pour cet homme, rien ne pouvait égaler le parti et rien ne pouvait l’en détourner. Quel altruisme! Quelle noblesse d’âme! Quel idéalisme!

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Pour Madiba la promotion de la femme était une réalité

Les témoignages l’ont dit et répété. Lors de son accession au pouvoir, le nombre de femmes a accru au parlement et dans les cabinets. A cet âge, l’homme avait compris qu’il fallait donner aux femmes leur chance de travailler aux côtés des hommes pour le développement de son pays. Un pays riche certes, mais où les inégalités sociales sont si visibles que, ne pas profiter des ressources humaines que constituent les femmes, noires notamment puisqu’elles sont les plus nombreuses serait du gâchis pour le pays. Dans beaucoup de pays africains, on argüe du fait que la culture, les mœurs et coutumes n’autorisent pas une quelconque émancipation de la femme; lui permettre de briguer quelque poste de responsabilité publique, élective ou administrative pourrait contrarier nos aïeux, nos dieux et patati et patata… En plein 21ème siècle ! Quand les intérêts particuliers, les privilèges poussent les hommes à raconter n’importe quoi ! A proclamer sans que les actes ne suivent les dires !

Héritage planétaire

L’héritage de Mandela est à nous tous. Cet homme appartient à l’universalité ; jeunes et vieux, pauvres et riches, nous devons nous emparer de ses idées, de sa vie si riche, si humble, si altruiste, solidaire de toute la nation arc-en-ciel. Il répondit à une journaliste qui l’interviewait : «arrêtez de me faire autant d’honneur, moi je ne suis qu’un paysan, j’aime la vie simple à courir dans les champs, à poursuivre les bœufs». A y réfléchir, cet homme qui a foulé le sol des plus majestueux palaces du monde n’a vraiment gardé dans son cœur que les moments heureux de son enfance à Qunu. Ce qui lui a permis de survivre tant d’années aux traitements inhumains du bagne, et vivre encore autant d’années avec ses poumons atteints de pneumonie sévère.
Mandela donne à réfléchir à tous «ces fous du Roi» qui ne comprennent pas le sens et le rôle de celui-là qui, à la cour du Roi est le seul qui ose lui dire la vérité quand ça ne va pas. Le «fou du Roi» n’est pas un courtisan qui tire sur tout ce qui bougent, tous ceux-là quine parlent pas le même langage que le Roi; qui n’admettent pas qu’on lui porte la moindre critique. C’est vrai que le roi doit être respecté par son peuple. On lui doit des égards. Mais on ne doit pas refuser au peuple de manifester ses humeurs quand il est mécontent; c’est cela la démocratie! Et jamais Mandela n’acceptera que des enfants du même pays s’assassinent pour faire taire l’un ou l’autre. Jamais Mandela n’acceptera que dans une famille des frères et sœurs s’empoisonnent pour des questions d’héritage. Mandela a su garder ses amis de jeunesse; ses compagnons du bagne ; une amitié plus que séculaire. Aujourd’hui, des amis se quittent pour des broutilles. Des parents ne se parlent plus à cause de choses sans importance. L’égoïsme, l’orgueil, l’individualisme gèrent nos vies. En République Centrafricaine, plus de 600 morts en une semaine. On tue parce que tel est musulman, tel est chrétien et tel autre encore je ne sais quelle religion ! Le même peuple s’entretue. Incroyable ! Jamais, au grand jamais Mandela n’a opté pour la haine, la division, le sectarisme, l’iniquité, des contre-valeurs qui sont installées sous nos cieux.
«Un géant de l’histoire»! a salué le président Obama. Et Zuma le président sud-africain de s’interroger : «Pouvons-nous produire à l’Anc d’autres Madiba» ? Et moi qui ne suis qu’un petit souffle dans ce petit pays aux ressources limitées qu’est le Bénin, je nous interroge : «Pouvons-nous produire pour notre continent l’Afrique un autre Madiba»?

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