Fier souvenir!: le 6 juillet 1962, notre Ballet National Achevait à Paris une épopée triomphale

Il y a cinquante et un ans, notre ‘‘Ensemble Folklorique’’ conduit par M. Flavien Campbell , magnifiait la diversité culturelle du Dahomey au Mondial du théâtre, a Paris. Pour la première fois, une nation non européenne recevait le 1er prix dénommé Challenge du Théâtre des Nations ; triomphe inédit et fierté pour toute l’Afrique !

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De 1957 à 1968, une confrontation des créations théâtrales du monde entier se tenait à Paris (France), sous l’égide de l’UNESCO et à l’initiative du Cercle International de la Jeune Critique pour la Recherche Artistique et les Echanges Culturels. Cette rencontre se déroulait pendant un bon bimestre sur une saison dénommée Théâtre des Nations et « valait en matière théâtrale, ce que sont les Jeux Olympiques pour le sport ». A ce Mondial du théâtre, le continent africain était traditionnellement représenté par une nation invitée.

En 1962, l’honneur d’y représenter l’Afrique revenait au Dahomey, après la participation successive de la Côte d’Ivoire, du Soudan (Mali et Sénégal actuels), du Niger et de Madagascar. Vingt et un pays y ont délégué quarante trois spectacles pour un total de cent trente trois représentations comportant les formes diverses de l’art théâtral : danse, opéra, ballet, mime, marionnettes et aussi des spectacles traduisant les folklores nationaux (laïcs ou religieux). La saison 1962 se déroula du 2 mai au 10juillet, au théâtre Sarah Bernhardt.

L’homme qu’il faut à la place qu’il faut !

En vue de cette première participation du Dahomey, M. Flavien Campbell, fut nommé Directeur de l’Ensemble National, en raison de sa compétence de cadre chevronné et de son expérience incomparable d’animateur culturel. Il avait en effet dirigé les centres culturels d’Abomey, de Sakété et de Porto-Novo. Le tout nouveau Directeur de l’Ensemble National  encore virtuel organisa aussitôt une tournée de sélection sur toute l’étendue du territoire national avec le concours des autorités locales, administratives et traditionnelles. Pour l’aider dans cette lourde tâche, il bénéficia de l’assistance technique de M. Albert Botbol, metteur en scène et Directeur de l’Université du Théâtre des Nations.

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Pour « affronter sans défaitisme et en toute assurance » des troupes dotées de grands moyens et d’une grande expérience internationale, il s’agissait d’identifier les meilleurs représentants de la diversité culturelle nationale sur la base de critères stricts, clairement définis et appliqués avec rigueur :

– être d’une parfaite authenticité dahoméenne ; les spectacles métissés en furent exclus sans ostracisme ;

– refléter de façon exhaustive, la diversité culturelle du Dahomey ;

– représenter les trois grandes formes du théâtre traditionnel (théâtre de cour, théâtre populaire et théâtre religieux), auxquels s’ajouteraient masques Guèlèdè, acrobates, échassiers, etc.

Rigueur et méthode, une leçon de gouvernance !

Une tournée de prospection méthodique et sélective fut effectuée avec le soutien des autorités locales, administratives comme traditionnelles. Tout le pays était mobilisé pour la cause. Durant trois mois, le Directeur et l’Assistant Technique ont parcouru 8000 km et auditionné 140 groupes folkloriques sur toute l’étendue du territoire national à travers 70 localités. C’est au terme de ce casting à grande échelle que l’Ensemble National du Dahomey prit sa forme complète le 15 avril 1962.

Tous les participants retenus (100 artistes, représentant une dizaine de corps de ballet) furent réunis à Cotonou pour le montage minutieux d’un spectacle compétitif nécessitant l’adaptation de leurs prestations aux contraintes spécifiques d’une scène à l’européenne ; la plupart des artistes étaient habitués à se produire avec une certaine spontanéité, dans des arènes situées en plein air. Par ailleurs, un risque pesait sur quelques volets du spectacle : celui d’être perçus par certains tenants de la tradition, comme des actes de profanation du patrimoine sacré. Cependant, la recherche de l’authentique et du beau, le souci de refléter la diversité culturelle du pays, le dévouement et l’engagement patriotique, le professionnalisme et la rigueur qui ont guidé le montage du spectacle, ont propulsé l’Ensemble National à peine formé, vers les plus hauts sommets.

Un voyage galvanisant !

Selon M. Jean PLIYA, alors le jeune Directeur de Cabinet du Ministère de l’Education Nationale et de la Culture, « homme de culture, patriote et nationaliste, le Ministre brûlait de la flamme de montrer le génie du Dahomey2 ». Témoignant d’une manifeste volonté politique de représenter crânement le continent, l’engagement et l’implication des autorités fut une motivation stimulante pour la toute jeune troupe. Celle-ci effectua le voyage de Cotonou à Marseille, par bateau, en compagnie de son Directeur M. Flavien CAMPBELL et du Ministre de l’Education Nationale et de la Culture, Michel AHOUANMENOU qui exerça son leadership éclairé pour homogénéiser et galvaniser la troupe durant toute la traversée, selon Mme Paulette GANGBO, survivante de l’encadrement de la troupe. De Marseille à Paris, le voyage se poursuivit en train. Enfin, la troupe fut accueillie, à la Gare de Lyon, par le Chef de l’Etat en personne, le Président Hubert MAGA (photos).

Ovationné par le public balloté entre émerveillement et stupéfaction, unanimement salué par la critique parisienne et le jury international pour son authenticité et son brio, l’Ensemble National du Dahomey fut la première troupe non européenne et africaine à remporter le trophée suprême dénommé Challenge du Théâtre des Nations, le 6 juillet 1962. Précédé par le retentissement de son triomphe, l’Ensemble National fut ensuite invité à se produire à travers la France, notamment à Dijon et à Bordeaux. Au retour de cette tournée triomphale, le Directeur déclarait dans une interview donnée au journal hebdomadaire national3  : « Tout en couronnant nos efforts, l’obtention de ce Challenge montre qu’en puisant dans le fond de leurs cultures… les Africains peuvent apporter aux autres civilisations un enrichissement mutuel ». Ce fut une fierté pour toute l’Afrique !

Un triomphe inédit et une brillante décennie !

Dans la foulée de ce triomphe, le BND a été filmé en 1963 à l’initiative de la coopération française pour un court métrage intitulé « Les danses du FA ».  Il a ensuite brillamment participé à des rencontres culturelles internationales : en 1964, au Festival Mondial de Berlin-Ouest en RFA ; en 1966, au premier Festival des Arts Nègres de Dakar au Sénégal ; en 1969, au Congrès International du SKAL-Club à Abidjan et Bouaké en Cote d’Ivoire. Depuis ce triomphe historique et malgré l’élan donné jusqu’à la fin des années 1960, nos prestations théâtrales sont-elles parvenues à reproduire une aussi brillante performance ? L’une des attractions de notre ballet fut ‘‘l’acrobate du bambou’’, un athlétique équilibriste qui effectuait des prouesses vertigineuses au sommet d’un mat en bambou de 8,50m de haut et au son du rythme dénommé ‘‘GBON’’. C’est pourtant désormais un mode d’expression culturelle en voie de disparition, au Bénin. Férue de danse techno, de rap, de slam ou autres modes d’expression importés, notre jeunesse urbaine a-t-elle jamais vu des ‘‘acrobates du bambou’’4  ou des échassiers5 ? En raison de notre extraversion et sous l’effet d’un laisser aller certain, notre patrimoine culturel et ses chefs d’œuvres ne sont-ils pas menacés de disparition ? Selon un adage de chez nous, « quand le mur n’est pas fissuré, le lézard n’y entre pas » ; par ailleurs, un penseur, Will Durant affirme : « une grande civilisation n’est conquise de l’extérieur que si elle est détruite de l’intérieur ». Assumerions-nous la responsabilité historique de laisser disparaitre nos richesses culturelles ? Interrogeons-nous en conscience : que faisons-nous de conséquent pour sauvegarder, valoriser et vivifier notre patrimoine ?

L’Ensemble national du Dahomey

(liste partielle)

Directeur :                 M. CAMPBELL Flavien

Assistant technique : M. BOTBOL Albert

Encadrement :            M. ABIKANLOU Pascal

                    M. AGOSSOU Honoré

                    Mlle GANGBO Paulette

                    M. OUIN-OURO Prosper

                        M. YEKEDO Augustin

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