Le régionalisme comme mode de pensée et approche pour analyser les disparités entre les composantes ethniques et sociolinguistiques d’u pays est-il une menace pour le Bénin ? L’expérience démocratique en cours au Bénin est-elle en train d’ être insidieusement minée par des considérations ethnocentriques dont l’expression , longtemps refoulée , semble trouver un terrain favorable dans certains faits et événements de ces derniers temps ?
Mais quand c’est à l’ Assemblée nationale , que l’auteur de propos inquiétants pour la quiétude nationale choisit de s’exprimer et que , invité sur une émission radiophonique de grande diffusion, il ne juge pas nécessaire de préciser sa pensée, il ya de quoi s’interroger .
«Sur 42 magistrats retenus lors d’un récent concours, aucun n’est originaire des quatre départements du Nord ; sur plus de 300 magistrats que compte le pays, il y a seulement 05 qui proviennent du Nord, une chose anormale…» Ces constats sont faits par Djibril Débourou , professeur de rang magistral à l’Université d’ Abomey Calavi , et surtout député à L’ Assemblée nationale sans interruption depuis 1991 et actuel premier questeur . Dimanche sur Océan Fm, il n’a fait que confirmer le décompte présenté solennellement devant ses pairs quelques jours plus tôt. Citation : «Qu’il vous souvienne, Monsieur le président (de l’Assemblée Nationale) le dernier concours de recrutement des élèves magistrats, a révélé les résultats suivants : département de l’Alibori et de l’Atacora : reçu zéro ; Borgou et Donga : reçu zéro ; les Collines : un reçu et ce département pouvait être fier de son heureux rescapé. Je poursuis mon décompte, monsieur le président, l’ensemble des autres départements comprenant le Zou, le Mono, le Couffo, l’Ouémé, l’Atlantique, le Plateau et le Littoral obtiennent 40 lauréats. Je ne sais, dans cette sélection biaisée, combien d’élus le Mono a obtenu.
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L’Union fait la Nation, souvent si informée et toujours si critique, s’est murée dans un silence surprenant mais complice. L’opposition et les syndicats politiques oubliaient de s’indigner et de communiquer sur cette affaire qui divise le Bénin en deux. Logique implacable, puisque l’Union fait la Nation ne campe que sur les départements excluant ceux du nord du Bénin et le département charnière des Collines. Le gouvernement qu’ils vilipendent à longueur de jours, de mois, et d’années, entérina ces résultats comme si ce sont les seules femmes d’une région de ce pays qui donnent naissance à des enfants intelligents .Fin de la citation.»
Djibril Débourou n’est pas un citoyen lambda. Il connait le sens et la puissance des mots , comme le prouve si bien cette dose d’humour dans certaines expressions de sa rhétorique devant l’ Assemblée en session plénière, c’est-à-dire un cadre où le maximum d’élus des populations peut l’ entendre . Et aucune réaction n’a été enregistrée parmi les députés présents ! En récidivant sur un plateau de radio, on peut donc dire qu’il a un message à transmettre. Mais quel est ce message, et à qui est-il destiné ? Voilà le cœur du problème, car il ya un problème dont les origines remontent assez loin dans l’histoire d’ abord du Dahomey postindépendance, et maintenant du Bénin du Bénin post conférence nationale.
Djibril Débourou, un porte-parole ?
Mais pour s’en tenir aux faits mis en exergue par le député Débourou, on doit s’interroger sur les éléments dont il dispose pour affirmer que les résultats proclamés traduisent de l’ostracisme contre des régions entières du pays. Sa qualité de député, et pas n’importe lequel lui donne la possibilité d’avoir des preuves, et de solides preuves pour dénoncer une situation qui , de toute évidence, le préoccupe et le trouble sérieusement si l’on en juge par la manière dont il a tenu à l’exprimer. Mais l’admission dans la Magistrature, une corporation aussi sensible que stratégique pour la vie d’un pays et de ses populations ne peut être basée sur une politique de quota entre les filles et fils des différentes régions. Si l’on veut adopter cette vision pour résoudre les réelles disparités qui existent entre les régions en matière de cadres compétents , le pays sera engagé dans une politique de fuite en avant en ce qui concerne la formation de cadres vraiment compétents. Et puis, en quoi un Béninois né dans l’Ouémé et appelé à servir dans l’Alibori en qualité de magistrat est- il susceptible de créer des problèmes pour le pays ?
Le Bénin, comme tous les pays, doit faire face aux disparités dans tous les domaines entre ses différentes régions. De part des réalités spécifiques sur les plans géographique, climatologique, démographique et sociologique les populations sont confrontées à des problèmes de développement qu’il revient aux dirigeants de résoudre en tenant justement compte de ces spécificités.
Si le député Djibril Débourou a choisi de s’exprimer ainsi qu’il le fait , ne peut- on pas en déduire qu’il se fait le porte-parole d’une catégorie de citoyens qui se retrouvent dans ses propos , et qui posent les problèmes de développement du Bénin dans les mêmes termes ? C’est pourquoi , il faut en finir avec cette politique de l’autruche dont les origines remontent aux sources mêmes de l’Etat du Dahomey .
Le débat sur les manifestations du régionalisme telles que les vivent les Béninois, à partir de leurs perceptions, ne doit plus être différé. Au risque de créer le terreau dont rêvent tous ceux qui n’ont pas les arguments scientifiques nécessaires pour expliquer aux populations les conditions historiques des disparités de tous genres pouvant être source de frustrations . Mais qu’il faut combattre dans des cadres qui privilégient la réflexion et les échanges, même entre des adversaires sur les plans politique et idéologique. C’est le défi que les intellectuels et la classe politique se doivent de relever.
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