Mandela, un géant universel aux pieds (africains) d’argile

Il nous a fallu un peu de gymnastique sémantique pour retenir ce titre qui semble détonner dans le concert de louanges qui pleut sur l’Africain  le plus  célèbre qui a traversé  le 20ème siècle  de manière spectaculaire et a entamé avec nous le premier quart du 21ème. Loin de nous l’idée de réduire la dimension de l’homme que la terre entière magnifie dans un unanimisme qui n’a rien d’hypocrite.

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Nelson Rohihlhla Mandela est de la lignée des grands hommes qui ont marqué profondément non seulement leur pays mais le continent et le monde entier. Il a écrasé de sa charisme tous les leaders connus du 20è siècle encore  vivants et égalé ceux qui n’ont pas connu le bonheur d’atteindre l’âge canonique  de 95ans. Souvenons- nous du Mahatma Gandhi,  Martin Luther King , et de kennedy, tous  trois  tombés sous les balles d’ assassins avant même de voir leur rêve se réaliser. Plus près de nous, le grand  visionnaire panafricaniste, l’Osagyefo Kwame Nkrumah  né en 1909 a succombé à un cancer hors de son Ghana natal à l’âge de 63 ans, sans avoir goûté à la joie de vivre sa vision  jugée  chimérique à l’époque  des Etats Unis d’Afrique. Mandela lui, a fait mieux que tous les hérauts habités par le rêve  d’un monde nouveau. Il a  eu l’immense  grâce de survivre à une détention carcérale des plus rudes (au contraire de l’autre grand leader sud africain des années 70 Steve Biko mort en détention) qui l’a éloigné de ses proches à un âge où la majorité d’entre nous  n’aspire qu’à fonder une famille et bâtir une carrière.

Lui s’est moqué de la jouissance que procure la vie familiale et de la sécurité d’une profession d’avocat qui aurait pu lui ouvrir tout autant les portes de la célébrité individuelle. Il a renoncé à tout cela pour se dédier à la libération de son peuple, refusant jusqu’au bout de recouvrer cette liberté tant que son peuple ne serait pas libre……Peu d’hommes sur cette terre sont capables  de tels sacrifices. Lui en a été capable, à force de ténacité  et d’abnégation, le tout dans une grande humilité que seuls les grands hommes savent cultiver. Et Mandela a tout connu, de son vivant :la célébrité et la reconnaissance universelle  du monde entier généralement réservées aux morts .On ne compte plus le nombre de rues , de places publiques qui portent son nom, le nombre de concerts organisés partout dans le monde avec la participation des plus grands noms de la musique moderne. Sa statue trône au cœur de la city  à Londres. Son portrait immortalisé par les plus grands artistes du monde. Dans son pays même .Il  voulait la fin de la domination blanche et de son idéologie ultra  conservatrice  d’apartheid. Il l’a obtenue !Il voulait créer une nation arc-en ciel où Blancs et noirs, métis,  Indiens et  Chinois vivraient en parfaite harmonie : et il l’a presque  réalisée avec un minimum de violence et de pertes en vie humaines. Avec la fameuse commission vérité et réconciliation dirigée de main de maître par l’Archevêque Desmond Tutu. Tous ceux qui avaient prédit  le chaos,  voire l’apocalypse à l’avènement de la majorité noire au pouvoir en 1994 en ont eu pour leurs frais. Malgré les gros moyens livrés au chef tribal Mangosuthu Buthélezi , propulsé au rang de leader par le pouvoir minoritaire blanc  pour provoquer des massacres en séries qui ont eu lieu, après sa libération zn 1990,  histoire de démontrer l’incapacité du Noir à diriger le pays, l’Afrique du Sud a  connu une transition relativement peu agitée.

Mais l’Afrique du sud , son pays   à l’image de toute l’Afrique est encore fragile. Comme le prouvent toutes ces guerres fratricides au Congo en Centrafrique et en Somalie,  pour ne citer que les cas les plus emblématiques de la déliquescence du continent. En Afrique du sud même,  bien qu’une guerre civile ne  semble  pas être la première menace à court terme, les germes  des probables bouleversements profonds existent. La transition pacifique  du pouvoir de la minorité blanche à la majorité noire a été exemplaire. Mais les plaies de l’Apartheid sont encore béantes. Car l’Economie est largement dans les mains de la minorité blanche , propriétaire encore des80% des terres cultivables . Ces dernières années le vieux leader a assisté impuissant aux déchirements au sein de son parti l’Anc.Il y a eu d’abord l’épisode   de la  lutte fratricide entre Zuma e tMbeki  ses deux successeurs et aujourd’hui les attaques répétées du jeune leader Julius Maléma chassé du parti et contraint  d’en créer un autre .Plus  graves pour la cohésion nationale et la survie de la nation arc-en-ciel sont les soupçons répétés de corruption qui pèsent sur le président Zuma à l’orée d’une échéance électorale cruciale qui le verra solliciter un second mandat pourtant gagné à l’avance. Il y a risque d’instrumentalisation de la justice comme à l’époque de l’épisode de l’affaire Thales du nom de cette firme française accusée d’avoir versé des pots de vin à Zuma, alors vice- président de Thabo Mbeki. Cette fois-ci,  les accusations de corruption sont plus précises, puisque le président Zuma est soupçonné d’avoir utilisé l’argent public pour réfectionner sa résidence privée. L’exemple venant d’en haut, il est à craindre que cette nation arc-en-ciel  n’emboîte les pas à aux autres pays africains au lendemain des indépendances,  quand une petite bourgeoisie arriviste fait main basse sur les ressources du pays, au détriment de la majorité de la population .Ainsi , l’Afrique du Sud post Mandela risque de connaître tout ce qui fait la faiblesse des autres pays du continent. Mandela a posé les jalons d’une puissance africaine mais les bases de l’édifice  sont encore fragiles. A l’instar du Nigeria, l’autre géant du continent noir secoué par la corruption endémique et la nébuleuse Boko Haram, l’Afrique du sud, plombée par les séquelles de l’Apartheid ne parvient pas encore à  assumer son rôle de locomotive pour l’ensemble du continent. Et,  ce  n’est pas un hasard que la mort du grand leader a coïncidé avec le fameux sommet France Afrique sur la sécurité et le développement. Un euphémisme  qui cache mal la dépendance de l’Afrique à l’égard de l’Extérieur. On peut conclure qu’avec Mandela, l’Afrique est fier d’avoir un leader de stature mondiale. Mais le continent et le pays qui ont engendré cet Homme hors du commun  reste paradoxalement le seul continent de cette planète terre à faire recours à un gendarme  extérieur pour garantir et assurer la sécurité de ses populations, ceci ,par la faute d’une  classe politique cupide et vénale qui n’a pas encore retenu la leçon magistrale  d’abnégation et d’humilité du grand sage.

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