Syncrétisme religieux au Bénin : recto verso d’une vieille pratique

Professer publiquement sa Foi en une religion révélée, tout en s’adonnant discrètement aux pratiques cultuelles traditionnelles, souvent présentées comme incompatibles avec le Christianisme, est une attitude syncrétique qu’adoptent nombre de Béninois. Faire fi de l’évangile reçu à l’Eglise, ou des sourates lues à la Mosquée, pour se rendre chez un féticheur à la recherche de potions magiques.

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C’est une attitude syncrétique qu’on observe chez des Béninois, sans distinction de classe sociale. M. Zinsou, conducteur de taxi-moto, atteste le fait : «Je n’ai pas à le cacher. Les dimanches quand ça m’enchante, je me rends dans une église pour prier Dieu. Néanmoins, dès que je me sens menacé par un sortilège, je n’hésite pas à m’offrir les services de mon Bokonon, pour me sortir d’affaire.»  A elles seules,  les prières semblent être insuffisantes, et il faut les renforcer pour plus d’efficacité.  Zinsou en sait quelque chose. N’eut été l’intervention rapide de son Bokonon, témoigne-t-il, son enfant de trois ans serait passé de vie à trépas.  Ancien conducteur de véhicule personnel, M. Zinsou dévoile une pratique bien développée dans l’Administration béninoise. A l’en croire, compte tenu des querelles intestines qui ne manquent pas dans l’Administration au Bénin, nombreux sont les autorités qui font du syncrétisme. «Autrefois, j’étais conducteur de véhicule personnel. A plusieurs reprises j’ai emmené mon patron, un acteur influant du syndicalisme béninois, au Ghana, où il consulte un grand féticheur pour se protéger», confie Zinsou qui poursuit ainsi : «Et pourtant, il est fréquent à l’église».

La présence des syncrétiques dans les églises, n’est qu’un secret de polichinelle. «C’est une réalité incontestable.  Il y a des fidèles qui, à la fois, fréquentent les églises et les lieux de cultes vaudou», reconnait Frédéric Sagbo, prédicateur à l’Eglise des Assemblées des Disciples de Christ (Adc) d’Abomey-Calavi. Pire, dénonce-t-il, des prédicateurs, pasteurs et autres autorités religieuses, sont également adeptes du syncrétisme.  

A tort où à raison?

«L’origine du syncrétisme, remonte aux premiers hommes.» C’est l’avis de Dah Houéssinon, dignitaire vaudou a Abomey-Calavi.  Selon lui, il n’y a pas de mal à concilier les pratiques cultuelles traditionnelles à celles des religions importées.  «Nous invoquons tous le même Dieu, avec des cultes différents, mais complémentaires», argumente le dignitaire vaudou  qui illustre : «Les religieux parlent de prière. Ce que nous ne refusons pas. Mais le féticheur aussi guérit, désenvoute et protège son patient, avec des feuilles que Dieu a créées». Et il affirme : «Le syncrétisme  est le seul gage pour être à l’abri de mauvaises surprises que préparent des mécréants, à toute personne», et confirme : «des chrétiens avertis viennent à  moi, et c’est avec plaisir que je leur livre des secrets».

De son côté le prédicateur Frédéric Sagbo s’oppose au syncrétisme religieux. A  son entendement, «on ne peut pas servir deux maîtres à la fois». S’inspirant de la bible, il montre que les Israélites ont été sévèrement punis par Dieu, quand ils ont érigé un Veau d’or. «C’est un manque de confiance que Dieu ne tolère pas», a-t-il ajouté.

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Des sons de cloches moins partisans

Loin de ce tiraillement entre prédicateur et dignitaire Vaudou,  Brice Ahéko, Maître en Psychologie et Sciences de l’éducation, explique : «Le syncrétisme religieux se justifie par la recherche permanente du Salut, de la sécurité ou de l’assurance». Dr Roch Houngnihin, enseignant au département de Sociologie-Anthropologie à l’Uac, en donne lui-aussi une explication : «Le syncrétisme religieux est une pratique religieuse issue du mélange d’éléments pris dans différentes croyances. Ce phénomène est le fruit d’un métissage provenant du contact entre plusieurs religions.»

La manifestation du syncrétisme religieux au Bénin, tient au fait que les acteurs sociaux, tout en se déclarant adeptes du Christianisme ou de l’Islam, continuent d’adhérer à des croyances, et à observer des rituels relevant des religions traditionnelles. Mme Martine Gohy, Sociologue de formation, trouve une autre explication à la pratique.  Selon elle, cela remonte aux périodes coloniales : «Les aïeux étant obligés, sous le joug des colons, de se rendre à l’Eglise, s’adonnaient en catimini à leurs pratiques cultuelles ancestrales. Du coup, cela les rendait syncrétiques».   La réalité de nos jours, n’est, estime Madame Gohy, que l’expression d’un héritage que les aïeux nous ont légué.

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