Comédien et conteur depuis 1990, le réalisateur, cinéaste et promoteur culturel béninois Claude Balogoun vient de publier un de ses manuscrits plusieurs fois mis en scène par le Théâtre Wassangari en 1996 et 1997.
«Houèdo ou L’arc-en-ciel», un conte théâtralisé suivi d’un autre conte intitulé «Gbêxo», une œuvre de 106 pages publiée en début de cette année aux Editions Plurielles.
Claude Balogoun raconte la genèse de l’arc-en-ciel, de la colère, de la mort dans la société des hommes à travers une histoire qui évoque notre quotidien marqué par l’éternel duel entre le bien et le mal. Dans le même ouvrage, un autre texte intitulé « Gbêxo » qui lui, aborde l’importance du respect des consignes divines et ancestrales à travers l’histoire d’un jeune couple qui, arguant de la modernité et d’une pseudo évolution de la société a osé braver, au prix de leurs vies, les interdits de leur communauté. C’est dans son livre «Houèdo ou L’arc-en-ciel».
Houèdo, c’est cet être mystérieux envoyé sur terre par les dieux pour rétablir parmi les hommes, l’ordre et la justice. Mais l’enfant né adulte, mystérieux comme son père, sorti lui aussi d’une termitière, devra se rendre dans le village des hommes sans âge derrière la grande forêt de l’Est pour percer le secret de sa mission. Sur le chemin, il retrouve en face, la mort sollicitée par les hommes fromagers du village, ennemis de la justice et de la paix. «Leur gosier est un sépulcre ouvert, ils se servent de leurs langues fourchues pour tromper et semer la zizanie. Dictature, jalousie, égoïsme, mesquinerie corruption, hypocrisie, vol, viol, infidélité sont leurs armes de destruction.» (Page 47-48). Après l’échec de ses nombreux pièges, Okou (la mort) vint en confrontation directe avec Houèdo des jours durant. Le combat prit fin, avec l’intermédiation du boa, par la montée au ciel de Houèdo. Et ce, pas en humain mais plutôt sous forme lumineuse : les sept couleurs de l’arc-en-ciel.
Un choix stylistique osé
Contrairement à «Gbêxo» qui est un conte tout court, «Houèdo ou L’arc-en-ciel » est un conte théâtralisé. Un style osé de la part de l’auteur qui ici, utilise une écriture dramatique répondant à la fois au conte et au théâtre. Il s’agit certes d’une œuvre dont Claude Balogoun rend public, par la présente publication littéraire, la forme écrite mais le comédien et conteur l’a longtemps représenté sur scène. «Houèdo ou L’arc-en-ciel» est en effet, un texte vieux de près de vingt ans. Ce texte a été mis en scène pour la première fois, le 24 février 1996 par le Théâtre Wassangari du Bénin. C’était à l’occasion de la 5ème édition du Festival International de Théâtre pour le Développement (FITD) à Ouagadougou. S’en étaient suivies des tournées dans plusieurs festivals avec une dizaine de représentations. Dans son avant-propos, l’ouvrage renseigne de la réticence de la critique face à ce style nouveau, novateur mais qui a fini par convaincre les professionnels du théâtre, du conte et des lettres d’alors. En témoignent quelques commentaires manuscrits et articles de presse volontairement repris par l’auteur dans l’ouvrage.
«Houèdo» et l’actualité
Au-delà du pari stylistique, la publication de «Houèdo ou L’arc-en-ciel» dans le contexte sociopolitique béninois et africain d’aujourd’hui est un mérite pour l’auteur. Le choix de la période de publication de cette œuvre est aussi à signaler. Une période où la connaissance de l’histoire doit être plus que jamais, au cœur des stratégies de résolution des crises sociales. «Mon peuple meure, faute de connaissance» mentionnent les écritures saintes. Les difficultés de sortie de crise ne sont elles pas liées à la méconnaissance de l’histoire, la vraie? Les conteurs de l’histoire «Houèdo ou L’arc-en-ciel» ont avant tout passé entre eux l’épreuve du choix de celui qui va restituer sans la moindre distorsion, l’histoire à eux racontée par les aînés. Hélas, de nos jours, les histoires sont tronquées de génération en génération. Et souvent, au gré des intérêts du moment. Les tensions que vivent les peuples d’Afrique sont t -elles si nouvelles? N’y en a-t-il jamais eu, par le passé, dont nos gouvernants peuvent s’inspirer pour gérer celles du présent à la satisfaction et au bonheur des peuples dont ils ont les rênes? «[…] le passé n’est que la mémoire qui invente le présent» (Page 62). «Houèdo ou L’arc-en-ciel» a le mérite de remettre au goût du jour le conte comme vecteur de connaissances et de sagesse.