Coffi Codjia : «On ne me donne pas la possibilité d’apporter mon expérience aux jeunes»

Deux coupes du monde, six Coupes d’Afrique des nations dont une finale. Bonaventure Coffi Codjia égraine  tranquillement sa retraite après une carrière d’arbitre bien comblé. Nommé membre de la Commission centrale des arbitres (Cca) de la Fédération béninoise de football (Fbf), l’ex- arbitre international a décidé à travers une correspondance en date du 15 janvier 2014 de démissionner de son poste.

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Retraité depuis 2011, refuse de servir sous les ordres des « novices ». Mais garde espoir qu’un jour on lui donnera la chance d’amener l’arbitrage béninois au haut niveau en aidant les jeunes.

Quel est le motif de votre démission de la Commission centrale des arbitres?

Je vais vous dire que j’ai effectivement démissionné et que je ne me retrouve pas dans les nominations qui ont été effectuées à la Fédération. Maintenant, pour vous permettre de bien comprendre les raisons pour lesquelles j’ai démissionné ce serait bien d’expliquer les contours de l’arbitrage. Un arbitre est un sportif qui maitrise les lois du jeu. Il est chargé de diriger un match et de veiller à ce qu’il se joue dans l’esprit et selon la lettre de ses lois. L’arbitre doit aussi assurer la sécurité des joueurs sur le terrain. Le souci majeur d’un arbitre est de veiller à ce que le match se joue sans problème. Au Bénin, il y a trois échelons pour être un arbitre officiel. Pour avoir le titre d’arbitre officiel, il faut réussir aux examens théorique et pratique. Il y a les arbitres de district, les arbitres de ligue et les arbitres fédéraux. Et c’est parmi les fédéraux qu’on choisit les arbitres internationaux à la fin de la saison. Comme vous le constatez, l’arbitrage est un milieu fortement hiérarchisé. Vous ne verrez pas un arbitre de district diriger un arbitre de ligue. D’ailleurs, les matchs de 1ère division doivent être dirigés par les arbitres fédéraux. J’ai eu à dire clairement dans ma lettre de démission qu’un caporal ne dirige pas un sergent. Compte tenu de la complexité de l’arbitrage, vous allez voir dans les départements d’arbitrage à la Caf et à la Fifa il n’y a que des arbitres de haut niveau. A la Caf, c’est Eddy Maillet, un ancien arbitre qui a officié avec moi. Lors de ma finale en 2008 entre le Cameroun et l’Egypte (Can, ndlr), il était mon quatrième arbitre. C’est lui qui dirige aujourd’hui ce département. A la Fifa, il y a Massimo Busacca qui est au département d’arbitrage. Lui, on a fait la Coupe du monde 2006 ensemble. A l’Uefa, c’est Pierluigi Collina qui dirige le département. Donc, il n’y a que des gens qui ont du vécu qui dirigent ces commissions. Mais chez moi, depuis que j’ai raccroché, on ne me donne pas la possibilité d’apporter mon expérience aux jeunes. Je me sens tellement gêné parce que si j’ai pu réaliser des exploits sur le plan arbitral c’est grâce à mon pays. Je fais partie d’une génération dorée d’arbitres qui gèrent l’arbitrage dans le monde aujourd’hui. Ils sont à tous les niveaux. Et on a voulu tout faire pour que l’arbitrage ne soit plus considéré comme une plaie. Même dans les pays limitrophes, c’est les arbitres qui gèrent ces commissions. Au Bénin, c’est tout le contraire.

Mais vous avez quand même eu un poste dans la commission, non?

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J’avais cru que le président de la Fédération allait former une commission de techniciens parce que la commission d’arbitrage doit être une commission technique. On sait que le Bénin regorge de grands cadres en matière d’arbitrage, j’en fais partie. Je ne pose pas seulement mon problème. Il y a beaucoup qui ont été écartés alors qu’ils ont été formés à grands frais par le Bénin. Et moi, on m’a fait membre.

Qu’est ce qui vous gène?

 Ce qui me gène c’est que la compétence de ceux qui dirigent cette commission ne dépasse pas nos frontières. C’est des novices ! C’est comme si dans un hôpital, on enlève les médecins pour confier les patients aux garçons de salle. C’est exactement ce qui se passe ici. J’aurais pu accepter si je trouve des doyens, des gens qui ont du vécu. Mais je ne peux pas me faire diriger par des gens qui n’ont jamais officié un match à l’extérieur ou connu le haut niveau. Le Bénin m’a tout donné en matière d’arbitrage et c’est à mon tour d’apporter quelque chose à l’arbitrage béninois. Je suis capable de relever le niveau de l’arbitrage béninois. Les gens le savent très bien.

Vous avez apparemment noté d’autres irrégularités.

Au niveau de cette commission, tous les grands postes sont occupés par des arbitres qui viennent d’une seule Cra (Commission régionale des arbitres, ndlr). Il s’agit de la Cra de l’Ouémé. Mais le Bénin ne se réduit pas seulement à l’Ouémé ! Il y a plusieurs Cra. Où allons-nous avec tout ça ? Il faut un peu d’équilibre. Est-ce qu’on peut construire notre football comme ça ? Vous avez vu on a déjà commencé à bastonner les arbitres. Il faut que les dirigeants sachent qu’il n’y aura pas de bon football sur nos terrains si on n’a pas de bons arbitres. Et ces messieurs positionnés dans la commission n’ont jamais été des exemples en matière d’arbitrage. Qu’est-ce qu’ils veulent enseigner alors aux jeunes ? Il faut que les gens réfléchissent un peu. Avant de désigner un arbitre, on doit tenir compte de plusieurs paramètres. C’est purement technique. Il ne s’agit pas de remercier des gens. Je compte toujours sur le président Augustin Ahouanvoèbla pour changer la donne. C’est un monsieur que j’apprécie beaucoup puisqu’il lutte à l’Assemblée pour la bonne gouvernance, contre l’exclusion. C’est ce que nous voulons au niveau du football. Il a été sans doute mal conseillé. Je le sais suffisamment intelligent pour dire non. Je veux vraiment qu’il réussisse, qu’en son temps que le Bénin participe pour la première fois à une Coupe du monde. Je demande humblement au président d’associer tout le monde.

Cette équipe fédérale vous a quand même fait confiance alors que sous Anjorin Moucharafou vous n’aviez jamais été promu ! Est-ce que ce n’est pas une avancée?

Non. Sous Anjorin Moucharafou, j’étais toujours en activité. J’ai raccroché en 2011. Le football béninois a ensuite traversé une crise qui n’a rien arrangé.

Aujourd’hui, vous avez déposé votre lettre de démission. La Fédération vous a-t-elle répondu?

Pour le moment, aucune réponse. C’est vrai que j’ai démissionné mais je n’ai pas fermé la porte. J’aime le football. J’ai envie de faire quelque chose pour mon pays. Je suis gêné de ne pas voir des arbitres béninois lors des phases finales de Can et de Coupe du monde. Moi, je faisais quand même partie des tout meilleurs au monde !

Un mot pour conclure cet entretien

Pour finir, je voudrais dire aux sportifs que ça fait trois ans que j’ai raccroché. Je suis fier de ce que j’ai apporté à l’arbitrage africain et mondial. Je ne vais pas revenir sur mon parcours. Mais mes deux Coupes du monde et ma finale en 2008 sont autant de souvenirs. Je les remercie pour le soutien. Je voudrais dire que le football béninois est encore capable de progresser mais il faudra que les dirigeants actuels comprennent que le football est l’affaire de tout le monde. Je demande aux jeunes arbitres de garder espoir. Mon souci majeur c’est de tout faire pour qu’un autre jeune fasse plus que moi. Depuis trois ans, personne n’a pu me remplacer. S’ils (les dirigeants, ndlr) me donnent un an, l’arbitrage béninois reviendra au plus haut niveau. Je suis en train de créer une école d’arbitrage pour former les jeunes. Ceux qui ont envie de faire l’arbitrage peuvent déjà me contacter.

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