Nigéria : le Gouverneur Lamido Sanusi victime de ses succès et des « Parrains »

La nouvelle est tombée en pleine réunion des gouverneurs de Banque centrales des pays de la Cedeao à Niamey, lundi dernier :Lamido Sanusi le très médiatique et tout puissant gouverneur de la Banque centrale du Nigéria que le Magazine Times avait classé parmi les 100premières personnalités les plus influentes du monde en 2011 est suspendu de ses fonctions.

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Celui qui avait déclaré quelques semaines plus tôt que la somme faramineuse de 20 milliards de dollars (environ 1000milliards de francs Cfa) manquaient dans les comptes de la Compagnie pétrolière nationale du Nigéria (NNPC) , venait ainsi d’être remercié comme un malpropre pour »imprudences financières » .Dans un pays sérieux où les questions de bonne gestion de la chose publique sont une préoccupation constante, une telle déclaration aurait donné lieu à une ouverture d’information judiciaire ne serait -que pour situer les responsabilités et les auteurs auraient été punis. D’autant que le gouverneur Sanusi a acquis la réputation d’un homme intègre à cheval sur les questions de gouvernance. Il a en effet à son actif le redressement du système bancaire nigérian autrefois peu fiable. C’est lui en effet, en tant que gouverneur qui a mis à nu les pratiques peu orthodoxes de certains banquiers nigérians qui accordaient des crédits à tort et à travers, sans garantie suffisante. Les dirigeants des banques mises en cause ont été purement et simplement limogés et certains ont été jetés en prison. Les créances dites toxiques ont été gelées et les banques ont été renflouées en liquidités sur fonds publics. Le succès ne s’est pas fait attendre et aujourd’hui, toutes les banques nigérianes ont été converties à des pratiques plus orthodoxes. Mais le gouverneur Sanusi ne s’est pas contenté de jouer ce rôle de gardien de l’orthodoxie financière en matière de gestion bancaire .Il a adopté une posture carrément nationaliste dans le débat politique sur la coopération sino- africaine. La Chine apparaissait aux yeux de tous les régimes africains comme l’alternative providentielle à l’impérialisme occidental. Le gouverneur Sanusi dans une tribune célèbre publiée par les plus grandes revues occidentales comme The Guardian s’est vigoureusement élevé contre le nouvel impérialisme chinois qui n’était pas à ses yeux différent des pratiques de la colonisation. La Chine, disait-il vient s’emparer de nos matières premières à vil prix contre ses produits manufacturés de qualité douteuse. Cette sortie fracassante n’a pas eu l’heur de plaire aux autorités chinoises qui s’en sont émus et ont réagi en son temps au plus haut niveau, pour signifier que la Chine, contrairement à l’Occident n’avait vis-à-vis de l’Afrique aucune visée impérialiste. Mais le mal est fait, Lamido Sanusi avait marqué un point dans la guerre entre Chinois et Occidentaux et visiblement, le message de la vigilance des Africains vis-vis des investisseurs chinois est passé dans l’opinion africaine qui a commencé depuis lors à ne pas considérer les partenaires chinois comme des philanthropes.

Indépendance et franc parler

Autant les prises de position du très médiatique gouverneur plaisaient au grand public africain , autant elles agaçaient les dirigeants de son pays qui n’attendaient que la moindre incartade pour faire taire définitivement ce trublion qui poussait trop loin la lutte contre la corruption. Goodluck Jonathan qui a fort à faire à l’intérieur de son propre parti qui connaît les défections les plus sérieuses depuis son avènement au pouvoir a besoin de donner des gages aux gros parrains du parti au pouvoir le Pdp que le gouverneur rebelle dérangeait pour son indépendance et son franc-parler .Lamido Sanusi a oublié qu’il n’était pas le gouverneur de la Banque Européenne ni de la Federal Reserve américaine dont les dirigeants donnent des directives fermes aux politiques, quitte à ces derniers de ne pas les suivre, à leurs risques et périls. Mais Sanusi est le gouverneur d’une Banque centrale d’Afrique. Malgré les dispositions constitutionnelles qui exigent que sa suspension soit ratifiée par le sénat nigérian, il n’est pas comme ses pairs américains et européens à l’abri des sautes d’humeur de ses dirigeants et surtout des luttes d’intérêts qui minent la classe politique du Géant d’Afrique. Un pays où de puissants réseaux de faiseurs de roi quadrillent le territoire et contrôlent tout. Ce n’est pas pour rien que le gouverneur déchu s’est défendu d’être manipulé par les politiciens et qu’il est contraint de se justifier sur sa page facebook sur les relations qu’il entretient de longue date avec certains hommes politiques qui sont venus l’accueillir à l’aéroport de son retour de Niamey, où son passeport lui a été confisqué. Ainsi va l’Afrique !

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