Affaire Parfaite au Bénin : coexister pacifiquement avec le schisme catholique de Banamè

Le professeur Albert Gandonou, est connu comme le grand coordonnateur au Bénin  du mouvement «Chrétiens pour changer le monde», un cercle de réflexion qui regroupe toutes les obédiences chrétiennes, créé pour améliorer les comportements de tous ceux qui se réclament de Jésus Christ.

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Dans le présent article, l’universitaire (il est Docteur es lettres et Recteur de l’institut universitaire du Bénin (Iub) prend ouvertement position dans le différend qui oppose l’Eglise catholique et ce qu’il est convenu d’appeler «l’Eglise de Banamè». Un brûlot qui ne manquera pas de soulever la polémique.

L’écart creusé par l’Eglise entre elle-même et l’Evangile est sans cesse dénoncé par le mouvement «Chrétiens pour changer le monde» (Cpcm) : si le sel perd sa saveur, avec quoi le salera-t-on ? L’Eglise n’est pas, surtout en Afrique, une force de transformation de la société mais une force d’appoint du système d’exploitation et d’oppression des peuples, que ce soit pendant la traite des Noirs, ou bien sous la colonisation ou encore aujourd’hui sous le régime du néocolonialisme.

L’incroyable déclaration de Parfaite de Banamè suite à son entretien avec Boni Yayi

Pourquoi d’ailleurs les prêtres ne travaillent-ils pas pour vivre, comme Paul de Tarse, le fabricant de tentes, et pour avoir une parole plus libre devant les puissances et les dominations ? Pourquoi, diantre, faut-il qu’ils soient célibataires ou astreints à un vœu de chasteté que visiblement ils ont trop de mal à respecter ? Et pourtant Jésus a bien pris la précaution de nommer comme premier pape Pierre qui était un homme marié !

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Les prêtres pédophiles, en Afrique aussi

Pourquoi se vautrent-ils dans le paraître, le moralisme de façade prêché pour les autres, les apparats, les flonflons qui ne cachent plus rien?. Et je regarde narquois les papes demander, de nos jours, ici et là, pardon pour tous les prêtres pédophiles qui ont fait d’incalculables victimes parmi des enfants en Europe, en Amérique et en Australie. On ne parle pas encore des ravages que dans leur sainteté ils ont causés en Afrique… l’éternelle laissée pour compte !!! Parmi les prêtres africains noirs, on n’entend pas beaucoup parler de prêtres pédophiles. Est-ce à dire qu’ils n’en existent pas ? Je n’en sais trop rien. En revanche, personne ne se scandalise chez nous en apprenant des histoires de prêtres qui ont femmes et enfants. CPCM, dans ses colonnes et sous la plume de Paul Azan, a fustigé dans ses tout débuts les abus et les contre-témoignages en ce domaine et décrié les « maquis sacerdotaux », entendre les autres presbytères où vivent cachés (?) les femmes et les enfants de prêtres. C’est l’un de mes éducateurs au petit séminaire, le très révérend Père René Gauthier qui m’a sodomisé à plusieurs reprises. Cela s’est passé en 1963-1964, j’avais treize ans et j’étais en classe de sixième ! Il m’a dit que ce n’était pas un péché du moment que lui était prêtre

Parfaite, une excroissance de l’Eglise catholique

Pourquoi avoir fait du sexe le critère de base pour apprécier la sainteté ? Pourquoi nos pasteurs courent-ils au pouvoir et à la richesse, et se tiennent cois sous les bottes corrompues de nos potentats prédateurs de biens communs ? Pourquoi a-t-on laissé le christianisme devenir une religion comme les autres ? Ayant perdu sa raison d’être, sa spécificité, il perd son utilité ou n’a que la même utilité que les autres religions. Du coup et à nos yeux, le christianisme, sous ses diverses formes (catholique, protestante, évangélique, ou autres), a tort de profiter de la domination occidentale sur l’Afrique pour fouler aux pieds les institutions endogènes (le Vodun, le Tim, en l’occurrence). Il a tort de les taxer d’idolâtries, tout en déployant à profusion des statues ou d’autres symboles. Il a tort de les taxer d’idolâtries, tout en servant Mammon, l’argent, la propriété privée, l’idole des idoles aux yeux de Jésus. Tout ceci a conduit, au Bénin, au schisme catholique de Banamè-Sovidji et créé les vocations de Vicencia Chanvoukini, dite Parfaite, et de Mathias Vigan, respectivement Dieu le Saint-Esprit, et Pape Christophe XVIII. Dans une vie antérieure, l’une était taxée d’être une possédée du diable et l’autre était prêtre exorciste catholique ! Et déjà sont au rendez-vous le pouvoir soi-disant venu de Dieu, et l’argent, et les fidèles (croyants et crédules) qui affluent par milliers courant au miracle pour changer leur vie.

Toutes les caractéristiques des schismes

La guerre  – verbale pour le moment – à laquelle nous assistons entre l’Eglise catholique et cette religion, nouvelle venue, qui se dit aussi catholique est caractéristique des schismes. On se souvient des débuts du christianisme quand il a dû se séparer du judaïsme à partir de la chute du second Temple en 70 et après que les autorités pharisiennes de Yavné ont exclu de la synagogue, au moyen de la Birkat yaMinim, les nazoréens, chrétiens restés fidèles au judaïsme. « Une Eglise, dit-on souvent, n’est jamais qu’une secte qui a réussi. Le terme a deux pères : sequor, je suis, et seco, je coupe. Pour faire triompher l’amour, Jésus enjoint aux siens de rompre avec leur famille, le Temple, leurs amis et même leur peuple. Il saute par-dessus les murs de la circoncision et de la cachrout, mais ses disciples élèveront bientôt d’autres murs, faits de rites, de dogmes et de sacrements. « L’unique Église du Christ », répète encore le pape, en relevant les remparts autour de son credo. […] On croit toujours contre une croyance antérieure, et l’histoire des religions a ceci de commun avec celle des sciences qu’elle progresse (dans le temps, non en sagesse) à coups de boutoir et à contrepied. […] Ce « je ne puis » luthérien, indéfiniment relancé à travers les siècles (tant il y a de doubles dans une poupée russe), surgit du constat fait par le cadet que le dialogue avec l’aînée est devenu impossible et qu’il lui faut ses propres signes extérieurs de distinction pour ne pas succomber à la réconciliation …. »

Que faire?

Le «christianisme historique» illustre amplement ce fait, au contraire du «christianisme idéal» vers quoi nos cœurs sont comme naturellement portés. Pour supplanter le mithraïsme dans l’empire romain au IVe siècle, il avait suffi, en 391, qu’avec l’appui de l’empereur romain le christianisme déclare illégale cette religion pourtant très populaire. C’est au mithraïsme que le christianisme arrache le 25 décembre (qui coïncide à peu près avec le solstice d’hiver et où se commémore la naissance de Mithra) pour en faire Noël, anniversaire fictif de la naissance de Jésus. Ces temps de pouvoir et d’abus de pouvoir au nom de Dieu sont définitivement révolus ! Il faut en prendre son parti. Le schisme catholique de Banamé-Sovidji est donc une situation avec laquelle l’Eglise catholique au Bénin doit apprendre à vivre, à coexister pacifiquement.

Albert Gandonou
Dr es lettres
Recteur de l’institut universitaire du Bénin (Iub)

 

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