Mon cri de cœur à ce peuple que j’aime tant

Cri de cœur ! Coup de gueule! Peu importe l’appellation qu’on lui donnera. Je veux tout simplement dire à ce peuple mien et à ses dirigeants, ce que le petit peuple, le peuple d’en bas m’a autorisé à lui dire.

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n en a marre ! Marre de toutes ces diatribes qui ne nous font guère avancer ! Marre de tous ces prises de position qui n’ont pour conséquence que d’amasser dans un coin les ingrédients qui serviront à allumer le brasier. Le brasier de la guerre, qui n’attend que l’allumette qui produira la détonation. GBO ! GBA ! GBOU ! C’est comme ça que résonnent les canons. Même si je n’en ai jamais entendu de près, j’entends leur écho dans les films à la télévision. Et je sais l’effet que cela produit sur les invités, lors des enterrements de dignitaires dans certains villages et quartiers de villes.

Le Bénin mort?

Nous entretenons les ingrédients pour allumer le feu. Hôpitaux morts ! Ecoles mortes ! Tribunaux morts ! Administrations mortes ! Que reste-t-il encore à enterrer puisque tout meurt chez nous. Le Bénin lui-même, n’est-ce pas, mes chers frères et sœurs, mes parents et amis, mes amis syndicalistes et autres praticiens et magistrats. ? Quand le spectre de la guerre arrivera à s’introduire chez nous, qui sera assez fort pour l’en chasser ? Qui, parmi tous ceux-là qui bandent les muscles et parlent en désordre de sujets qu’ils maîtrisent à peine, apportant leur caution à celui-ci ou celui-là, tout simplement parce qu’on veut plaire au chef ou qu’on veut se positionner par rapport à des échéances encore hypothétiques. Nous le peuple d’en bas, on en a marre ! Marre de ce que depuis pas mal de temps, tout va à l’envers dans notre  pays. Tout marche sur la tête et on ne pense pas qu’il faille s’arrêter pour faire le point, réajuster les pendules pour les remettre à l’heure.

On mange mieux au Bénin?

Pour les dirigeants et leurs «Klébés», tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Les sirènes de la propagande sont toujours en marche pour vanter les mérites du Guide bien – aimé. On est allé jusqu’à déclarer à la face du monde qu’au Bénin, nous mangeons mieux aujourd’hui qu’il y a dix ans. Mais on est où là ? Dans ce même Bénin où l’UEMOA  nous classe après des pays qui sortent de guerre, et où le taux d’inflation à plus de 5% ? Sommes-nous tous dans ce même pays où les populations arrivent à peine à manger une fois par jour ? Si vous vivez dans votre tour d’ivoire, perché au troisième étage de votre immeuble, et qu’aucun parent du village ne vous visite pour solliciter chaque semaine votre concours, vous pourrez affirmer du haut d’une tribune populiste que tout va bien. Qu’au Bénin, tout le monde mange à sa faim, et que la prospérité est partagée. On n’a même pas besoin d’aller dans les sinuosités du Bénin profond pour s’en convaincre. Cotonou et ses nombreux quartiers sont le poumon de la misère nationale. Chaque jour affluent de nombreux crève-la -faim de nos hameaux reculés vers notre capitale Marigot du Sud, espérant venir à bout de leur grande misère. Et on nous dit que nous mangeons bien, très bien même. Une hérésie ! Quand je pense que j’ai dû acheter un sac de « riz subventionné » dans un ministère pour en distribuer à tous les « nécessiteux » de ma famille, moi qui ai vu mon niveau de vie baisser de façon drastique. Il faut partager ! Ne cesse de répéter notre Président bien –aimé. 

Partager ! Partager comme le recommande Dieu notre créateur ! Monsieur le Président, très peu de gens suivent vos enseignements. Très peu de personnes ont à cœur le bonheur de ce peuple. Ils thésaurisent, ils accumulent, ils amassent car voulant laisser à leur progéniture tellement de biens au soleil, que jamais, au grand jamais ceux-ci n’aient à mourir de faim. Car ici, au Bénin, mourir de faim, vivre dans la misère est la chose la mieux partagée. Les médias viennent de nous informer qu’un inspecteur de l’enseignement primaire à la retraite s’est pendu. On n’aura pas besoin d’une boule de cristal pour savoir que le dénuement total dans lequel il végètait et qui est le sort de tous nos retraités l’a conduit à ce geste fatal. Lui n’a pas bénéficié d’un contrat post retraite, comme c’est la mode depuis l’avènement du Changement. Alors, ne pouvant faire face à ses besoins les plus fondamentaux, il a préféré se faire hara-kiri pour ne plus continuer de vivre dans l’indignité.

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Et c’est parce qu’il a refusé de cautionner cette indignité que notre célèbre arbitre Bonaventure CODJIA, notre fierté nationale, que dis-je la fierté de tout une race, tout un continent, a refusé qu’on foule aux pieds son nom, son rang et tous ses titres. On n’est pas chef parce que grâce à ses reptations, ses relations souterraines, ses laudes, on a été propulsé du jour au lendemain. On n’est pas un chef véritable parce que les relations partisanes, régionalistes,  claniques préfèrent avoir les leurs partout et tout le temps. Dans quel pays sommes-nous, et on ne peut comprendre que le seul critère pour mériter un poste est de choisir le meilleur parmi les bons, et de ne jamais sauter la hiérarchie qui se bâtit pas à pas, grâce aux expériences acquises en tressant sa corde au bout de celle des devanciers. Une autre politique qui consiste à dégager les gens d’expériences, à leur offrir une retraite anticipée pour vite promouvoir les siens ne peut qu’aboutir à la situation d’hôpitaux morts, administrations mortes, tribunaux morts… dans laquelle notre pays est plongé.

Je suis une mère ; mieux une enseignante qui a passé la moitié de sa vie à former des générations de jeunes. Je continue d’apporter ma pierre à ce chantier titanesque, et dans mes échanges avec mes ouailles, je suis frappée par le désespoir qui émane d’eux. Désespoir dans le regard, dans les cœurs, dans les paroles… Désespoir absolu. « Rien ne nous attend ! Nous étudions pour rien ! Jamais on n’en sortira ! Les aînés ne font rien pour améliorer notre sort… Pire, ils refusent de partir à la retraite, s’arrangent avec les autorités pour garder leurs places, afin de continuer à bénéficier de leurs privilèges!

Le désespoir, salaire de la jeunesse

Chômage ! Sous-emploi ! Peu importe le nom qu’on lui  attribue ; cette bombe nous pend au nez. Cette bombe, je l’ai toujours dénoncée et demandé lorsque j’étais au ministère de la Microfinance, qu’on y accorde plus d’attention, qu’on consacre tous ces moyens importants à des propositions plus réalistes et moins coûteuses. Des solutions endogènes qui occuperont les fils d’un terroir et, par un mécanisme de structure modèle (des micro-entreprises), emballeront toute la jeunesse du village, de la région. Vu les résultats probants, (des pays ont réussi l’expérience ailleurs pourquoi pas nous ?). A-t- on besoin d’aller étudier dans une Ecole supérieure de commerce ou d’entrepreneuriat pour faire des propositions aussi réalistes et immédiatement réalisables ? Ceci permettra d’occuper notre jeunesse qui se sentira plus utile à la société béninoise, parce qu’elle lui fournira tous les produits dont nous avons besoin pour mieux vivre, manger à notre faim et faire reculer effectivement la pauvreté.

La mauvaise gestion des ressources humaines

Moi, à travers ma plume, je refuse de prendre parti. Je suis la voix des sans voix,  la bouche des bouches qui s’affaissent au cachot du désespoir. Je suis moi, un véritable « fou du roi », n’en déplaise aux autres fous qui ne disent pas la vérité à notre père national. Monsieur le Président Boni YAYI ! Vous êtes le président de tous les Béninois ! On vous a élu pour ça ! Le peuple vous a mis sur ce trône, parce qu’il avait mis beaucoup d’espoir dans votre règne. Mais, hélas, depuis votre avènement, beaucoup de choses vont mal. Le pays marche sur la tête. Vous vous plaignez, en Conseil des ministres qu’on ne respecte plus les aînés, comme cela se faisait depuis la nuit des temps chez nous. Et comment voulez-vous perpétrer nos valeurs, lorsque le bouleversement de la société est entretenue au plus haut niveau, disons le franchement, par les autorités mêmes de notre pays à travers la gestion des ressources humaines sous votre règne ? Faites l’enquête dans nos administrations, dans nos écoles et hôpitaux. Les personnes d’expériences sont au placard, et les jeunes imbus du protectorat de quelques seigneurs de terre, sont nommés tous azimuts et traitent ceux-là qui doivent leur apporter l’expérience, comme des « has been ». Ces jeunes loups se sentent intouchables et piétinent qui veut se laisser piétiner. Le respect de l’aîné ne peut que déserter la cité. Et ce sont ces comportements  irrationnels que dénoncent les magistrats. Rendez-leur justice, afin que la justice redevienne nationale. Comme tous les autres corps de métier, c’est un secteur où le chef de gare doit connaître une évolution normale  et ne pas se retrouver aiguilleur. Des chefs de gare devenus aiguilleurs dans notre pays, il y en a des camionnées. Tant que vous n’allez pas remettre en cause tous ces disfonctionnements, tant que l’injustice, le régionalisme, le clientélisme etc… seront érigés en système de gouvernance, le pays marchera sur la tête, et les crises se succèderont. Remettez l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et tout ira mieux. Comment cela se passait avec vos devanciers pour que nous continuions de vivre dans la nostalgie des gouvernements des présidents KEREKOU et SOGLO ? Allez à leur école, mon cher Président. Il n’y a aucune honte à copier ce qui est positif chez les autres. Il y a va du développement de notre pays. Avec tout le respect que je vous dois, remettez la balle à terre. Les mères que nous sommes, souffrons énormément de la situation socio-politique du pays. La paix est un comportement. Et c’est le chef qui par ses propos, par ses actes l’installe durablement dans son pays. Aucun peuple n’a le monopole de la violence. Ce sont les crises mises bout à bout qui mettent l’étincelle à la poudre. 

Balle à terre à tous

Chers amis syndicalistes ! IKO est mon ami, AZOUA aussi. Sans oublier AFFAGNON et tous les autres. Ils sont enseignants comme moi. Ils savent que dès que nos enfants, après quelques jours de congés oublient tout ce que nous leur avons appris dans les assiettées de pâte et de riz de leur mère. A plus forte raison, s’ils laissent cahiers et livres pendant plus d’un mois. Prenez en exemple les syndicalistes tunisiens qui ont par des pressions obligé les politiques à s’entendre pour rédiger une Constitution qui fasse l’unanimité autour de son contenu. Ensemble avec tous vos confrères des autres professions, immortalisez l’action syndicale dans notre pays en agissant pareillement. Vous grandirez aux yeux des populations qui paient le lourd tribut des hôpitaux morts, des écoles mortes, des administrations mortes… etc. Sinon, nous vos femmes, vos mères allons marcher nues comme les Togolaises ; pour crier notre raz-le bol. Nous marcherons nues, comme l’ont fait nos mères par le passé pour crier halte à la misère qui sévit dans nos maisons. Nous marcherons nues pour vous obliger enfin à vous asseoir sous l’arbre à palabre et fumer le calumet de la paix. Si le roi GUEZO nous a demandé de venir tous boucher notre jarre trouée, c’est pour que jamais l’eau n’en sorte.

Le Bénin, notre bien commun

Devrons-nous attendre que le Bénin soit peuplé de « Sélékas et d’anti-Balakas» qui  pillent, violent, lynchent et tuent,le petit vendeur musulman de coin de rue  et le député élu de la nation sans état d’âme, avant de prendre conscience que nous sommes allés trop loin et qu’il faut arrêter de jouer avec le feu ? On en a marre ! Le peuple en a marre. Nous sommes fatigués ! Nous les mères béninoises sommes fatiguées de lutter sans résultats probants pour l’avenir de nos enfants. Entendez-vous, sinon nous allons envahir les rues. Et nues ! Quand vous aurez attiré la malédiction des dieux sur le pays, vous porterez seuls la responsabilité, vous les hommes de ce pays. Et sachez tous que « l’orgueil cherche sans trouver, ce que l’humilité trouve sans chercher ». Sachez également que « ce que chacun de nous sait ne vaut pas ce que nous savons tous » a dit EURIPIDE, le poète grec.

Taisons les rancœurs, chers frères, chères sœurs. Laissons le temps laver nos douleurs.  Rendez justice aux Hommes, mon cher Président, et la paix rejaillira à nouveau dans les cœurs. Nous n’avons qu’une seule patrie, le BENIN, notre bien commun. Prouvez à tous que vous l’aimez vraiment ; que vous aimez vraiment ses femmes. Elles m’ont demandé de parler en votre cœur d’époux, de père de la Nation. J’espère avoir réussi. Sachons tous Béninois, qu’on n’est jamais mieux que chez soi. Et je répète après mon cher ami et collègue Amoussou-Yéyé Dénis « E madjè ko badjè ».

Par Adélaïde Fassinou Allagbada

Prof de Lettres – Ecrivain

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