Humeur du temps : Yayi, le président devenu «Papa»!

Et la voilà qui nous sert la bonne formule de déférence. A une question du Chef de l’Etat  en tournée dans le septentrion pour  constater de visu l’évolution du transport de coton, la ministre de l’agriculture Fatouma Amadou Djibril répond : «oui Papa» de sa voix de gamine.

Publicité

Une telle appellation devrait surprendre tous ceux qui ont suivi l’émission «zapping» sur la télévision canal3. Dans sa volonté effrénée de recherche de formule magique pour séduire son chef et pour lui montrer combien de fois elle lui voue vénération, la ministre Amadou Djibril a sorti publiquement cette appellation utilisée jusque -là dans des cadres strictement informels ou privés. A travers cette appellation, Boni Yayi est vu plus qu’un président. Il est considéré comme un père, le patriarche qui dirige la république tel un seigneur qui a droit de vie et de mort sur ses sujets.  Depuis 2006, le culte de la personnalité est en vogue dans le gouvernement. L’un de ses premiers adeptes, Armand Zinzindohoué passait tout son temps à louanger le Chef de l’Etat avec sa litanie : «Boni Yayi est un développeur, c’est un homme de vision, un homme de conviction, il aime ce pays…». Pour lui, le Chef de l’Etat est un demi-dieu, un thaumaturge venu pour sauver le pays. Bien qu’il ait réussi  grossièrement à transformer son portefeuille de ministre des travaux publics en celui d’un griot idolâtre de Yayi, à priser les génuflexions et les « oui monsieur le président» et la «la haute autorité» à ses atouts techniques et sa capacité à convaincre et initier des projets pertinents pour son département, il tombera en disgrâce avec son chef qui l’a mis aux arrêts pendant quelques jours avant de le faire relaxer. Pour sauver sa peau, il prendra la poudre d’escampette. Sa formule de séduction avait fini par se démoder et lasser le Chef toujours à la recherche de cantiques pour assouvir ses appétits de président propagandiste. Fatouma Amadou Djibril paraît bien plus ingénieuse. En poussant l’indignité jusqu’à appeler publiquement le Chef de l’Etat Papa, elle a ouvert un nouveau chapitre du culte de la personnalité. Celui- là même qu’ont lu et appliqué tous les grands dictateurs de ce monde. François Duvalier, ancien président haïtien, dictateur invétéré se faisait appeler «Papa Doc». De 1964 à 1971, il fait régner la terreur sur cette île.  Quid de Staline? Lui c’est «le petit père des peuples». En Russie, il faut un autocrate qui liquida un à un tous ses opposants et inventa le «complot des blouses blanches». Il fut très friand du culte de la personnalité. On a connu Mobutu, le roi du Zaïre, dont le pouvoir vira dans la tyrannie et qui contraignait son peuple à l’adorer. Plus près de nous, on a vu Gnassingbé  Eyadema, qui se faisait aussi appeler Papa. De ces quatre décennies de règne, on  n’en retient que misère, torture, manipulation du peuple et culte de la personnalité. Il est mort au pouvoir ce «papa» aussi. Je me résume. Le culte de la personnalité, la manipulation sont le propre des dictateurs qui veulent s’éterniser au pouvoir. Lors de sa dernière conférence de presse au Bénin Marina Hôtel, Candide Azannai dénonçait ce culte de la personnalité qui prenait des proportions inquiétantes dans le pays. Il confirmait ce recours de plus en plus fréquent de ministres et de ses proches collaborateurs  au terme «papa» pour désigner le président de la république. Ceci est une entorse à la constitution du Bénin qui ne reconnaît pas de papa mais un président de la république, chef de l’Etat et du gouvernement. Alors que le papa est un géniteur, celui qui a donné la vie. Dans le contexte traditionnel, c’est le mari féodal qui exerce une forte autorité sur sa femme et ses enfants. Boni Yayi est-il ce personnage là?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité