Bénin : les anciens du collège Aupiais de Cotonou pleurent Hagen KORDES

Les Anciens du Collège Père Aupiais pleurent un des leurs. Le Professeur Hagen KORDÈS, Hagen comme on l’appelait couramment, vient de nous quitter le 22 février dernier, au terme d’un parcours hallucinant.

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Né le 11 février 1942 à Lübeck, sous les bombes de la Deuxième Guerre mondiale comme il aimait le dire, l’enfant prodige perpétuellement en fugue part de son Allemagne natale pour l’aventure  du tour de l’Europe à l’âge de huit ans. On le voit,  sa patrie déjà s’étend aux frontières du globe terrestre.

Ses pérégrinations le verront  plus tard étudiant à l’université de Paris-Nanterre où il côtoie le futur héros de Mai 68 Daniel Cohn Bendit, puis au Séminaire de Paris pour devenir prêtre.

C’est donc en année sabbatique, avant son ordination remise par la suite aux calendes grecques, qu’il atterrit ce mois d’octobre 1967 au collège Aupiais.  À 24 ans docteur en sociologie, il est professeur de philosophie dans les classes terminales de série scientifique (C et D) et enseigne également l’allemand aux classes plus jeunes.

Pédagogue atypique et iconoclaste sans jamais perdre sa rigueur germanique, il forme des  élites fortes, de véritables disciples à la manière gréco-latine où l’école est ouverte sur la totalité de l’être et du savoir, à la fois livresque et vivante. Avec le Pr KORDES, la très abstraite somme philosophique s’articule au vécu en son entier, allant de la première transplantation cardiaque par le Sud-Africain Chris Barnard ou du premier pas de l’homme sur la lune (les deux en 1969) à la main tendue du mendiant sur le trottoirou à la grogne syndicale. Il rappelle volontiers que la journée du philosophe commence par la lecture du journal selon Hegel et se termine par la marche dans la rue selon Kant.Bien sûr Mai 68 ! Il en fera un cours spécial.

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Les cours extra-muros sont fréquents, sur le lieu de l’événement. Hagen va également désacraliser la note du professeur : l’élève s’évalue lui-même selon des critères convenus.

La génération Hagen sera aussi celle de l’équipe de football qu’il crée  et anime au sein du collège. Celle des voyages d’études de groupes d’élèves, entrepris à son initiative au Dahomey et dans les pays voisins. Celle des clubs littéraires et scientifiques tout de son cru, etc.  

Et il y a l’homme, encore et toujours. Cette immense générosité, cette introuvable proximité, magique, contagieuse tant le personnage est charismatique. Hagen connaît le Bénin mieux que n’importe quel Béninois. Pour avoir accompagné, à sa demande, tant de ses élèves dans leurs familles aux confins de tous les départements. Au terme de son séjour, il explore tous les pays de l’Afrique de l’Ouest…sur une moto !

Rentré en Allemagne où il soutient deux autres thèses de doctorat en psychopédagogie, il mène depuis 1970 une carrière universitaire et scientifique d’une prodigieuse fécondité. Toujours sur l’axe théorie-praxis. L’impénitent réformateur dirigera l’équipe d’experts qui va forger le concept allemand de la formation duale (en alternance si l’on veut) : en établissant une liaison organique école-industrie, cette réforme donnera une puissance et une stabilité accrues à l’économie allemande telle que connue de nos jours.

Désormais savant de renom au titre d’une somme impressionnante de publications, il rayonne dans des dizaines d’universités de tous les continents. Avec toujours la même présence humaine dans les familles du pays d’accueil que celle qu’il a imprimée dans le cœur des Béninois en deux ans seulement.

Je l’ai revu pour la dernière fois le 27 janvier dernier à Strasbourg en France. Il y était pour présenter son dernier ouvrage, rédigé avec une universitaire brésilienne. L’homme qui sept décennies durant s’est moqué de tout et de lui-même, n’ayant jamais considéré que la banalité de l’existence matérielle (il n’a jamais porté de cravate), m’avait paru ce jour-là plus éloigné que jamais de la sphère terrestre. Il prenait son envol. Ce sera un mois plus tard.

Selon le serment qui nous lie depuis 47 ans, je ne le verrai pas inerte. Son départ ne sera su de moi qu’après son incinération, le 3 mars seulement.

J’ai représenté avec d’autres compatriotes résidant en Allemagne les générations Hagen du Dahomey- Bénin à la cérémonie d’hommages le 9 mars à Tecklenburg.

Merci, mon cher Jean-Marie Ehouzou, pour ton pathétique message. Disciple de Hagen, oui, pour le privilège que j’ai d’être le plus proche. Mais chacun de nous a tant, et diversement, reçu de lui. Nous sommes tous ses disciples.Le présent témoignage en appelle un nombre incalculable d’autres. Merci à tous.

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