«Nous allons faire du Fitheb, un label pour le Bénin» Ousmane Alédji

Le Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) est en souffrance. Et pour relancer la plus grande messe du théâtre de l’Afrique célébrée tous les deux ans, le Ministre de la Culture Jean-Michel Abimbola a fait appel à un professionnel, un homme qui possède le profil et la trempe nécessaires. Après avoir pris récemment les commandes du festival, Ousmane Alédji met déjà les petits plats dans les grands pour tenir le pari de la réussite de la biennale 2014. Interview.

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Vous avez pris officiellement les rênes du Fitheb le 25 février 2014. Dites-nous, ça fait quels effets de se retrouver à la tête du plus grand festival de théâtre de l’Afrique?

J’éprouve des sentiments mêlés. J’avais quelques appréhensions d’accepter la mission ; elles ont grossi depuis quelques jours que je suis là, à cause de l’état des lieux que je suis entrain de dresser à la demande du Ministre, de l’environnement qui me semble plus difficile à pacifier que je le pensais, mais on va y travailler. Le deuxième sentiment est un sentiment de fierté parce que le Ministre de la Culture en me mettant là a utilisé des mots qui m’ont totalement ébranlé: « Venez sauver votre Fitheb ». Les membres du comité de supervision et moi-même, nous sommes sentis désarmés et honorés. C’est une mission républicaine et nous n’allons pas en réponse à l’appel de l’autorité jouer les difficiles. Ce qui m’a le plus touché, c’est la mobilisation du monde des professionnels du théâtre que j’ai vu derrière moi. Moi je n’ai invité personne à la cérémonie de passation de service mais vous avez vu que la salle ne pouvait pas contenir tout le monde. C’est la preuve que l’énergie est là, les bonnes vibrations peuvent revenir. Nous allons nous y employer. Nous, professionnels, sommes prêts. Pas de fausse modestie, les compétences sont disponibles, l’envie de relever le défi aussi. Si Dieu nous prête la force et la vigueur nécessaires, si le Gouvernement se hisse à la hauteur de nos ambitions et nous assiste franchement, le Bénin sera fier de son Fitheb. Nous nous battrons jours et nuits pour en faire un label pour ce pays. C’est la mission que le ministre nous a confiée.

Justement, dans la conduite de cette mission, pourriez-vous nous dire quelles sont vos grandes priorités?

Ma priorité est l’organisation de l’édition 2014 du Fitheb. Mais je veux faire mieux : construire l’image Fitheb, le label Fitheb. Le Fitheb est organisé au Bénin par les Béninois mais il intéresse le monde entier. Je veux en faire un lieu d’attraction respectable pour que le monde entier vienne à nous. Vous me connaissez. Même si je ne suis pas souverain ici, je ne sais pas faire dans la demi-mesure. C’est tout ou rien. J’ai dit ‘’oui’’ et c’est un ‘’oui’’ par devoir et total. L’autre priorité sera de pacifier l’environnement professionnel pour amener les uns à travailler avec les autres, parce que ce faisant, les uns se nourrissant des autres, la qualité de la création théâtrale au Bénin va se trouver plus éloquente, plus compétitive et plus défendable.

La volonté politique est affichée et vous bénéficiez également du soutien du ministre de la Culture. Est-ce suffisant pour faire un bon Fitheb?

Ce n’est pas négligeable. Je dirai même que cela compte pour 75% dans l’envergure et la réussite de l’évènement. Parce que le Fitheb est un festival de l’Etat béninois. Il en est aujourd’hui en tout cas le propriétaire, le financeur et le promoteur. Nous, nous ne faisons que prêter notre expertise au Gouvernement. Le Fitheb doit être perçu par tous les Béninois comme un  patrimoine national. Et c’est une chance pour notre pays comme le Fespaco l’est pour le Burkina. Il nous reste à redimensionner la taille de notre rêve. Le Fitheb peut être un outil politique plus efficace que la diplomatie et en même temps un marché mondial digne de convoitises diverses. L’Etat béninois sait ce qu’il fait en investissant et en s’investissant dans le Fitheb. Ce n’est pas pour rien qu’il a entrepris avec persévérance de le réformer.

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Les réformes tant souhaitées par le ministre sont encore en cours. Cependant, il faut tenir coûte que coûte la biennale pour la crédibilité du Fitheb. Peut-on en déduire comme le pensent certains acteurs du théâtre que votre mission s’apparente à celle d’un sapeur-pompier, qui est délicate et comporte beaucoup de risques ? Pourquoi avez-vous accepté?

(Rire). J’ai accepté parce que j’aime le risque. Très sérieusement, j’ai pris des risques toute ma vie. Je suis incapable de vous raconter comment les choses se sont agencées pour que je me retrouve ici. Dieu dispose les choses selon l’ordre qui lui convient. Nous obéissons tous au maître suprême de l’ordre. Autrement, vous avez raison. C’est très difficile de travailler au Bénin pour l’intérêt commun, parce que tout le monde a des prétentions, il y a des crieurs, des faiseurs de petits coups. Je suis là dedans depuis plus de 25 ans. A travers les réformes, le gouvernement nous dit clairement qu’il est prêt. Il était important que nous artistes, professionnels, disions que nous sommes aussi prêts. C’est vrai qu’il y a après des angles à arrondir, des mécanismes à huiler pour être plus performant. Mais nous sommes positifs et gardons l’espoir que le Béninois lambda sera un propagandiste et un promoteur du Fitheb. En tout cas c’est l’esprit qui est le nôtre, celui avec lequel nous espérons contaminer les gens que nous allons côtoyer. Je souhaite que tous les Béninois nous aident à construire cet esprit pour qu’il soit populaire, pour qu’il irrigue le monde. En finir pour de bon avec les petits débats autour du Fitheb.

Le directeur sortant vous a mis en garde contre les loups du milieu théâtral et la ruse de l’autorité de tutelle qui peuvent vous être préjudiciables. Vous méfierez-vous ou  allez-vous foncer en fonction de vos convictions?

Je comprends l’amertume de monsieur Wanou parce que quand on connaît l’environnement dans lequel il a travaillé, on peut comprendre ces mots-là. Mais je ne crois pas qu’il était dans une démarche conflictuelle. L’autre chose c’est que le milieu nous est bien connu et ce sont les mêmes acteurs qui travaillent autour du Fitheb depuis plus de 20 ans. Moi je veux travailler avec tout le monde, surtout avec ceux qui veulent nous tirer vers le haut. A ceux-là qui voudront nous tirer vers le bas, nous n’accorderons pas de temps. Maintenant, s’ils insistent, nous allons leur couper les mains parce que nous, nous voulons avancer. Je connais l’environnement et j’ai accepté la mission en connaissance de cause. Je parle déjà aux uns et aux autres. Il y a un nouvel esprit qui naît. J’ai confiance. A la fin, vous verrez.

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