Bénin : le coton autrement

Dieu a créé la nature. L’homme a créé la culture. La formule plaît, apparemment, à nombre de nos auditeurs et lecteurs. Mais au-delà des assonances et des résonnances qui donnent du relief à cette formule et la situent à la limite du jeu de mots, une vérité forte s’impose.

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C’est la division universelle du travail entre Dieu, le créateur, et l’homme, sa créature. Pour manger du maïs, il faut mettre en terre une graine de cette céréale. La nature répond favorablement en transformant la graine de maïs en une jeune pousse. Au bout d’un cycle dont la nature a le secret, la graine de maïs se transforme en plusieurs épis de plusieurs centaines de graines de maïs. Il ne reste plus qu’à passer à table.

Il en est du maïs comme du coton. Une production moderne, industrielle, génératrice de revenus de l’une ou de l’autre de ces deux denrées combine les effets de la nature, qui est la part de Dieu, avec ceux de la culture, qui est la part de l’homme. La nature, quand elle est sollicitée, sait faire pousser le coton. La culture, quand elle est activée, a le pouvoir de transformer le coton brut en un produit fini.

Le colonisateur français fit développer, dans le Dahomey d’alors, la culture extensive du palmier à huile, suivie plus tard de celle du coton. Nous avions le devoir de cultiver ces deux denrées. Mais nous n’avions pas le droit de les transformer, sur place, chez nous. Absurde schéma qui nous cantonnait dans un travail inachevé. Aux autres le prestige et le privilège de la pensée qui transforme la matière première en produits nobles. A nous le lot de marquer le pas, bloqués au stade primaire de la cueillette, retardant à l’horloge du temps et des temps.

Revenons au coton. Notre rapport à cette denrée, d’hier à aujourd’hui, n’a pas changé. Nous mettons en valeur des milliers d’hectares de terres de coton. Nous envoyons notre production de coton brut vers les pays à qui nous avons cédé tout pouvoir de transformation. Nous nous mettons, du coup,   en situation de devoir racheter notre propre coton sous la forme d’un produit fini, après que nous l’avons bradé sous la forme d’une matière première. 54 ans après nos indépendances, c’est ce schéma-là qui prévaut toujours. Rien n’a changé. Le pacte colonial continue. Souvent avec notre complicité active. De quoi pouvons-nous être fiers, dans ces conditions, même si, comme cela se dit, nous avons enregistré, pour l’année en cours, une production de coton record de 330 000 tonnes ?

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Dieu, avons-nous dit, a créé la nature. Le coton sorti de nos champs est encore un produit à l’état de nature.  C’est quand nous faisons l’option de transformer sur place tout ou partie de nos matières premières agricoles, que nous nous engageons à parachever l’œuvre de création de Dieu. La culture est le seul moyen qui puisse nous y aider. Parce que expression de la valeur ajoutée que l’esprit humain apporte à toute chose

Alors question, quels produits culturels pouvons-nous créer, en transformant au Bénin tout ou partie du coton béninois ? Nous pouvons mettre à la disposition de nos populations une gamme étendue de produits manufacturés, issus de la transformation industrielle du coton brut en produits alimentaires ou en fibres textiles : diverses huiles, divers tissus, pour des usages divers.

Imaginons, dans cette mouvance, que nous produisions un tissu de coton made in Benin et labellisé tel. Comme les Ivoiriens savent le faire avec le « Bogolan ». Comme les Burkinabè savent le faire avec le « Faso danfani ». Imaginons encore que nous développions, avec nos couturiers, une série de lignes d’habits ou d’habillement qui porte la marque distinctive de notre génie créateur. Nous nous   réconcilierons avec nous-mêmes. Nous tournerons le dos à ces habits que nous avons jusqu’ici subis par ignorance ou par mimétisme.

La révolution du coton commencerait. Avec une production de masse, pour des économies d’échelle. Ce qui changerait le visage de nos campagnes. Avec des retombées et des revenus qui amélioreraient les conditions de vie de nos   paysans.  Avec une multitude d’unités artisanales de tissage, de filature qui boosterait l’emploi. Avec des industries de transformation qui nous désigneraient, désormais, comme un pays moderne. Avec la reconquête de l’initiative culturelle : créativité accrue, audace imaginative, identité pleinement assumée. Comme on le voit, vivement le coton nouveau, c’est-à-dire, le coton autrement, gage d’un Bénin nouveau, le Bénin de nos rêves.

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