Bénin : pour un encadrement de l’exercice du droit de grève des enseignants

Qu’à jamais nos enfants  ne soient plus  otages  d’une  quelconque  situation conflictuelle! Les rideaux tardent à tomber  complétement sur l’amer feuilleton de la grève des enseignants, déclenchée par les centrales syndicales pour compter du 7 Janvier. Nous continuons de retenir notre souffle en espérant que la suspension de la motion de grève et la reprise  générale des cours soit effective sur l’ensemble du territoire. 

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Mais devrons-nous, rester les bras croisés et sans rien  faire, en attendant une possible réedition du drame, l’année académique prochaine, pour nous inquiéter à nouveau ? Ainsi depuis plus de trois  mois  déjà, nos enfants,  de la maternelle, du primaire et du secondaire ; écoliers et élèves, sont dans la rue ; flanant et déambulant, ne sachant que faire de leur temps, si ce n’est de s’adonner  aux mauvais comportements  qui ont tôt fait de combler le vide ainsi laissé. Nous nous résolvons à présumer que si les chefs des centrales syndicales ont déclenché un mouvement d’une telle ampleur et d’une telle sévérité, c’est  qu’ils ont de bonnes raisons de le faire et qu’ils n’étaient mus que par de nobles et honnêtes intentions portant  strictement revendications corporatistes. Nous voudrions, cependant,   ajouter notre  amertume à celle de ceux qui pensent que plus jamais, sous aucun prétexte de quelle que nature qu’il soit, défense de libertés publiques ou intérêts matériels, nos enfants ne devraient être mis dans la rue  au lieu d’être à l’école. C’est   une question de morale politique et aussi de morale tout court : la  grève a été fortement pénalisante pour eux, qui ne sont qu’enfants, néanmoins cadres de demain.

Une grève pénalisante et discriminatoire fondamentalement.

Sous toutes les latitudes, une grève est revendicatrice de droit acquis  ou de meilleur bien-être ; elle a donc vocation à défendre un intérêt matériel. Nonobstant cela, il se peut qu’elle  entraîne accessoirement et de manière discursive, des désagréments aux usagers des services qu’elle affecte. Généralement, ceux-ci  acceptent sportivement la chose, puisqu’elle vise à améliorer la situation des travailleurs qu’ils sont, eux aussi,  et que les nuisances qu’ils subissent ne sont que subséquentes, matérielles et limitées dans un  temps court.

Toutefois, la particularité  de la  grève des enseignants tient au fait que ses effets induits n’impliquent pas de désagréments d’ordre matériel mais plutôt moral. Les enseignants ont la mission spécifique de  transmettre le savoir et lorsqu’ils s’abstiennent de l’assurer, l’unique  effet conséquent est que les  enfants sont privés de formation. Elle est donc de nature pénalisante, faisant du reste,  obstruction à l’exercice de  l’article 8 de la Constitution qui confie à l’Etat le devoir de formation  des citoyens.  Objectivement, et de la manière dont elle s’est  poursuivie jusqu’alors, la grève des enseignants prend nos enfants – nous nous excusons du terme- en ôtage ; car, faisant abstraction de la langue de bois et parlant trivialement, c’est bien de cela qu’il s’agit quand bien même les syndicalistes s’en défendraient et que nous leur déplaierions. C’est bien cette prise d’ôtage  qui rougit et ne peut dire son nom, qui fait leur force, face au gouvernement ; la corde sensible sur la quelle ils tirent, apparemment  sans état d’âme.

Cette situation étant, et sans préjudice de la légitimité de la cause qu’elle défend, la grève des enseignants  hypothèque objectivement l’avenir de  nos enfants ; les arrière  et impacte négativement  leur avenir. Elle contribue ainsi à terme,  à produire  des cadres peu sûrs et à élonger  le goulot  d’étranglement du dévéloppement, générateur de mieux-être que réclament pourtant  les syndicalistes.

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De surcroit, cette grève des enseignants est discriminatoire par la force des choses. Les enfants pénalisés sont ceux qui fréquentent les écoles publiques ; en d’autres termes, ceux dont les parents n’ont pas les moyens de les inscrire  dans une école privée. Et c’est parce qu’elle est ainsi discriminée,  que les syndicalistes devraient en tenir compte pour minimiser les effets de la grève sur les enfants et éviter d’élargir le fossé déjà naturel, entre enfants de riches et enfants de pauvres. Les premiers se rendent normalement dans leurs lieux de formation ; ils  termineront leur programme sans encombre et sans le moindre souci ; à l’inverse, les seconds, dans la rue, désoeuvrés et en proie à toutes sortes de travers, ne pourront terminer le leur convenablement et  traineront, pour toujours  notamment dans leur vie professionnelle, les lacunes qu’ils auront accumulées du fait de grève de leurs formateurs.

Un environement de confiance déficient

Le déficit d’environnement de confiance parait  déterminant dans la conduite et la persistance de cette grève qui n’a que trop exaspéré la population. Les syndicalistes disent n’avoir pas confiance en la parole et aux promesses du gouvernement ; aussi veulent-ils avoir tout en même temps ; battre le fer quand il est chaud, en quelque sorte,  ‘’  Les enseignants ne sont pas des toqués’’ ‘’Ils ne veulent pas revenir l’année prochaine pour les mêmes choses ‘’  avons-nous entendu dire, de la part d’un Chef  syndicaliste. Et leur manque de confiance s’exprime par leur exigence d’obtenir des engagements écrits du gouvernement. Qu’ont les  enfants à voir dans tout cela, si ce n’est qu’une posture de monnaie d’échange ? Et cela est douloureux ; d’autant plus douloureux que l’on parle aujourd’hui publiquement et sans plus le moindre gêne, d’argent qui aurait circulé abondamment  et qui aurait influencé autant le déclenchement que le cours de  cette grève. Tout cela sur le dos de nos enfants  et à leurs dépens. Décidemment les valeurs citoyennes ont foutu le camp ; et c’est cela que, de par leurs travers, la grève des enseignants, noble dans son origine, enseigne à nos enfants en prime à l’absence de formation !

L’inaction des autorités politiques :  un silence pesant.

Dans ce drame national qu’est la grève des enseignants, qui aurait pu porter atteinte à la stabilité politique du pays, où étaient donc passées les autorités parlementaires ? Elles auront beau jeu de répliquer froidement et sans sourciller,  qu’elles étaient là où il fallait, pour  voter des lois et controler l’action du gouvernement. Ils renchériront volontiers, en faisant valoir qu’il ne fallait surtout pas  mélanger les genres : le syndicalisme est une chose et la politique en est une autre, diront-ils. Mais nous avons vu dans ce pays, des députés flirter ostensiblement avec les syndicalistes pour des choses bien moins importantes que nos enfants ; et lorsque le citoyen moyen s’en était iquiété, il lui a été répondu qu’il n’y avait rien de plus normal à cela  pour la raison que  syndicalistes  et députés défendaient les mêmes causes. Mais aujourd ’hui que la grève sévit contre les enfants de leurs électeurs et détruit leur avenir par anticipation, ils en sont restés à l’écart. Une action discrète à caractère  humanitaire de la part du Président de l’institution qu’est  l’Assemblée nationale aurait pu aider au dégel de la situation.  

La chose parait d’autant plus étrange, qu’il nous souvient qu’au début du mouvement de grève, les chefs des centrales syndicales avaient rendu visite, de manière très officielle, au Président de l’Assemblée nationale. Quelle était leur motivation  et quel  sens donner à leur démarche ? Etait-ce  pour  informer tout simplement le Président de l’Assemblée Nationale de ce qu’ils voulaient entreprendre  par simple courtoisie;  était-ce pour l’aviser de l’ampleur et de la sévérité du mouvement qu’ils allaient déclencher ; était- ce pour  s’assurer sa neutralité  en jouant sur le froid que traverse les relations entre lui et le Chef de l’Etat ou était-ce pour  exacerber ce froid de manière stratégique ; ou encore  pour confirmer la confusion des gentres ? Je ne sais. Mais une chose  parait certaine : de par leur démarche, les chefs des centrales syndicales ont, à un titre ou à un autre, cherché à  interesser le Président de l’Assemblée  Nationale à une grève dont ils préjugeaient de l’ampleur et de la sévérité. A partir de ce moment là ;  à partir de l’instant  où ils ont mélangé les genres une fois de plus,  en toute conscience, au vu et au su de  la population entière, l’on pouvait raisonnablement s’attendre, qu’en retour,  le Président de l’Assemblée Nationale  intervienne   dans ce conflit, non pas pour apporter son soutien à une partie ou à une autre, mais pour apaiser les esprits, une fois que  l’ensemble de la communauté nationale a estimé que  les principales revendications  corporatistes, étaient honorées. Mais il n’a pas jugé utile de le faire, alors que la démarche des syndicalistes en sa direction avait été publique et fortement médiatisée. En stricte déontogie politique, cela se comprend, mais les syndicalistes l’avaient d‘entrée de jeu impliqué dans le mouvement ; il aurait alors  été bon, qu’en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur des enfants, que la  deuxième autorité du pays en appelle à l’apaisement d’autant que la situation, à certains moments, menacait la stabilité politique du pays.

Ce que nous souhaitons et proposons

Nous souhaitons que le  syndicalisme demeure un groupe de pression  et préserve son autonomie d’action vis-à-vis des hommes politiques. Nous souhaitons un syndicalisme de lutte mais à visage humain en toutes circonstances. Un syndicalisme qui sache écouter quand le peuple commence à dire : « c’en est assez » ; un syndicalisme qui évite de stresser les parents et le peuple, s’agissant notamment des grèves d’enseiganants.

Que de supplications n’a t-on pas adressé aux chefs des centrales syndicales à partir du moment où l’ensemble de la population a pris conscience du fait que l’essentiel de ce qu’ils demandaient leur a été concédé ; que de pardon ne leur a-t-on pas demandé au nom de nos enfants. L’on a écouté le respectacle et populaire homme d’affaires Adjavon, l’on a écouté des parents d’enfants, l’on a été sensible aux appels émouvants des journalistes de Canal3, la chaîne de télévision la plus critique du pays, que l’on ne peut accuser de collusion avec le Gouverenement ; l’on a écouté les  enfants supplier leurs formateurs. Qui n’a donc pas  entendu Monseigneur  Antoine Gagné dans une adresse pathétique, demander humblement pardon aux chefs des centrales syndicales, au nom des enfants. L’écclésiatique y a mis toute sa ferveur. Qu’est-ce donc que cette grève qui s’autocentre, se coupe du peuple,  n’en finit pas de se satisfaire  et dont se gausse l’opinion internationale ?

Nous proposons que les grèves des enseignants soit reglementées dans le seul et  unique souci que nos enfants ne soient plus pénalisés au gré des centrales syndicales ; au gré de leurs intentions ; au gré du rythme que, eux et le gouvernement, décideront d’imprimer à leurs pourparlers, afin que nos enfants ne soient plus les  victimes expiatoires de leur différend. Aucun gouvernement que ce soit celui-ci, finissant sa mandature ou celui  à venir, ne pourra connaître la paix si  la grève des enseignants n’est pas réglementée. Son impact est trop fort en terme moral, en terme émotionnel, en terme de stress et de paix sociale ; en terme de développement aussi. Trop fort pour ne pas faire l’objet de préoccupations législatives, non pas sur le droit de grève des enseignants mais sur les procédures, les manières et les moments de son exercice, pour ne pas porter préjudice à nos enfants, les cadres qui dirigeront le pays demain.

Il n’est de doute pour personne que la meilleure façon de prévenir les grèves demeure le dialogue social  permanent et non pas occasionnel avec les syndicalistes. Ce dialogue  paraissait de mise  avec l’ancien Premier Ministre Makanjou Pascal Iréné Koupaki,  dot le départ a laissé malheureusmn un vide dans la tradition du dilogue que le gouvernement expérimentait. Nous souhaitons que l’executif continue de priviligier ce dialogue, et qu’aussi, la  magistrature à venir, lui emboite le pas afin que la paix sociale nécessaire au développement  soit préservée durablement.

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