La Gouvernance par l’exemple : Les critiques et propositions du parti Alternative Citoyenne sur l’Etat de droit et la Justice

C’est sans doute la première fois, dans notre pays, qu’un parti politique commet une publication de l’envergure de celle que voici : « La gouvernance par l’exemple, Contribution programmatique sur l’Etat de droit et la Justice ». Et c’est l’œuvre de l’avant dernier né de la pléiade de partis, « Alternative Citoyenne », dont on pouvait alors se demander s’il n’en était pas un de trop ou encore ce que viennent chercher ses animateurs principaux dans cette galère, tant leurs silhouettes se sont au fil des ans, ancrées dans la conscience collective comme celles de soldats de la société civile agissante.

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 Et c’est là tout le pari qu’ils doivent relever : après avoir fait les beaux jours de la société civile consciente et agissante, parfois sur la base de leurs moyens propres, montrer qu’en politique on peut faire différemment de ce qu’il se fait sous nos cieux.

C’est donc sans tarder, comme s’ils avaient tout planifié avant même que de lancer leur parti le 25 Janvier 2014, qu’ils se sont mis à l’œuvre pour nous sortir ce qui s’apparente carrément à un programme de société dans le domaine de l’Etat de droit et de la Justice. Le sous-titre ne renseigne-t-il d’ailleurs pas qu’il s’agit d’une « contribution programmatique » ? Et le surtitre, qui trahit aisément l’ambition ultime, ne suggère-t-il pas que les acteurs entendent « Construire le béninois » (un Béninois petit b cependant) et « Reconstruire le Bénin » ?

En tout cas, sous la direction de leur icône, Me Joseph DJOGBENOU, des acteurs du parti Alternative Citoyenne et des experts commis, dans ce Tome 1 du grand chantier de construction du Béninois et de la Reconstruction du Bénin, qui en annonce inéluctablement d’autres, et dédié à la mémoire de leur précurseur Zakari SAMBAOU, « afin que la lumière ne s’éteigne », ont revisité la situation de l’Etat de droit et de la Justice dans notre pays pour opposer contre exemples et idéal, ce qui est mais qui ne devrait pas être et ce qui doit être.

L’Etat de droit mis à mal

Ils vont ainsi, dans une première partie intitulée « L’Etat et le Droit », ausculter le patient Etat dans le droit (chapitre premier), l’état de santé même du droit (chapitre II) et prescrire, pour la guérison du malade, l’association des cachets Etat et Droit en dosage adéquat. Dans cette première partie donc, les auteurs sous la direction et la coordination du professeur Joseph DJOGBENOU, après ce check-up conséquent, vont relever que le patient Etat s’affranchit trop facilement du droit et en abuse sans coup férir. Un affranchissement déplorable qui s’observe tant au plan politique où les auteurs constatent que « les institutions ne remplissent pas pleinement les missions à elles confiées et leur fonctionnement est marqué par des violations importantes qui compromettent l’existence de l’Etat de droit » ; qu’au plan administratif où, par suite, plus aucune norme n’est respectée. A ce propos les auteurs font le constat, avec le Sénégalais Mamadou Dia, que : « La loyauté politique et personnelle, et la docilité sont plus récompensées que le mérite… Les politiciens et les bureaucrates se servent de l’Etat pour s’octroyer à eux-mêmes et à leurs partisans des emplois lucratifs, des contrats, des monopoles publics et des allocations, etc. ». Toutes choses qui génèrent et entretiennent un abus dommageable du droit par l’Etat. Abus dans les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif qui conduit au constat, « à titre comparatif », qu’ « en cinq ans, le président Nicéphore SOGLO a recouru par deux fois (aux) mesures exceptionnelles. Le président Mathieu KEREKOU, en dix ans de pouvoir, n’a fait passer qu’un seul budget général de l’Etat par ordonnance. Quant au président Boni YAYI, en moins de dix ans d’exercice, il a eu recours neuf fois à cette mesure exceptionnelle ». Aussi, les auteurs en déduisent-ils que « neuf ordonnances en sept ans, prises par le président, faussent le jeu des contre pouvoirs et fragilisent la vitalité de la démocratie pluraliste ». Et comme si cela ne suffisait pas, d’autres abus, notamment dans les relations entres le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, sont relevés.  Les auteurs constatant et dénonçant : « Il n’est pas rare de relever les injonctions des membres du gouvernement aux acteurs judiciaires souvent sanctionnées par la Cour constitutionnelle… » ( heureusement, car le livre montre qu’elle peut être parfois complice des ambitions et intentions de l’Exécutif).

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Par ailleurs, au plan des droits fondamentaux (ceux classiques de la personne humaine, comme ceux liés aux libertés publiques), les auteurs notent de nombreux abus. Qui s’étendent aussi aux droits transactionnels, domaine dans lequel la sécurité juridique des relations public-privé, pour ne citer qu’elles, n’est plus vraiment garantie ; des remises en cause unilatérales, par le gouvernement, pouvant intervenir à tout moment et mettre en péril de gros investissements autant que de nombreux emplois.

Comme remède à ces déviances mortifères pour l’Etat de droit, les auteurs recommandent que soient conciliés, pour ne pas dire réconciliés, l’Etat et le Droit. Ceci passe, selon eux, par une bonne application des lois à commencer par la première d’entre elles, la Constitution dont l’inopportunité de la révision, dans les conditions actuelles, est soulignée. Car, objectent les auteurs à ceux qui en prônent la révision, « quelles que soient les imperfections que pourrait contenir la Constitution, leur résolution ne saurait résulter de sa révision mais du comportement des hommes chargés de son application… ». Cette conciliation de l’Etat et du Droit passe aussi, relèvent les auteurs, par la promotion effective des droits et devoirs des citoyens ; le tout soutenu par une Justice qui marche, qui dit le droit.

Une Justice mal lotie et à renforcer

Or donc, que constatent les auteurs dans la seconde partie du livre intitulée « L’Etat et la Justice »? Que la Justice souffre d’un manque de ressources, tant humaines que matérielles et financières. A titre illustratif et sans être exhaustif, ils renseignent que : « Le ratio Habitants/Avocat au Bénin est d’environ 1,6 avocat pour 100.000 habitants contre 84 pour 100.000 en France, 286 pour 100.000 au Portugal, 293 pour 100.000 au Québec… 2,72 pour 100.000 au Sénégal, 2,59 pour 100.000 au Togo et 1,89 pour 100.000 au Mali ». Que sur 28 tribunaux de première instance prévus par la loi portant organisation judiciaire en République du Bénin, seuls 14 sont fonctionnels à ce jour. Que les prisons   sont surpeuplées. Illustration : « Dans un système doté d’une capacité officielle de 3.210 places, le nombre de détenus en avril 2013 s’élève à 7.500 prisonniers nationaux et 724 prisonniers étrangers soit un total de 8.224. Tous constats renforcés par l’insuffisance de l’équipement et des moyens financiers mis à disposition du ministère en charge de la Justice dont le budget, renseigne opportunément le livre, représente en 2013 une proportion de 1,16% du budget général de l’Etat. Mais s’il en va ainsi, c’est que les politiques menées en la matière sont inadaptées, mentionnent les auteurs qui en appellent à des « réformes nécessaires » qui passent par la « responsabilisation » des acteurs et la « restructuration » du secteur. Lesquelles devraient promouvoir, concluent les auteurs, le développement par le droit et par la justice. Le lecteur pourra découvrir les propositions du parti Alternative Citoyenne. Et s’il n’est pas particulièrement féru des questions de justice et de droit, le professeur Joseph DJOGBENOU, dans son « Avant tout propos » qui tient lieu de préface au livre, peut le rassurer : « Les sujets sur lesquels porte la présente contribution ne sont pas les seuls sur lesquels les acteurs politiques sont appelés à prendre des positions. Bien au contraire ! D’autres études seront publiées sur les questions spécifiques et tout aussi prioritaires dont certaines ont néanmoins fait dans la présente contribution, l’objet de lucarnes sommaires. Il s’agit, en particulier, de l’éducation, de l’agriculture, des infrastructures, de l’énergie, de la santé, de la culture et des sports. Alternative Citoyenne y appliquera la même méthode et fera des propositions utiles… »

Au total, il s’agit d’une innovation et d’une contribution essentielle du parti Alternative Citoyenne, qui n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Nous pouvons prendre date.

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