Un 6 avril, à Tchaourou, sur le chemin de la contribution à l’alternative

Le 06 avril dernier, date symbolique s’il en est, le professeur Joseph Djogbénou était à Tchaourou fief auto-proclamé du président -refondateur. Sans détour ni faux fuyant, l’avocat professeur agrégé de droit a abordé avec la jeunesse de Tchaourou les questions  qui préoccupent ceux qui s’étonnent de son engagement  dans l’arène politique. Un engagement qui n’est que le prolongement de ses combats citoyens de ces dix dernières années.

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Il dénonce au passage la diabolisation des hommes d’affaires présentés à tort comme «ses soutiens» dans l’ombre. Il était 15h, ce dimanche 6 avril 2014, lorsqu’à l’invitation d’un groupe de jeunes, nous fûmes conduits dans l’une des salles de l’école primaire de Tchaourou. Les organisateurs ne se furent guère entourés de protocoles : à peine installé, la question nous fut adressée : « Pourquoi vous engagez vous en politique ? » et, plus tard, d’autres préoccupations furent exposées, notamment : « allez-vous contribuer à poursuivre les œuvres de M. Boni Yayi » et, sans détour : « Serait-il avéré que votre engagement soit impulsé par Monsieur Patrice Talon ? ». En somme, comme à Kandi, à Natitingou, à Parakou, à Abomey, à Porto-Novo, à Cotonou et ailleurs, les préoccupations se résumaient la justification de notre engagement, ses perspectives et son impulsion. Y répondre, dans cette ville de Tchaourou, en cette date du 6 avril de célébration et de tension, appelait encore plus d’énergie. Mais l’assistance se fut sans doute convaincu que la solidité d’une société dépend de la capacité de ses membres à engager, sans tabou, les discussions sur les sujets les plus graves. Ce fut donc avec beaucoup d’enthousiasme et de respect que les réponses furent tout aussi exposées.

1°) La justification.Cette préoccupation nous est couramment formulée, souvent en forme de crainte et d’inquiétude et, de la part de certains, en forme d’objection, de récrimination voire de violente admonestation. Les motifs ne varient guère : a) La première, c’est le motif «crédit». «Vous avez un crédit extraordinaire qu’il fallait éviter de gaspiller en politique. Désormais, personne ne vous croira plus. Dans les partis politiques, il n’y a que la ruse, le mensonge, la corruption». b) La seconde, c’est le motif «rassemblement» : «Nul ne dirige le Bénin s’il ne se met en dehors (au-dessus?) des partis politiques».

a) Sur le motif « crédit ».Nous sommes acquis à l’idée que si le crédit est un bien socialement construit, il n’a aucune utilité s’il est réfrigéré, entretenu comme un objet d’ornement, de décoration ou de satisfaction égoïste d’une fierté sans efficience. Il n’a point de signification sociale s’il ne conduit pas à plus d’engagement, de dépassement, notamment dans une communauté où tout se déconstruit, où tout se dessouche, où tout décline et se pervertit. Il est vrai que pour certains, on est censé avoir un titre foncier sur la « société civile » à laquelle on serait attaché irrévocablement, peu leur importe, par ailleurs, la mesure de la pertinence de l’action civile, notamment si elle a pu éviter le « K.O. » de 2011 ou si elle évitera le chaos que chacun craint s’il ne le vit déjà. Si un avocat qui enseigne le droit, reçoit, à son cabinet, plus de la centaine de demandes d’emplois ou de stages auxquelles il ne peut favorablement répondre et se contente de recevoir les plaintes et complaintes des jeunes dont il contribue pourtant à la formation, c’est qu’il accomplit insuffisamment sa fonction de citoyen. S’il reste indifférent au délabrement des hôpitaux, insensible aux souffrances inadmissibles des modestes gens sur tous les plans, et se contente de battre de temps en temps les pavés, de publier de temps à autres des communiqués, parce que la « société civile » serait un champ de renforcement du crédit individuel, il se constitue en complice. Parce que la décision qui préfère acquérir et entretenir un aéronef au lieu de construire des amphithéâtres ou des hôpitaux modernes est politique, c’est par la politique qu’il faut la changer. Parce ce que la décision qui ferme des entreprises créatrices d’emplois au lieu de les encourager à subsister est politique, c’est par la politique qu’il faut la corriger. Les difficultés que traverse le Bénin appellent de la part d’une élite qui aspire au respect une action politique ouverte, engageante, enthousiaste. Les armes au Mali et en Centrafrique ont occupé l’espace échappé à la politique ou laissé par elle.

b)Sur le motif «rassemblement».Pour conduire une communauté, il est possible d’emprunter la voie de l’autoroute, d’abord facile, de confort agréable, mais dont la sensation de bonheur conduit quelques fois dans le ravin, d’autant que les panneaux d’avertissement ne sont guère présents. Mais il est possible aussi de préférer la voie des sentiers, certes, difficile en raison de son exiguïté et constituée de nombreux virages qui sont autant d’alertes au surgissement d’êtres et d’animaux. Depuis 1991, nous avons préféré choisir le président de la République par la voie de l’autoroute. Il n’émerge d’aucun parti. C’est-à-dire qu’il n’aura appris, ab initio, à gérer aucun conflit interne à un groupe, à construire et conduire des choix politiques, se soumettre à l’épreuve de la discussion et, certaines fois de la division. Mais nous attendrions de sa part qu’il admette la contradiction sans lui avoir appris à être contredit. Il ne se serait entouré d’aucune équipe homogène sur le plan des idées alors que nous exigerions de sa part de mettre en place une équipe dont la mission sera d’exécuter un projet de société à l’élaboration de laquelle elle n’aura pas contribué. Le temps est arrivé que l’on expérimente la voie des sentiers. Elle consiste d’acquérir l’expérience politique dans un parti ou une organisation politique ; de se former à convaincre le militant avant d’espérer convaincre les citoyens. Elle apprend à sentir les alertes, à choisir, à décider, à construire, à forger. Les sentiers d’espérance, ce sont les partis revitalisés, dynamiques, renforcés par l’élite dont le devoir suprême est la réconciliation avec elle-même et le peuple. Éloignons-nous de l’illusion de l’ascenseur que nous proposent les « candidats naturels », plus assembleurs que rassembleurs. Engageons nous plus résolument par les escaliers, plus réels, plus assurés, qui éprouvent le corps et entretiennent le cœur. L’ascenseur, l’autoroute, c’est la démarche non initialement partisane.  

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2°) Les perspectives.On pourrait facilement les dégager, devant ces jeunes de Tchaourou, sous ce soleil de plomb, dans le sens de l’attente festive qui saisit les milieux supposés «favorable» à celui qui dirige le pays. Il suffirait pour quelques applaudissements, de «surfer» sur la réponse que suggère la question : Oui, pourrait-on prétendre, les résultats largement positifs obtenus seront poursuivis et amplifiés. Mais on n’est pas allé en politique pour manquer de respect aux citoyens en s’abstenant de faire transparaître la pensée dans les propos : Les résultats ne sont pas positifs et le Bénin a régressé. La présence de chacun de ces jeunes à ce rassemblement en était une preuve. Mais, avons-nous ajouté, chacun doit assumer et permettre à notre pays d’aller de l’avant : « En fait, nous rappelle Césaire, le moment actuel est pour nous fort sévère car, à chacun d’entre nous, une question est posée, et posée personnellement : ou bien se débarrasser du passé comme d’un fardeau encombrant et déplaisant qui ne fait qu’entraver notre évolution, ou bien l’assumer virilement, en faire un point d’appui pour continuer notre marche en avant. Il faut opter. Il faut choisir. » (A. Césaire, « Discours sur la négritude »). Nous avons choisi la marche en avant.

3°) L’impulsion. De M. Patrice Talon ou de qui ? Au fond, gagnés par l’entreprise de diabolisation des hommes d’affaire, nombre de Béninois ont fini par les imaginer derrière chaque initiative républicaine. Désormais, toute personne engagée dans le combat pour les libertés, la démocratie et l’épanouissement individuel et collectif devient, a posteriori, un incapable majeur, chacune de ses actions étant supposée conçue par MM. Talon ou Ajavon et instruite par eux. Or, lorsqu’il a fallu se battre, en 2005-2006, pour convaincre au sein de Fors-Présidentielles, au rejet de la loi stipulant une clause de résidence ainsi qu’à l’organisation de la Constitution, nul n’était inspiré par les hommes d’affaires. Quand, en 2007, il se fut imposé de dénoncer et de faire convaincre la Cour constitutionnelle à déclarer contraire à la Constitution la loi de révision de celle-ci par le parlement, il n’y avait point de Talon. Lorsque, avec appétence, les mêmes personnes se furent activées autour de Fors Lépi, pour une liste crédible et de Fors élections en ce qui concerne les élections 2011, elles n’étaient point des incapables majeurs qui furent mus par les hommes d’affaires. A la vérité, il est introduit dans l’esprit de nombreux concitoyens un complexe de la fortune et de l’ambition dont il faut courageusement les extraire et assumer les relations avec celles et ceux qui bâtissent.

a) Éradiquer les complexes.La saison d’inimitié entre le pouvoir exécutif et certains opérateurs économique semble avoir consacré une double antipathie : la haine de leur fortune supposée et celle de leurs relations. En silhouette, le développement d’un complexe dont la finalité est de vouer aux gémonies les opérateurs désigné. Cette saison est à la fragilisation dramatique de l’économie béninoise dont les répercussions sociales sont loin d’être entièrement maîtrisées. Si on tentait de rechercher les causes, on trouverait l’essentielle dans l’insuffisante appréhension du sens de l’Etat dans la conduite des affaires publiques, cristallisée par une approche subjective et, au surplus, sentimentale de la gestion du pouvoir. Fatalement, la haine de certains hommes devient celle de leurs entreprises, de leurs activités, de leurs collaborateurs, de leurs familles, de leurs patronymes… Si Bill Gates, avec ses 58 ans et ses 76 milliards de dollars était béninois, la peine de mort allait être rétablie. Si le mexicain Carlos Slim Helu, avec ses 72 milliard de dollars était de Ouidah, il n’aurait même pas pu être identifié par le magazine Forbes. Aucun Etat ne peut se construire sans ses fortunes enviées. Ce sont elles qui entreprennent, qui osent. Elles acquièrent la confiance des banques et des assurances et se mobilisent pour l’éclosion de la société. Hélas, selon ceux qui dirigent encore notre pays, il suffit, pour un opérateur économique, de justifier de quelques éléments d’extranéité  pour être élever dans la considération de la patrie. Un non béninois fortuné a les faveurs de nos dirigeants, peu importe l’origine de sa fortune et la mesure, souvent très faible, de son engagement au Bénin. Or, il faut se résoudre à admettre que la nation ne peut se construire sans les fortunes locales. L’Etat ne peut se reconstruire contre les femmes et les hommes d’affaires locaux. L’avenir du Bénin est avec eux.

b)Assurer ses relations.Pour notre part, notre engagement est impulsé, non par un homme que nous connaissons il n’y a pas plus de trois ans, mais par notre absolue détermination à contribuer à restaurer ce qui n’aurait jamais dû manquer à ce pays : l’organisation, l’ambition, la fierté de construire une nation. Cet engagement ne nous éloigne guère de nos amis, de nos relations. Il les soude davantage dans la perspective commune du bien. L’être qui renie avec facilité et complaisance ses relations passées n’est pas assez humain. Le temps arrive d’engager avec celles et ceux qui sont en capacité de contribuer à la croissance de notre pays les discussions les plus sérieuses en vue de renforcer les perspectives d’espérance. Chacun sera utile pour la construction de la remonter. Nul ne sera de trop sur le chemin de la liberté.

Finalement, le soleil nous couvrit de rayons de la compréhension et de l’espérance. La franchise et la sincérité sont des vertus de citoyens engagés pour le développement de leur cité. Je fus heureux d’en avoir rencontré quelques uns, sans tambours, sans caravane, sans pain, sans vin…

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