Bénin : notre politique de représentation diplomatique serait-elle en perdition ?

Le Chef de l’Etat détient le privilège de nommer qui bon lui semble apte à  le représenter, le mieux,en qualité d’ambassadeur auprès d’un pays étranger. Toutefois les récentes nominations de chefs de mission à la tête de certaines de nos représentations diplomatiques,mais aussi les mouvements d’humeur des diplomates de la centrale, donnent matière à réflexion à qui s’intéresse à la chose diplomatique en général et aux relations entre Etats en particulier.

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Le substantif diplomatie, n’est pas de compréhension évidente notamment en raison de la diversité des formes qu’il revêt.La diplomatie peut être considérée dans son aspect de  représentation comme dans celui de sa conduite,mais aussi de lascience, qu’elle est, de la gestion des affaires et de l’opinion publiques. Celui de sa conduite dépend de la qualité des agents qui la mettent en œuvre ; celui de sa représentation dépend du Chef d’Etat qui nomme les ambassadeurs cependant que la représentativité deceux-cireste la clé de voûte du succès de leur mission

Représentation et représentativité

Il va sans dire que,lorsque le Chef de l’Etat accrédite un national en qualité d’Ambassadeur près un pays étranger, c’est qu’ilestime, pour le moins, qu’il est en symbiose avec ses options politiques, qu’il est bien au fait des intérêts qu’il s’en va défendre auprès du pays accréditaire qui l’accueille et qu’il est techniquement et moralement à même de le faire. Le chef de l’Etat préjuge également du fait qu’il saura assumer la lourde responsabilité des actions qu’il sera amené à entreprendre en son nom.Et ce n’est pas pour rien qu’il accole à son titre d’ambassadeur, les qualificatifs « extraordinaire et plénipotentiaire »  qui datent en réalité, depuis les  temps où les communications étaient difficiles et ne permettaient pas à l’ambassadeur de se référer, en toutes occasions, au chef de l’Etat pour prendre des décisions. Sa conformité à toutes les normes ci-dessus évoquées,devrait conférerà l’ambassadeur, la représentativité nécessaire au bon exercice de sa fonction.

Mais en diplomatie, l’appréciation de la représentativité d’un ambassadeur  ne saurait être le seul fait du pays accréditant, à savoir, celui qui le nomme ; elle dépend surtout du pays qui le reçoit, dans la mesure où c’est avec les autorités de ce dernier qu’ilsera amené à collaborer pour conserver et améliorer les rapports, en tous domaines, avec son pays, objet de sa mission . L’on comprend alors que lesdites autorités s’entourent de toutes les garanties qui conviennent pour s’assurer que la personne qu’on se propose de leur envoyer en qualité d’ambassadeurest bien représentatifde son pays selon leurs critères propres et qu’elleest à même de remplir convenablement la mission qui luiest confiée. La marge de manœuvre dont dispose alorsle pays accréditaire pour ce faire, réside dans sa faculté d’accepter ou de rejeter la demande d’agrément de l’ambassadeur,à lui soumise. En cas d’acceptation, ils’en suivrait la cérémonie de présentation des lettres de créances qui autorisera l’entrée en fonction de l’Ambassadeur. Mais il pourrait arriver que le pays accréditaire refuse l’agrément ; et, en l’occurrence, aucune obligation ne lui est faite de justifier sa position. Dans cette dernière alternative, la procédure devrait s’arrêter là en toute dignité et un nouvel ambassadeur devrait être proposé. En tout état de cause, un pays qui fait bien les choses, ne devrait, au grand jamais, courir le risque de voir une demande d’agrément rejetée ; ce seraitune bourde diplomatique susceptible d’entraîner des désagréments entre les deux Etats. Et, de cela, il conviendrait de prendre toute la mesure pour en tenir compte dans les nominations d’ambassadeurs.

La mauvaise manière

En tout état de cause, il seraitbien fâcheux que, suite à un rejet d’agrément,le pays demandeur se mette à insister pour faire accréditer celui qu’il a proposé.Faire pareille chose serait mauvaise manière et avilirait notre diplomatie.En effet, face à telle insistance déjà embarrassante pour lui, le pays accréditairen’aura d’autre alternative que d’égrener les conditionsqu’il requiert pour accepter l’agrément. La chose se corserait davantage et se ferait plus humiliantesile pays demandeur se mettait à obtempérer. Tout cela ne serait pas de bonne coutume diplomatique outre le fait qu’il mettrait l’ambassadeur en situation délicate toute sa mission durant, augrand dam de l’efficacité attendue ; laissant, de plus,au pays accréditaire, le ressentiment d’un émissaire qui lui aura été imposé .Dans telle condition, ilne pourra certainement pas prétendre à une collaboration franche avec les autorités du pays d’accueil, entachant et pénalisant la coopération entre les deux Etats alors qu’il aura été nommé pour la renforcer.

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Impact de la situation résidentielle sur les nominations des Ambassadeurs

A vrai dire, rien n’empêche le Chef de l’Etat de faire d’un béninois résidant à Kamtchaka, son ambassadeur à Tokyo ou de faire d’un national bénéficiant, de vieille date, d’un statut de résident permanentà Oslo,son ambassadeur en Norvège. Disons, en d’autres termes, que rien ne lui interdit de puiser dans la diaspora pour se faire représenter.Mais il importe de reconnaitre qu’avant tout, et sans préjudice des qualités requises par ailleurs, ne peut faire un bon  ambassadeur que  celui-là qui qui est fortement imprégné des réalités et des problèmes nationaux pour les avoir connus ou même vécus. Le national de la diaspora ne vit pas dans cet environnement et ne l’expérimente guère. Il évolue dans un monde différent qu’il a naturellement tendance à comprendre mieux que son propre pays dont il devra pourtant défendre les intérêts en tant qu’ambassadeur. Ce n’est paspourdire,cependant, qu’il ne puisse jamais  les cerner et que la diaspora doive  systématiquement être tenu à l’écart dela diplomatie de notre pays,mais il convient de tenir grandement  compte de ce déficit potentielde connaissance du milieu dans la nomination des représentants ne résidant pas au Bénin.

Par ailleurs, l’on devrait veiller à ne pas laisser trop longtemps un ambassadeur au même poste. Le risque est grand qu’il finisse par trop comprendre le pays dans lequel il est accrédité au détriment de la compréhension des problèmes de son propre pays. A cela,il conviendrait d’ajouter le sentiment légitime de frustration de ceux qui, à la centrale, attendent leur tour, au terme de leur carriere.

La quotité dans les nominations des chefs de mission

Au lendemain de notre accession à la souveraineté nationale notre Administration ne comptait pas de diplomates professionnels, à plus forte raison, le personnel susceptible d’assurer la fonction de chef de mission diplomatique.Par la force des choses, les premiers ambassadeurs étaient donc des personnalités politiques de haut rang. Puis, les diplomates professionnels ont peu à peu conquis leur place dans l’aréopage avec grand mal, il faut bien le reconnaitre, dans la mesure ou les chefs d’Etat continuaient de privilégier les hommes politiques. C’est de haute lutte que les diplomates ont obtenu un équilibre numérique entre les ambassadeurs de carrière et ceux qui ne le sont pas. Les premiers tiennent au respect  du modus vivendi et en appelle à l’esprit d’équité du Chef de l’Etat. Nous ne sommes pas sans savoir toutefois et ne cherchons guère à occulter les pressions des forces politiques, le cas échéant, sur les nominations des chefs de mission. Les soutiens politiques ont toujours un prix à payer. Le tout est de savoirs’ils doivent être payés en terrain diplomatique aussi.

Au total, il nous paraîtqu’une  gestion saine des agents qui mettent en oeuvre notre diplomatie ne devrait pas s’écarter des règles que nous venons de rappeler. Ainsi elle ne se mettrait pas  en porte à faux avecles succès diplomatiques remportés, ces dernières années, sous la houletted’un Ministre des Affaires Etrangères,de notre point de vue, efficace.

Ambassadeur Candide Ahouansou

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