Chômage des femmes : «Une femme limitée au ménage met beaucoup d’enfants au monde»

(Dixit Damien Honfo de l’Ong Ayessi) Acteur de la société civile, Damien Honfo est membre de l’Ong Cercle des jeunes pour le développement durable ‘’Ayessi’’ qui intervient beaucoup plus pour l’emploi et l’autonomisation de la femme dans les milieux ruraux.

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Dans cette interview, il parle des causes et conséquences du chômage des femmes dans ces milieux. Aussi, énumère-t-il quelques solutions pour faire face à ces conséquences, en résumé, la hausse de l’indice synthétique de fécondité et problèmes de développement.

Vous intervenez beaucoup plus dans les milieux ruraux avec comme cible principale, les femmes. Quelles sont d’après vos constats, les causes du chômage notamment celui de ces femmes dans ce milieu?

D’abord, il faut reconnaître qu’en milieu rural, très peu de femmes apprennent un métier professionnel. La majorité, près de 90%  d’elles, s’adonnent aux activités traditionnelles héritées de leurs parents à savoir, le petit commerce, les activités de transformation des produits agricoles, l’agriculture, etc. Mais nous remarquons  de plus en plus que les femmes dans nos milieux ruraux sont réduites à un chômage qui ne dit pas son nom, pour plusieurs raisons. La première, repose essentiellement sur nos perceptions dites traditionnelles qui relèguent la femme au second plan, qui perçoivent la femme comme un être inférieur qui n’a pratiquement droit à rien. Beaucoup d’hommes en milieu rural se disent encore, « quand la femme sera épanouie financièrement,  elle ne sera plus soumise à nos ordres, elle risque de commencer par poser des actes contraires à l’éthique ». Il y a le non accès de ces femmes à la terre, aux opportunités de microcrédits, l’analphabétisme et bien d’autres maux tels que la polygamie dans laquelle elles végètent et qui souvent constituent des pressions psychologiques qui ne permettent pas souvent à ces femmes de s’épanouir, de se libérer, d’entreprendre. La jalousie des hommes en milieu rural empêche la femme d’entreprendre et d’aller loin. Même si certaines, une minorité, s’efforcent, elles ne font pas du tout le poids. Je complèterai comme autre cause, les naissances trop rapprochées, l’absence de l’espacement des naissances qui empêchent également la femme d’entreprendre.

Quelles en sont les conséquences sur le développement du pays?

La première, une femme qui est limitée au ménage, qui a très peu d’opportunité d’activités, met beaucoup d’enfants au monde. Parce que l’inaction, l’inactivité est source de l’oisiveté. Une oisiveté qui pousse souvent à des loisirs qui prédisposent la femme à la procréation, aux activités sexuelles incontrôlées. Autre conséquence, c’est l’abandon ou le peu d’entretien des enfants car les hommes en milieu rural, surtout pendant les saisons sèches, interviennent très peu. Des hommes polygames qui doivent intervenir de part et d’autres n’arrivent pas à subvenir réellement aux besoins des enfants, voilà que la femme, étant à la maison, ne dispose d’aucun pouvoir financier. Il y a aussi les maladies, le taux de mortalité des enfants qui augmente aussi. On assiste aussi pour la plupart du temps à des tensions dans le ménage. Tout ceci crée de sérieux problèmes pour le développement à la base. Parce qu’une femme économiquement autonome, participe mieux au développement de sa petite famille et de sa communauté que l’homme. Au niveau national, la femme qui ne travaille pas véritablement ne participe pas à l’économie nationale. Tout ceci rejaillit sur le sous développement dans lequel nous continuons de végéter.

Quelles sont selon vous, les solutions pour réduire considérablement le taux de chômage?

Il y en a plusieurs. Entre autres, nous pouvons citer l’alphabétisation de ces femmes, la lutte véritable contre les préjugés sexistes et traditionnels qui pèsent encore sur les  femmes en milieu rural. Aussi, l’intensification de la sensibilisation sur les lois qui libèrent ces femmes notamment le code des personnes et de la famille qui entre autres dispositions donne un droit égal et équitable d’accès à la terre à l’homme comme à la femme. Il y a bien d’autres lois notamment la loi 2011-26 du 09 janvier 2012 portant répression des violences faites aux femmes. Voilà une loi qui prévient les violences psychologiques, physiques, économiques sous toutes ses formes au niveau de la femme et qui en même temps réprime tout auteur de violence. Son application véritable libérerait beaucoup la femme. Nous pensons également à la mise en place des structures et mécanismes internes d’appui financier aux femmes, leur formation aux nouvelles méthodes de production agricole et de transformation de produits pour leur meilleure commercialisation. Aussi, l’on doit encourager les femmes au regroupement au niveau des villages et surtout leur participation également aux instances de prise de décision. C’est aussi une condition sine-qua-non pour que la femme dite sexe faible puisse mieux intervenir dans les différents programmes de développement à la base, pour plaider pour les causes de la femme. Il faut être femme pour mieux défendre les causes de la femme. C’est vrai que les hommes le font mais ils ne le feront pas autant que les femmes.

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Qu’est ce que votre Ong fait à l’endroit des maris, des chefs traditionnels et autres hommes qui sont toujours résistants?

Une méthode que nous avons essayée et qui porte de fruits. Dans nos actions, nous privilégions de plus en plus l’approche genre qui inclut les maris, les chefs de villages aux actions faites à l’endroit des femmes. Et nous constatons qu’ils s’efforcent de plus en plus à les accompagner. Dans le processus de formation et de remise de matériels que nous avons organisé récemment, nous avons vu beaucoup d’hommes qui ont fait des témoignages et ont pris des engagements pour accompagner ces femmes dans le meilleur usage de l’équipement qui leur est donné et pour l’approvisionnement en matières premières. Ils ont promis d’accompagner ces femmes pour qu’elles puissent réussir. Certes, ils ne sont pas encore nombreux mais ça vient progressivement.

Un appel à l’endroit des hommes qui n’ont pas encore compris, et aussi à l’Etat central.

L’appel principal aux hommes, c’est de leur faire comprendre que le développement de la femme, c’est le développement de l’homme, de la famille, de la société, du Bénin. Les hommes ont intérêt à dialoguer davantage avec leurs épouses sur les questions existentielles surtout les questions de développement de leurs activités. L’appel, c’est une prise de conscience davantage à accompagner véritablement les femmes afin que ces dernières les appuient et appuient la scolarisation des enfants et leur prise en charge sanitaire et nutritionnelle. Aux gouvernants notamment, les élus locaux, c’est de les inviter à encourager les femmes à intégrer les instances de décision à la base ; à les nommer à des postes de responsabilité ; à les associer davantage à tout programme de développement à la base. Et au niveau de l’Etat central aussi, de reconnaître que l’application de la loi sur la parité, même-si elle n’est pas encore votée, est une porte de sortie essentielle pour le développement de ce pays. La femme épanouie économiquement, gère mieux que l’homme ; se soucie plus de ses enfants que de l’homme. Le gouvernement doit développer plus de programmes d’accompagnement à l’endroit de ces femmes. Certes, il y a déjà un programme, les microcrédits aux plus pauvres, mais il faut que ces programmes soient beaucoup plus intensifiés, soient dépolitisés pour servir la grande masse.

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