Depuis quelques semaines, nous assistons au feuilleton de la mise en place de la Commission électorale nationale autonome (Cena). Ce qui peut laisser penser que les élections locales et communales auront lieu bientôt, en dépit des inquiétudes que suscite à plusieurs niveaux le processus de correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), afin d’aboutir à un fichier électoral qui satisfait tous les partis politiques.
Comme d’habitude, les députés offrent , une fois de plus , le spectacle d’une Assemblée où les manœuvres ,les manipulations et autres combinaisons à géométrie plus que variable donnent l’impression qu’en politique aucune règle éthique ne doit modérer l’ appétit des partis à la veille de chaque compétition électorale . Ainsi , comme en ses débuts en 1996, la Céna est encore l’objet de joutes dont on était en droit de croire que l’ âpreté aurait été ramenée à des proportions raisonnables à la lumière des élections organisées ces dix-huit dernières années .
Et pourtant la Commission électorale nationale autonome fait partie des initiatives – pour ne pas dire inventions – dont l’expérience démocratique béninoise peut tirer un sentiment légitime de fierté, quand on considère les circonstances et conditions de sa création. En effet, c’est après des débats houleux parmi les députés de la première législature (1991-1995) qu’elle est mise en place pour « préparer, assurer le déroulement et la supervision des opérations de vote » selon l’article 37 de la Loi 94-013 du 17 Janvier 1996 qui consacre sa naissance. La Céna est née pour rassurer tous les acteurs politiques sur les conditions d’organisation des opérations de vote, le déroulement des dépouillements et la proclamation des résultats provisoires, en attendant le verdict final de la Cour constitutionnelle. De fait, les premières élections de l’ère du renouveau démocratique – législatives et présidentielle de 1991- organisées par le Ministère de l’Intérieur n’avaient pas convaincu l’ensemble de la classe politique en matière de transparence et de fiabilité.
De 17 membres à sa création, et totalement renouvelée à l’occasion de chaque élection, la Céna devient maintenant une structure de cinq membres élus par les députés pour un mandat de sept ans non renouvelable. C’est une reforme de taille, quand on considère toutes les phases de restructuration par lesquelles a passé cette innovation en matière d’organisation des élections dont le Bénin a été le pionnier en Afrique. En effet, il ya eu l’expérience du Secrétariat administratif permanent de la Céna ( SAP-CENA) démarrée dans la confusion en 1999 ; le président de la Céna mise en place pour les élections de cette année s’est fermement opposé à la prise de service des membres désignés du SAP- CENA à ses côtés . Bien que maintenue, en dépit de cette polémique qui a marqué sa création, cette structure administrative garde encore tous ses mystères quant à ses apports réels dans l’amélioration du système électoral béninois.
La guérilla entre parlementaires que l’on observe pour la mise en place de cette Céna –nouvelle formule- tient aux enjeux liés à son mandat de sept ans. Il ne serait pas exagéré de parler d’un « septennat » de toutes les supputations et conjectures quand on considère le contexte politique de ces dernières années.
Dans sa nouvelle conception, la Céna gagne en pérennité ; mais sa composition en fait toujours un instrument dont l’utilité pour la consolidation de la démocratie béninoise ne gagne pas en clarté.
La particularité de la Céna 2014
La Céna, outil technique pour des élections paisibles, fiables et apaisées ou instrument politique d’orientation des actes et décisions des membres qui la composent ? La question est plus que jamais d’actualité au regard des passions que déclenche encore, près de 20 ans après sa création, sa mise en place. Pourquoi cette constance dans la polémique ? Et que doit en conclure le citoyen lambda qu’elle doit rassurer en période électorale ?
La Céna 2014 est appelée à occuper une place particulière dans l’histoire des élections au Bénin. En effet, il lui revient d’organiser pas moins de six (6) élections : les municipales de 2014 et 2019, les législatives de 2015 et 2020, et les présidentielles de 2016 et 2021. Sans compter d’éventuels référendums si la situation politique du pays l’exigeait.
Les enjeux sont donc très importants aussi bien pour la classe politique que pour les populations, pour ces dernières surtout en matière de paix et de quiétude pendant les élections. C’est dire donc que les responsabilités des membres de cette Céna seront sans commune mesure avec celles de certains de leurs prédécesseurs dont la manière de remplir leur mission n’a pas été à la hauteur des attentes des citoyens. Et cela, malgré leur prestation de serment devant la Cour constitutionnelle.
Et voici quelques exemples pour que chacun puisse prendre la mesure du virage assez crucial que pourrait constituer la mise en place de cette Céna qui doit organiser les élections jusqu’ en 2021.
Des cas qui interpellent
En 1996, la Céna n’a pas été en mesure de donner les résultats des dépouillements des votes de l’élection présidentielle comme prévu par la loi, à cause de divergences sérieuses entre le président et le vice-président. Devant cette situation, c’est la Cour constitutionnelle qui a dû prendre le relais pour conduire le scrutin à bon port.
En 2001, les membres de la Céna désignés par les partis de l’opposition ont choisi de démissionner en bloc entre les deux tours de l’élection présidentielle .Les candidats arrivés respectivement en deuxième et troisième position ayant tour à tour refusé de participer au deuxième tour , pour marquer leur refus de reconnaitre les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle. C’est une crise majeure en période électorale que la Cour constitutionnelle est parvenue à juguler. Mais le pays a vécu cet épisode dans une grande anxiété.
Le dernier exemple concerne les conditions de proclamation des résultats provisoires des votes de l’élection présidentielle de 2011. La cacophonie entre le président et certains membres de la Céna a été étalée au grand jour, surtout que cette élection a consacré dès le premier tour la victoire du candidat Boni Yayi. Ce qui était une première dans l’histoire des élections au Bénin depuis 1991.
Ces différents cas montrent que la Céna a toujours été objet de controverses en son propre sein. Ce qui accrédite dans l’opinion le sentiment de défiance, voire de rejet à son égard par certains citoyens.
En ramenant la Céna à cinq personnes, et pour un mandat permanent maximum de sept ans, la classe politique a voulu sans doute lui donner une structure plus légère, tout en veillant à la qualité des personnes à élire pour l’animer. C’est ce que laisse penser les quatre membres déjà connus, en attendant que les divergences sur le choix du magistrat soient dissipées.
En effet, à l’exception de l’avocat Freddy Houngbédji, les trois autres ont fait peu ou prou l’expérience de la Céna ; soit au niveau national soit dans l’un de ses démembrements. C’est dire qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur, ou plus précisément les positions antagonistes, les tiraillements sans fin, les calculs partisans ne doivent pas caractériser leurs actions. Dans cette optique , on ne peut s’empêcher de remarquer l élection de Moïse Bossou , qui finit son mandat à la Haute autorité de l’ audiovisuels et de la communication ( Haac ) pour se retrouver une fois de plus à la Céna, dans le quota de la majorité . Une fois de plus, car il était de l’équipe de 1996 en qualité de vice-président aux côtés du défunt Léopold Dossou
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