La politique, comme au théâtre

Une scène, comme espace de représentation, ne peut pas s’animer toute seule. Il faut une pièce de théâtre écrite par un scénariste ; des acteurs qui jouent sous la direction d’un metteur en scène ; des spectateurs qui aiment ou qui n’aiment pas et qui le manifestent. Ne parlons pas de tous ceux qui opèrent en coulisses et dans l’ombre.

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La politique fonctionne comme le théâtre. Ce sont des frères jumeaux pris dans la logique d’un seul et même combat. La scène théâtrale, c’est l’espace public de l’action politique. Les coulisses d’un théâtre, c’est l’arrière-cour de la politique. Les acteurs au théâtre, ce sont les politiciens sous différents masques, dans divers rôles. Les gens de l’ombre au théâtre sont sur le même palier d’action que l’armée des conseillers qui gravitent autour des politiciens. Les spectateurs, ce sont les divers publics dans la ligne de visée du politicien. Mention spéciale pour les courtisans, clients et autres sympathisants. Comme on le voit, le théâtre et la politique sont deux facettes d’une seule et même réalité : la comédie humaine. Cela n’a rien de péjoratif. En témoigne, le chef d’œuvre d’Honoré de Balzac.

Une telle compréhension des choses aide à dédramatiser la politique, à la ramener à des dimensions plus humaines. Sinon, le pouvoir politique tend à se poser et à s’imposer comme l’incarnation de la force, l’expression de la puissance. Sinon, le politicien se prend vite pour un demi-dieu, celui par qui le chaos s’ordonne. L’acteur, au théâtre, n’est pas différent. Il exerce un vrai pouvoir sur les sentiments et les émotions du public. Mais il reste que le politicien tout comme l’acteur sont des hommes. Dès que tombe le rideau et qu’ils ne sont plus dans un rôle, dans la peau d’un personnage, le politicien et l’acteur de théâtre jettent le masque, se redécouvrent dans le miroir de leur conscience.  

Illustrons notre propos par un fait d’actualité, le pardon présidentiel dans l’affaire Patrice Talon. La scène théâtrale ou politique, c’est celle sur laquelle différents acteurs se succèdent, se donnent à voir, se font entendre de tous. Pouvoir et opposition confondus. Les postures qu’adoptent ces acteurs, les propos qu’ils tiennent ne sont jamais innocents. Ils s’adressent à un public déterminé dont on attend des réactions déterminées.

On tomberait dans le piège si l’on devait prendre pour argent comptant ou comme parole d’évangile tout ce que dit le politicien. La vérité croise les contrevérités. La sincérité fait bon ménage avec la duplicité. Sans un minimum de discernement et d’esprit critique, on court le risque de prendre des vessies pour des lanternes.

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Les acteurs n’entrent en scène pas avant qu’ils n’aient été   coachés par des conseillers. Tout est ordonné en fonction d’un objectif précis. Le politicien parle beaucoup. Mais ne vous attendez pas à ce qu’il dise tout. Le politicien s’engage quelquefois à parler vrai. Mais ne vous attendez pas à ce qu’il dise toute la vérité. Des amplificateurs prennent le relais du politicien. Ne faut-il pas propager le discours de ce dernier, le déployer dans l’espace, le faire durer dans le temps ?

Au premier niveau, les amplificateurs spécialisés se signalent. Ce sont généralement des hommes et des femmes de médias qui font l’option d’épouser les querelles des politiciens, renonçant par là-même au devoir d’informer. C’est sur le terrain de la communication et de la propagande qu’ils établissent leur royaume. Ils se font ainsi haut-parleurs et porteplumes au service de leurs commanditaires. Jamais ils ne combleront l’attente du public qui a faim et soif de savoir et de comprendre.

Au second niveau, les amplificateurs populaires dégainent. Il s’agit de marcheurs, de porteurs de tee-shirts, de «gongoneurs» et de «tam-tameurs» en tout genre. Ils s’agitent beaucoup. Ils font feu de tout bois. Ils occupent la rue. Ils prennent d’assaut les ondes des radios.  

Mais, comme au théâtre, le rideau finit par tomber sur la scène   politique. Les acteurs renouent avec le quotidien et endossent l’humaine condition. Les passions s’apaisent. Le temps cicatrise les blessures. La nuit de l’oubli tombe peu à peu sur la mémoire. Les historiens montent au créneau, à la recherche  de la vérité. Ils auront à conjuguer le passé au présent. Il était une fois, l’affaire Patrice Talon.

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