Bénin : Réinventer le syndicalisme et la grève

Etonnant Bénin. La vie reprend son cours au lendemain des grèves qui ont asphyxié nos établissements scolaires. Oubliée la paralysie de l’école restée portes closes trois long mois durant. Effacé l’effroi des autorités académiques tenues par la peur panique d’une année blanche. 

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Volatilisé le désarroi des parents d’élèves, dès lors qu’ils sont assurés que les examens et concours auront bien lieu. Enterrée l’angoisse des apprenants, ces innocentes victimes, otages d’une grève qui ne les concernait que de loin. Les enseignants grévistes s’échinent, à présent, à rattraper le temps perdu. Savent-ils, au moins, que l’on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau?

Tout étant rentré dans l’ordre, on affiche le sentiment serein d’avoir tourné la page. Mais s’est-on assuré d’avoir exorcisé l’école béninoise, de l’avoir libérée de ses démons familiers? On gère le présent comme on peut. La question de l’avenir reste entière. Plutôt une douce illusion que le courage de regarder les noirs nuages qui obstruent l’horizon.

L’autruche n’aurait pas fait autre chose. Cet oiseau coureur, dit-on, se cache la tête pour échapper au péril. Sauf que nous, nous sommes des hommes, des êtres conscients pensants. Plus que l’autruche, nous avons le privilège et l’avantage de la réflexion. Et c’est parce qu’il en est ainsi que nous devons engager l’avenir de l’école béninoise. Faisons-le, ici et maintenant, en nous posant quelques questions.

Première question. Un certain syndicalisme, dans notre pays, n’est-il pas mort avec les grèves qui viennent de secouer l’école béninoise? Comme on le sait, tout a mal tourné. Le front syndical s’est fracassé. Pénible guerre des chefs qui ne parlaient plus d’une seule et même voix. Ils s’accusaient de tous les maux. Ils se traitaient de tous les noms. On eut dit des frères d’armes, soudainement envoûtés. Et de retourner leurs fusils contre eux-mêmes. Un suicide en règle.  L’unité de façade affichée n’a pu empêcher la manifestation de la vérité :   le ver était dans le fruit. La fracture du front syndical n’est que l’expression des dysfonctionnements et des faiblesses internes.  Et le fruit est tombé dès le premier coup de vent. Ramasse-t-on l’huile qui s’est renversée? Le syndicalisme de papa est mort. Une génération de chefs syndicalistes se doit de commencer par scruter les horizons d’une toute prochaine retraite. C’est le meilleur service à rendre au mouvement syndical béninois.

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Deuxième question. Les grèves, dans leur forme classique,   paralysie de secteurs vitaux de développement, prise en otage des intérêts d’une frange sociale, ne paraissent-elles pas   dépassées, contreproductives, voire liberticides? Affirmons-le : une grève, telle que conduite ici et jusqu’ici, et qui cible l’école, met en péril l’avenir de toute une nation. Quand ce type de grève frappe les milieux hospitaliers, il porte atteinte au tout premier des droits de l’Homme, le droit à la vie. Pouvons-nous alors, en conscience, continuer de faire grève à l’aveuglette, de manière uniforme, confondant indistinctement tous les secteurs d’activités? Demandons-nous pourquoi les Japonais choisissent-ils de faire la grève autrement? La réponse est à trouver dans leur histoire. Nous, Béninois, jusqu’à preuve du contraire, nous avons une histoire. Revisitons-la. Mais qu’on nous comprenne bien : la grève est un droit constitutionnel. Aussi désapprouvons-nous totalement le retrait de ce droit à certaines corporations. Hier, la Douane. Demain, qui sait, la magistrature. Et vive le déboulonnage de notre démocratie, pièce après pièce. La grève n’est pas à supprimer. La grève est à aménager intelligemment. La grève, toute grève, pour légitime qu’elle soit, doit nuire le moins possible à son environnement humain.

Troisième question. Comment promouvoir un nouveau syndicalisme avec des grèves de nouvelle génération?Le syndicalisme de papa ne peut secréter que des grèves de papa. Si, comme il est dit, ce syndicalisme-là doit disparaitre, ce n’est que logique que ses sous-produits ne lui survivent pas. Le temps doit être à la réflexion et à la recherche pour baliser les chemins de l’avenir. Le fabuliste ne s’y est pas trompé : « Travaillez, prenez de la peine ». Les grèves de demain sont déjà dans nos têtes. Il ne reste plus qu’à prendre possession de notre esprit pour nous assurer de prendre en main notre destin. Mais avant tout, écoutons ce sage conseil de Pierre Loti: « Quand tu es dans le trou, arrête de creuser ».

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