Humeur du temps : Nago prêche dans le désert

Il y a longtemps déjà que le Bénin n’est plus trop fier de son Assemblée nationale. Au fil des années, on a vu l’institution perdre de son superbe. A l’image de la vieille bâtisse qui l’abrite, le parlement a perdu tout prestige. 

Publicité

Les débats de qualité qui ont impressionné les Béninois aux premières années de l’ère démocratique ont vite disparu, laissant la place aux bavardages inutiles, aux débats insipides et inutiles et aux balivernes d’hommes d’affaires, de petits commerçants et de douaniers retraités qui ont pris progressivement la place des intellectuels et des politiciens. Si la qualité des débats pose problème avec cette race de parlementaires, on s’inquiète de plus en plus du record d’absentéisme observé dans cet hémicycle.  Il suffit de regarder les images que ramènent les télévisions de la place sur les plénières au Palais des gouvernements pour s’en convaincre. On voit toujours un hémicycle toujours dépeuplé. Et ce n’est pas le président de l’Assemblée nationale Mathurin Nago qui  démentirait cela. Le nombre de députés présents ne dépasse guère la vingtaine, la trentaine, pas plus. Dépassé par cet état de chose, Nago a piqué une vive colère  vendredi lors des travaux en plénière. Dans son ire, Nago invite les députés à prendre la mesure de cette mission, celle qui consiste à représenter et parler au nom du peuple.  Mais ceci n’est pas nouveau. A maintes reprises, Nago a fustigé cette pratique. «  La situation demeure inquiétante au niveau des commissions où certains députés n’ont pris part jusqu’ici à aucune séance. C’est le lieu de rappeler les dispositions de l’article 35.2-c de notre règlement intérieur qui précise que tout commissaire ayant manqué à trois réunions consécutives sans justifications valables adressées au président de la Commission, est rappelé à l’ordre par le président de l’Assemblée nationale après rapport du président de la Commission », affirmait Nago le 05 novembre 2012. Aujourd’hui, rien n’a changé. Que ce soit au sein des commissions  qu’en plénière, le taux d’absentéisme est toujours criard. Mais cette situation ne devrait étonner personne. Encore moins Mathurin Nago lui-même. Au fil des années, l’appareil politique du Bénin est tombé progressivement dans de mauvaises mains. Ayant compris qu’ils ont un grand intérêt à faire la politique pour les nombreux avantages qu’elle leur offre, les hommes d’affaires se sont mués en homme politique. Le schéma est classique. Ils font quelques actions caritatives et sociales pour attirer l’attention des populations et des responsables des partis, s’ils ne le sont pas eux-mêmes. Grâce aux présents et aux subventions accordées aux présidents de partis, ils arrivent à décrocher les bons positionnements sur les listes, se font élire facilement et rapidement en inondant nos hameaux et campagnes de billets de banque.  Ils surfent ainsi sur la misère des populations  et viennent à l’Assemblée et refusent de jouer le rôle qui est le leur. Ils doivent courir pour leurs business, mobiliser d’argent pour la prochaine élection ou même rembourser des prêts consentis afin de financer sa campagne. Seul  importe pour lui, son égo et son prestige personnels. Son niveau intellectuel aggrave les choses et il ne sait pas toujours à quoi ça sert de venir à l’hémicycle pour parler français. C’est lorsqu’il apprend qu’un vote sur un sujet important à l’Assemblée nationale risque de lui procurer quelques millions qu’il se pointe. Seul compte pour lui, les millions qu’il tire de ses votes. Seul compte pour lui son passeport « rouge » qui lui permet de bien mener ses affaires. Des lois et des débats de qualité, il en a cure. Cela est laissé aux bons soins d’une poignée de députés qui en abusent parfois. Le ver est dans le fruit et Nago ne devrait pas s’étonner de l’absence de ces collègues.  Plutôt, il devrait s’interroger sur la prise en otage progressive du tissu politique du pays par des commerçants, de la dérive préjudiciable à la démocratie.    

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité