Le ministre de la communication Komi Koutché et le député Rachidi Gbadamassi ont rendu un immense service à la nation. Le 31 mai dernier, au cours d’un meeting qu’ils ont animé à Bembèrèkè, ils ont, tous deux, tenu des propos hérétiques dans un régime démocratique.
Parlant aux populations de Bembèrèkè, le député dit, « tous ceux qui viennent vous dire qu’ils sont envoyés par le Chef de l’Etat sont des menteurs ». Allusion est faite au Général Robert Gbian, originaire de cette commune et qui, depuis des mois se prépare pour l’élection présidentielle de 2016.Mais il ajoute une phrase d’une gravité inouïe. « On ne choisit pas le dauphin du roi, du vivant de ce dernier ». Le ministre Komi Koutché va renchérir cela : « Le président de la République n’a pas encore porté son choix sur quelqu’un…On ne choisit pas le dauphin du roi du vivant de ce dernier ». L’usage ici, à deux reprises du substantif « roi » est bien illustratif du fait que ce n’était pas un lapsus, ni un mot utilisé imprudemment.
Dans les arcanes du pouvoir, la notion de chef de l’Etat a pris une autre connotation. On s’était plaint tout récemment de l’appellation « papa » utilisée par certains ministres en public pour désigner le Chef de l’Etat. Cette appellation est usitée dans maints régimes totalitaires en Afrique. Au Togo sous Eyadema et en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) au temps du président Mobutu. Mais la glissade vers le thème « roi » est gravissime. Yayi devenu roi, il faudra donc attendre qu’il meurt, que ses obsèques soient faites, pour penser à lui trouver un successeur. Et là, il faudra chercher ce dernier dans son clan.
Un de ses fils ? Un proche parent à lui bien loti à la Marina ? Le roi n’a encore rien dit. Ce n’est donc pas pour rien que certains griots du pouvoir, Rachidi Gbadamassi en tête, ont annoncé naguère que le K.O de 2011 se prépare et qu’après 2016, c’est toujours Boni Yayi qui serait au pouvoir. Ceci dit, et les faits et gestes des faucons du régime le démontrent de plus en plus, on travaille pour que Yayi continue de diriger le Bénin après 2016. C’est un secret de polichinelle mais un recul grave pour notre démocratie. Selon la Constitution du 11 décembre 1990, aucun président ne peut faire plus de deux mandats de 5 ans au pouvoir. En 2016. Le Chef de l’Etat bouclera son deuxième et dernier mandat. Il devrait donc quitter simplement le pouvoir après l’organisation des élections équitables, libres et transparentes. En 2006, les Béninois, tous soucieux du changement, ont cru choisir un président volontaire, économiste bon teint, capable de redresser l’économie nationale. Huit ans après, il se mue en « roi » dont les ministres et les députés affichent publiquement ses intentions de mourir au pouvoir. Tel un roi, il a su instaurer au sein de la république le culte de sa personnalité. C’est lui le messie, le bienfaiteur national. Tout ce qui est fait de bon dans le pays porte son nom. A son endroit, on doit commander des marches de soutien, des messes, des prières pour que Dieu lui accorde grâce, bénédiction et santé. Par contre, tout ce qui est mal fait ou qui a échoué ne porte pas son nom. Gare au ministre, au Dg qui oserait le faire. S’il n’est pas sauté de son poste, on lui colle une affaire et on le coffre. Ça, c’est le roi Boni Yayi 1er. Ce personnage est loin du président qui faisait rêver les Béninois en 2004, 2005 et 2006 lors des campagnes pour l’élection présidentielle. Lui, il se préoccupe peu du développement du pays, laisse la corruption se développer, protège et promeut les corrompus, organise une liquidation en règle de la classe politique et se montre allergique à la moindre contradiction. C’est de ce roi là que les deux zélateurs du pouvoir envoyés à Bembèrèkè ce 31 mai parlent. Ils ont donc fait œuvre utile en nous livrant ce petit secret du couvent.
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