Père Alphonse QUENUM : Une voix s’éteint, … une vie renaît

Telle une traînée de poudre, la nouvelle s’est répandue tôt en ce matin du lundi 16 juin 2014, vite relayée par Radio Immaculée Conception (RIC) qui certifie pour le petit peuple toute nouvelle venant du sérail catholique : Père Alphonse QUENUM est mort.

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Personnellement, ma tristesse est immense. A force d’admirer ce prêtre à la pensée courageuse et claire, bien servie par une plume méticuleuse et raffinée, je l’ai cru immortel ! Or il n’en était rien. Avec Alphonse QUENUM, comme avec le célèbre écrivain français Nicolas Boileau, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».

C’est en 1972, alors que j’étais en classe de 5ème que, pour la première fois, je rencontrai le Père Alphonse QUENUM venu assister à l’inauguration de notre chapelle au Petit Séminaire Saint Charles Lwanga de Wando à Porto-Novo, invité par celui qui était notre Recteur, le Père Marcel AGBOTON.

Le port élégant et racé de ce jeune prêtre me fit comme l’effet d’un coup de foudre. Quelques années après, cet homme de Dieu prit à mes yeux l’allure d’un martyr quand la révolution marxiste léniniste du 26 octobre 1972 le retiendra dans ses serres vindicatives : le Père QUENUM fut arrêté, accusé d’atteinte à la sûreté de l’Etat et condamné à mort avec une dizaine de compagnons d’infortune.

Avec les souffrances endurées en prison et la cécité qui réduisait considérablement sa marge de manœuvre, on s’attendrait logiquement à ce qu’il mette sa plume en berne et se croise les bras pour vous faire croire à la réponse du bossu invité, dans le fameux proverbe béninois,, à « rouler sa bosse » pour de l’argent : « Il faut vivre, dit-il, pour jouir du fruit de son labeur« . En 1984, sonna l’heureuse heure de la libération du Père QUENUM, à la joie de tous les admirateurs de ce prêtre populaire.

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Temps de repos régénérateur dans le giron du Cardinal GANTIN à Rome, reprise courageuse des études à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (U.C.A.O.) à Abidjan en Côte d’Ivoire, etc… voilà grands traits ce qui meubla l’après-prison pour le Père Alphonse QUENUM.

Son retrait de la vie administrative de l’UCAO était loin d’être pour lui une retraite de la vie intellectuelle. L’auteur prolixe qu’il fut nous laisse aujourd’hui un héritage intellectuel riche et foisonnant. Aucun sujet n’échappe aux fourches caudines de ce prêtre libre et droit dont la parole, les écrits et les réactions s’extériorisent vite et de façon instantanée, percutante et réfléchie comme s’il était poussé par une force intérieure à laquelle il ne peut résister. Paraphrasant le célèbre théologien Saint Augustin, on pouvait dire que son cœur était sans repos tant qu’il n’a pas dit la vérité.

Une voix s’est tue, une plume s’est arrêtée, une vie s’est éteinte, mais le fantôme du Père QUENUM continuera à hanter certaines nuits. Sa mort laisse naturellement des regrets. Mais pourquoi ne pas remercier Dieu qui nous a donné de profiter de ses dons humains, spirituels et intellectuels quarante années durant ? Condamné à mort en 1975 par un tribunal sans appel, il aurait pu être exécuté depuis, emporté par la furie impitoyable d’une révolution qui n’épargnait personne.

Voulant des détails sur le jour et l’heure de son décès, je me suis fait préciser qu’il est mort le glorieux dimanche de la Trinité, 15 juin 2014 à 19h30. Ainsi, paraphrasant le testament du frère Christian de Chergé, ce moine de Thibirine, enlevé et assassiné en Algérie avec ses confrères le 21 mai 1996, le Père Alphonse QUENUM peut s’écrier : « Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui, l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences »…

Père Nicolas HAZOUME

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