Table Ronde de Paris : quand la «comédie» gouvernementale se déporte au bord de la Seine

Annoncée à grande pompe comme le sommet de la dernière chance, la Table Ronde de Paris se révèle depuis mardi comme un remake des folklores organisés à la Marina. De la mobilisation  de milliards sur le Bénin dès le premier jour à la quinzaine de ministres présents en passant par  les aveux d’échec de Boni Yayi lui-même, tout a l’air d’une comédie burlesque très déshonorant pour le Bénin.  

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Bon nombre de Béninois avaient vu par ici le président « marcheur », le « maçon et le ferrailleur de Dogbo », le conducteur de tracteur, le cultivateur sarclant son champ de coton à Tchaourou. A Paris, Yayi  révèle à ses compatriotes un de ses nombreux talents. C’est le président « modérateur  de séminaire ». Certes, à Paris, le job est digne que ceux effectués ici mais une interrogation demeure.  Pourquoi Yayi veut-il jouer tous les rôles ? Dans un contexte occidental où la notion de responsabilité est bien cernée, ce rôle joué à Paris par un Chef d’Etat laisse penser plutôt à un chef qui méconnaît tout de la notion d’Etat, qui mélange les rôles et qui, sans aucune exagération, pourrait bien être assimilé à un autocrate des temps modernes, un président désœuvré qui s’accroche aux choses superfétatoires et laisse l’essentiel. Un président à la quête perpétuelle de prestige et de populisme, fût-il, loin de sa patrie. Chose curieuse, devant un Chef d’Etat qui est si occupé, qui s’évertue à modérer lui-même sa « table ronde », ses ministres, eux, affichent des airs de oisifs, certains, devant leur chef, somnolent presque. Ça c’est la République du Bénin, version Yayi.  Dans cette république, le Chef de l’Etat fait tout, prend toutes les décisions et lance l’exécution des tâches. Les ministres, eux, se contentent de l’accompagner partout et de l’applaudir. Certains parmi eux se complaisent si bien dans ce rôle qu’ils n’arrivent même pas à dire une seule activité qu’ils ont conduite eux-mêmes en tant que ministres.  « Le Chef de l’Etat a dit… », « Le Chef de l’Etat a fait… », « C’est grâce au Chef de l’Etat que… », « Remercions le Chef de l’Etat… »…Telles sont les phrases stéréotypées qu’ils répètent à longueur de journée.  A Paris, ils étaient une quinzaine à être présents sur les trois ou quatre à avoir des responsabilités connues dans l’organisation de cette Table Ronde.

Le couteau à double tranchant

Tout ceci a pu être su grâce à la communication tapageuse organisée autour de cette Table Ronde. Pour cette rencontre, le Gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens. Télévision, radio, presse écrite, tous sont pris en otage par la table ronde. L’Ortb montre en direct depuis Paris les assises. Et ce n’est pas tout. Hier déjà, juste après la première journée, des canards  de la place ont annoncé que le Bénin avait mobilisé pour le premier jour de la table ronde près de 5600 milliards, dépassant même les estimations.  Puis le second jour, soit hier, c’est Lionel Zinsou qui rectifie habilement en parlant d’ « intentions de financement… ». Cela voudrait dire que le Bénin n’a encore obtenu aucun financement puisqu’aucun accord n’a été signé dans le cadre de ces projets promus. Certains bailleurs potentiels ont donné leur accord pour financer tel ou tel projet. Pas plus. Annoncé ici à Cotonou par des canards – dont aucun journaliste n’est allé à Paris – sonne faux et confirme que la table ronde ne réussit que grâce à la « propagande gouvernementale ». Ceci pourrait même décourager certains bailleurs. La vérité est que  l’intention de financement est bien loin du financement. Il faut d’abord faire des études de faisabilité pour les projets, mobiliser les bailleurs de fonds. Ceux-ci doivent venir sur place et voir les conditions de travail. Il faut que toutes ces conditions soient remplies pour qu’ils acceptent de financer. L’accord est signé mais là aussi, il faut remplir certaines conditions pour avoir ces financements.  Or, pour la plupart des projets apportés à la table ronde, ce ne sont que des intentions de projets.  Les études de faisabilité n’existent pas. Pour d’autres, les financements sont bouclés avant la table ronde. Et pour d’autres encore, ce sont des « éléphants blancs » pour lesquels on cherche en vain des financements depuis des années. L’autre chose qui ne rasure pas les potentiels investisseurs, ce sont les conditions d’installation. Délestage chronique, insécurité, internet à faible débit…Doing Business classe le Bénin comme le 174è pays au monde où il existe des facilités de faire des affaires. Déclaration ironique de Lionel Zinsou, « le Bénin est 174è pays dans le classement Doing Business. Il existe 173 raisons pour ne pas investir au Bénin ».  

Yayi se complique la tâche

Le Chef de l’Etat se complique une fois la situation en voulant nier des choses évidentes. C’est ainsi qu’il affirme qu’il ne savait pas que le patronat béninois avait boycotté la table ronde. Cette déclaration n’est pas de nature à rassurer les investisseurs étrangers. Elle donne de notre pays l’image d’un pays où il y a un grand malaise à leur cacher en venant à Paris. Cette inquiétude est confirmée par le Chef de l’Etat dans son discours lorsqu’il affirme travailler pour lutter contre la corruption et pour une administration moderne. Depuis plus de 8 ans, le Chef de l’Etat travaille toujours à cela sans pouvoir l’obtenir. Et c’est curieusement à moins de deux ans de la fin de son mandat qu’il va corriger tout cela et mobilisera autant d’argent pour le développement de son pays. Les 8 ans avaient servi à autre chose alors.

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