Foutage de gueule de la minsitre Djibril : le jour d’après

Le Bénin des intelligences semble avoir vécu. Si on se plaignait du cas Rashidi Gbadamassi avec son français approximatif et ses offenses régulières faites à l’intelligence des Béninois, c’est au tour de Fatouma Amadou Djibril, ministre de l’Elevage et de la Pêche, de nous démontrer que le Bénin des esprits se meurt, enseveli par le tintamarre des gens médiocres. 

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Alors que, calendrier en main, on décompte le nombre de jours qu’il reste à Boni Yayi pour finir son mandat, la ministre nous rappelle qu’un troisième abonnement au palais de la Marina du président est encore envisageable. Qu’on ne s’y trompe pas : cette sortie est tout, sauf de l’improvisation, sauf un coup de tête ou l’expression d’un dérapage incontrôlé. Cela fait partie d’une stratégie mûrie, un coup de communication à la gloire du locataire de la Marina, décidé à ne plus sortir valises et cantines, lui que le peuple avait demandé d’occuper les lieux juste pendant dix ans. Fatouma Amadou Djibril n’a fait qu’énoncer clairement ce qui, dans les cercles restreints, se murmurait à ras de tapis. Moi qui ne connaissais de ce ministre que sa voix fibreuse et ses déclarations de bonne femme au sujet du coton, me voilà en train de la situer sur le terrain d’essuyeuse de plâtre. Car, on appelle ainsi les gens qu’on envoie au casse cou, les gens sur le front desquels seront définitivement inscrits la honte et le déshonneur si le processus pour lequel leur recrutement a été fait ne prospère pas. C’était Rashidi Gbadamassi qui était parti pour jouer ce rôle. Lui, en a l’étoffe et le je-m’en-foutisme. Mais avec les casseroles qu’il traine aujourd’hui, son casier judiciaire qui risque de se noircir au bitume, il fallait lui trouver un remplaçant à la sauvette. C’est Madame qui a accepté de se risquer dans l’arène. Mais ne plaignons pas son cas, elle aura toute la vie pour débattre de la question avec sa conscience. Ce qui m’intéresse, c’est le sort qu’une telle déclaration va subir dans les jours à venir. Les partisans, déjà préparés, mobilisés à coups de billets de banque, vont occuper les médias, en premier lieu les chaines de télévision. Toutes les sottises y seront débitées. Yayi sera présenté comme un homme sorti de la cuisse de Jupiter, il sera comparé à Jésus Christ, on tressera son parcours de mille légendes. Bien sûr, son bilan que lui-même, en privé, reconnait comme calamiteux, sera considéré comme l’un des plus brillants que le monde moderne ait jamais connu. En foi de quoi, le « peuple » – en fait, trois quidams et deux pelés – en larmes, lui demandera de visser son postérieur au fauteuil présidentiel pour des siècles et des siècles. D’un autre côté, les syndicats : en face d’une opposition politique qui ne tient que sur une seule béquille, ce sont les syndicalistes qui réagiront comme à l’habitude. Dieudonné Lokossou, Pascal Todjinou, Laurent Mètognon et les autres, vont, de nouveau donner de la voix. Le pouvoir en place va utiliser les forces de sécurité publique pour les intimider, en leur interdisant des manifestations publiques, en réduisant leurs temps de paroles sur les chaînes publiques. Stéphane Todomé, le patron de l’ORTB, frileux comme à son habitude, ne laissera aucune image de ces leaders filtrer sur les écrans de télévision, ni sur les ondes de la radio nationale. Mais sur les autres chaines indépendantes, on les entendra, on les verra. Candide Azannaï, comme d’ habitude, se fera l’honneur de nous décrypter à la tronçonneuse, le plan « machiavélique » de son « ami » de la Marina. Mais la déclaration de la ministre Djibril aura fait son effet : un ballon d’essai destiné à voir si le passage en force pour un troisième mandat de Yayi serait possible. Le président qui adore ne pas économiser une seule crise, appréciera alors si la stratégie est suffisamment huilée pour prendre. Et tant pis, si face au Pape Benoit, il avait évoqué Dieu et juré, la main sur le cœur, qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Tant pis si, dans deux entretiens sur France 24 et sur RFI, il a rejeté l’idée malsaine qu’on lui prête de vouloir jouer les prolongations au pouvoir! Celui qui est décrit par la diplomatie française comme «un individu émotif, instable, incohérent, de réactions intempestives qui présente un risque majeur pour la stabilité de la sous-région » (La Lettre du Continent), celui-là aura été jusqu’au bout de sa logique : un président constant dans l’inconstance.

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