Humeur du temps : au Bénin, on s’amuse avec le feu

Les Japonais ont ce sens élevé de patriotisme qui ne peut qu’impressionner. Présents à la Coupe du monde de football au Brésil, ils l’ont encore démontré. A chaque fois qu’ils perdaient leur match, les joueurs de l’équipe nationale allaient présenter des excuses publiques à la télévision au peuple japonais pour  les avoir offensés. 

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Leurs supporters présents au Brésil, eux, prennent le soin de ramasser toutes les ordures qu’ils ont pu laisser par inadvertance dans les gradins avant de prendre congé des lieux. Cet exemple de patriotisme très rare dans le monde fait dire à beaucoup que la civilisation japonaise est l’une des meilleurs au monde. Le contre-exemple japonais pourrait bien être le Bénin. Ici, on travaille les uns contre les autres. On travaille contre le pays et ses intérêts. Le président en tête.  Il peut aller à Paris pour une table ronde et dire à la face du monde qu’il n’était pas informé que le patronat béninois avait décidé de boycotter les assises. Il peut venir à la télévision un 1er Août, jour de la fête nationale de son pays dire qu’il va inviter les « siens » du Nord à venir descendre pour affronter ceux du Sud dont les politiciens « trop petits » veulent lui prendre le pouvoir. On se rappelle encore l’émoi que ces déclarations avaient  suscité et le chapelet de réactions qui en a suivi. Quand c’est le président lui-même, qui a prêté serment pour respecter la Constitution,  pour préserver l‘intégrité du territoire, pour promouvoir la paix et l’unité nationale et se conduire en « fidèle et loyal serviteur du peuple » ; quand c’est un tel personnage qui devrait être notre parapluie qui tient ces propos, il y des raisons de s’inquiéter sur notre démocratie. Alors donc, si le Chef en vient à ce niveau de légèreté dans sa lourde responsabilité, pourquoi ses ministres, les présidents  des institutions et les fonctionnaires ne vont pas dévoyer leurs rôles.   Barthélémy Kassa peut aller à Zè, se vanter pour un forage de puits d’eau potable et déclarer aux populations que c’est leur part de la « prospérité partagée » que Yayi leur a promis. Le petit écran montre à foison ces genres de déclarations hérétiques pour notre démocratie. Très peu de gens en trouvent d’ailleurs la gravité. Les plus grosses aberrations étant devenues pour  bon nombre de Béninois des choses normales ici à force de les voir se répéter. Pas grand’ monde ne s’étonne outre mesure du nouveau rôle pris par la police. Au lieu de s’occuper de la sécurité, les agents de police sont devenus des « siffleurs » professionnels qui ne contrôlent que pièces de motos et de voitures, guettent les moindres contraventions de circulations et escroquent à merveille les usagers de la route. A force de s’occuper des automobilistes et des motocyclistes, ils n’ont plus le temps de voir les braqueurs venir nous attaquer. Les députés eux, pour toute proposition de loi n’ont trouvé que l’idée de priver les magistrats de leur droit constitutionnel de faire grève et de s’associer. Ils ignorent être en train de s’attaquer à un des principes fondamentaux de la démocratie : la séparation des pouvoirs. Parfaite, une fille de 24ans qui a proclamé s déité peut venir à la télévision et se gausser du gouvernement. « Nous avons touché le fond », avaient averti depuis 2010 les acteurs de la société civile.  Nous sommes dans une poudrière sociale où le feu couve sous la cendre. A qui la faute ? A tout le monde mais surtout au peuple qui n’exige jamais rien de ses dirigeants. Il applaudit  aujourd’hui les mêmes dirigeants qu’il a hués hier pour prévarication. Ce peuple est si débonnaire qu’il ne produit que des dirigeants plus soucieux de s’en mettre plein les poches que du bien être des populations.  Le problème ici est qu’il y a 10 millions de personnes qui vivent sur le territoire béninois sans jamais chercher à être des « Béninois ». Le président Justin Tomètin Ahomadegbé avait fait en 1959, un diagnostic similaire. Je cite : « Au total, la tâche urgente qui s’impose à nous et qui doit être entreprise rapidement est de réinventer le Dahoméen, le réinventer en créant les conditions aux Dahoméens à vouloir changer, à devenir vraiment Dahoméens. Et être Dahoméens comme nous l’affirmons le 07 mai dernier, c’est aimer et aimer passionnément ce pays, être Dahoméen, c’est reconnaître que la raison d’Etat est au -dessus de tout, être Dahoméen enfin, c’est savoir taire certains de ses intérêts au profit du bien commun. Tant que nous n’aurons pas fait nôtres ces qualités essentielles qui font qu’un homme peut se vanter d’être citoyen, il ne sera pas possible de réinventer ce pays, de s’en faire une idée au nom de laquelle on peut accepter tous les sacrifices ». Le diagnostic est profond. Plus de 50 ans après, il reste d’actualité et je n’y enlève pas un iota sauf de remplacer Dahoméen par Béninois.

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