Le respect

Au singulier comme au pluriel, le respect, en tant que valeur, reste toujours digne de respect. Passe encore que le Bénin n’ait pas assez de ressources pour impulser son développement. Mais reste à savoir si les Béninois respectent le peu qu’ils ont pour mériter le meilleur qu’ils espèrent. 

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Il se pose un problème de respect quand une minorité prédatrice et gourmande s’arroge le droit de marcher sur les intérêts de la majorité. Le respect est en tout. Le respect est là où l’on le soupçonne le moins. Partons pour un tour du Bénin du respect.  

Ce jour-là, il sonne quatorze heures. Nous sommes dans un quartier de la capitale. La pause de ce début d’après-midi glisse les corps et les esprits dans la douce torpeur d’une sieste. Dossou, le meunier du coin, n’entend pas observer une trêve. Ce qu’auraient fort bien apprécié les gens du voisinage.  Pour Dossou, c’est son maïs avant tout contre le maïs de tous les autres, dans le vrombissement assourdissant de son moulin.  Ne lui parlez pas de respect. Il ne sait qu’une chose : les autres ne sont rien, son travail prime tout.

Cotonou, la belle vitrine embouteillée du Bénin, voit se lever un jour nouveau. Sur le rythme d’une circulation infernale, motos, voitures et gros camions se livrent une guerre sans merci. Vous avez dit sens interdit ? C’est une colonne d’engins divers qui roulent en continu sur la voie non autorisée. Au vu et au su des forces de l’ordre. Au mépris des règles du code de la route. En dépit d’un panneau de signalisation ignoré de tous, comme s’il était tenu en respect par l’irrespect de tous.    

Quels sont donc ces trous béants le long de cette VONS, «Voie orientée Nord-Sud», fraîchement pavée ? C’est le reliquat des basses œuvres de quelques malfrats. Ils démantèlent nuitamment les couvercles des caniveaux et les soulagent de leur pesant de fer. Ils expédient le tout vers des forges clandestines. Le fruit de leur rapine ? C’est cette louche en fer que vous venez d’acheter. C’est cette marmite métallique dans laquelle vous mijotez vos bons petits plats. Le fer des caniveaux, les fils téléphoniques, les panneaux de signalisation ont un destin commun dans les mains de ces malfrats. Le respect du bien public est un grand mot. Il ne peut entrer dans les petites oreilles de ces voyous aux petits pieds.

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Cette race de voleurs n’est que du fretin à côté de ceux qui écument les églises et les lieux de culte. Ils emportent des calices et les ciboires en or. Au bonheur de quelques bijoutiers filous, pressés de rendre belles et à peu de frais, leurs clientes. Celui qui ne respecte pas la demeure de Dieu ne peut respecter la maison des hommes.

Que font-ils là tous ces gens devant cette boulangerie ? Les enquêtes policières confirment la présence du formol dans le pain qu’on y fabrique. Il s’agit de ce produit chimique, en usage dans les morgues, pour la conservation des cadavres. Qu’une telle idée ait pu traverser l’esprit d’un vivant montre à quelle extrémité nous nous sommes rendus. Voilà comment l’argent bouscule et malmène le sacro-saint «Gbê do Sou». On ne respecte plus rien. Hélas !

Qui tient au respect de soi ne se hasarde plus dans les murs de notre administration. Pourquoi ? L’usager-client y est humilié, tous les jours. Il s’oblige à courber l’échine et à s’offrir au festin des sangsues qui le pressurent et l’anémient. Au regard de quoi, le «Zéro dossier dans les entreprises publiques» résonne comme une vaine incantation. Ne parlons pas des chèques sans provision qui débordent les tiroirs des banques. On ne respecte plus sa signature. Cela fait un bail qu’on ne respecte plus la parole donnée.

Ici, en ce coin perdu du Bénin profond, on a, a priori, des raisons de croire que le respect n’a rien perdu de ses droits. Démenti immédiat et cinglant. Des jeunes gens et jeunes filles s’enlacent et s’embrassent sans vergogne. Ils viennent de voir un téléfilm palpitant qu’ils estiment devoir faire suivre, sans délai, de travaux pratiques. Et c’est tant pis pour qui s’offusque de les voir ainsi. Ils se disent modernes, moins hypocrites que leurs parents qui, eux, ne comprennent rien à ce comportement d’animaux de leurs enfants. Le respect déserte nos villes et nos campagnes. Un Bénin sans respect, mériterait-il encore d’être respecté ? L’heure est grave.

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