Nomination de Gracia Noutais HOLO à la HAAC : collusion et complot au sommet de l’Etat ?

Ce lundi 21 juillet 2014, les nouveaux membres de la HAAC,cinquième mandature ont été installés dans leurs fonctions « pour garantir et assurer la liberté et la protection de la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi » en vertu de l’article 142 de la constitution du 11 décembre 1990. 

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Exit de la HAAC de Théophile NATA dont le bilan mi-figue mi-raisin nous laisse songeur sur les réels pouvoirs de cette institution et sur sa capacité à garantir et assurer la protection de la liberté des medias. La mandature de NATA qui se termine en demi-teinte, quand elle ne se met pas en situation d’impuissance par peur d’oser et d’assumer, elle se transforme en hache au service du prince pour découper les faibles. Avec la nouvelle mandature autrement composée, peut-on attendre mieux ?

Les nouveaux membres de la cinquième mandature sont connus. En dehors de son président qui reste un homme de la galaxie Yayi, un autre serviteur de la cause, et dont la nomination inquiète plus qu’elle ne rassure, le nom de Mme Gracia Noutaïs Holo, juriste bien connue et avocate de renom, sonne comme une surprise générale et nous donne un sentiment de gêne. Non pas qu’elle ne soit pas qualifiée pour occuper un tel poste, loin s’en faut, ou qu’elle ne remplisse pas les critères exigés par la loi, mais du fait qu’elle soit l’épouse du président de la Cour Constitutionnelle, le professeur Theodore Holo. Dans ce pays ou la morale et l’éthique ne sont que des vœux pieux face aux intérêts matérialistes de la classe dirigeante, on pouvait attendre mieux  du couple Holo dont on ne peut douter qu’ils connaissent mieux que quiconque les valeurs de l’éthique et de la distanciation nécessaire à l’indépendance du décideur. Hélas, les faits nous démontrent au jour le jour le niveau de compromission des personnes qu’on pensait être au-dessus de la mêlée.

Des précédents mais….

Il est vrai que ce n’est ni une première, encore moins le plus choquant dans l’histoire politique mondiale et celle du Benin. Les frères jumeaux Kaczynski ont bien été au même moment président et premier ministre de la Pologne de juillet 2006 à novembre 2007. L’aîné de 45 minutes comme premier ministre de son cadet. L’aventure s’est très mal terminée pour les frères Kaczynski avec à la clef, la mort du président et de sa femme dans un accident d’avion resté inexpliqué en avril 2010 à Smolensk en Russie. Lehadi Soglo est bien le premier adjoint de son père, Nicéphore Soglo, président d’honneur de la RB, parti originel de Theodore Holo qui fut plusieurs fois ministre dans les gouvernements du président Soglo. Et c’est d’ailleurs contre cette ‘’patrimonialisation’’ du parti des ‘’houézêhwê’’ que le brillant professeur et constitutionnaliste Theodore Holo s’est élevé et a pris ses distances avec le parti du soleil levant. Il ne voulait pas subir cet abêtissement et cette aliénation de l’intelligentsia à une famille. Il est surprenant qu’aujourd’hui il ait trouvé plus acceptable que le mari et son épouse soient nommés dans deux institutions de contre-pouvoir. L’un étant appelé à apprécier et juger les décisions de l’autre. Qu’ils n’aient pas été les auteurs de la décision est sûrement un fait à leur décharge ; mais ils en sont tout de même les bénéficiaires avec la faculté de décliner l’offre.

La Cour Constitutionnelle aux termes des articles 117 et 123 de la constitution du 11 décembre 1990 est amenée à statuer sur les lois organiques et le règlement intérieur de la Haac. Qui plus est, elle est amenée à statuer en dernier ressort sur toute décision de la Haac, qui viole des dispositions de la constitution ou qui viole les droits de la personne humaine. Il y a donc manifestement une gêne et plus encore un conflit d’intérêts à voir que ‘’les décisions de l’épouse’’ seront soumises à l’époux pour être examinées en toute impartialité. N’y avait-il pas d’autres postes à proposer à l’épouse de l’ami qu’une autre institution de contre-pouvoir ? À moins que tout ceci soit mis en place dans un dessein bien déterminé.

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Instrumentalisation

Le premier et qui paraît le plus évident est bien l’instrumentalisation des institutions aux fins de la perpétuation d’un règne malgré les dénégations bruyantes sur fond de manœuvres sordides. Le puzzle se met tout doucement en place et on sait que la cour constitutionnelle doit y jouer un rôle prépondérant. Le forcing par les institutions serait confié à des personnalités dont la soif pour le matériel est sans commune mesure et l’intérêt individuel et personnel incommensurable. Après l’épouse, ce sera le tour des enfants, des amis et autres pour anéantir en l’autre toute velléité de refuser un petit service en retour. Et c’est bien Jean Paul Sartres qui nous l’apprend  « être libre c’est savoir dire non ». Après la Haute Cour de justice, c’est la Cour constitutionnelle, puis la HAAC pour l’épouse, et peut-être bien d’autres faveurs pour les proches parents. Bien plus que les compétences et les qualités intrinsèques des uns et des autres, il y a les faveurs d’un homme, la générosité intéressée que le couple feint d’ignorer. L’homme est naturellement reconnaissant envers son bienfaiteur. Et l’on ne peut croire en la naïveté ou la myopie de personnes de cette trempe. A moins que nous soyons dans les cas classiques d’obligation de rendre service (chantage) sur fond de dossiers sales pouvant ternir l’honneur et l’image de personnes insoupçonnables. 

On ne s’étonnera plus que le Benin ait déjà son professeur « Paul Yao N’Dre », lui également professeur émérite et respecté de toute la galaxie des juristes,ancien président du Conseil Constitutionnel ivoirien, qui en 2010, s’est illustré de la manière la plus abjecte pour avoir déclaré Laurent Gbagbo gagnant avant de se dédire pour proclamer Allassane Ouattara gagnant de la même élection. On ne connaîtra peut être jamais la vérité  des faits autres que celle des  camps de cette élection ivoirienne de 2010, mais les experts se demandent toujours pourquoi un homme de la trempe de Paul Yao N’dré en est arrivé à se couvrir de ridicule par des décisions aussi scandaleuses que l’annulation de milliers de voix renversant le résultat initial sans ordonner la reprise dans les circonscriptions impactées. On se demande toujours pourquoi il n’a pas préféré démissionner que de ravaler ses vomissures et donner cette image de l’intellectuel  véreux dont la science n’a de prix qu’en termes de billets de banques ? Et oui tout montre que le Benin a trouvé son Paul Yao N’dre, et le plan se déroule parfaitement bien. La Cour Constitutionnelle est mise dans des dispositions favorables pour  dire ce que l’on veut lui faire dire. Les résistances sont anéanties dans des largesses bien appréciées au profit des maillons de la chaîne. L’autoroute étant tracée,il ne reste plus qu’à y mettre la voiture pour qu’elle roule jusqu’à destination. Mais si l’autoroute favorise le déplacement rapide, il y a bien des panneaux de signalisation qui ralentissent et des radars qui limitent la vitesse et pire encore des accidents de circulation.

Le boulevard vers le 3ème mandat

Le plan est bel et bien en marche et après les institutions, ce sera le tour des populations analphabètes à la base d’être sollicitées à coup de billets de banque. Elles, les pauvres analphabètes, n’ont besoin que de quelques billets (1000F) au maximum pour marcher et chanter pour le 3ème mandat de celui qui se prend déjà pour le sphinx politique du Bénin.

Les déclarations de la ministre de l’agriculture Fatouma DJIBRIL, ce dimanche 20 juillet sur la chaine Canal 3 viennent confondre tous ceux encore sceptiques sur la volonté de Yayi de briguer un troisième mandat. « Boni Yayi est un homme de parole qui a promis ne pas faire un troisième mandat. Mais si le peuple le sollicite pour un troisième mandat, la volonté du peuple sera respectée » disait- elle sans honte et sans gêne. Le scénario à la togolaise  est en en marche. Elle déclare pompeusement que Franklin Roosevelt a obtenu du peuple américain un troisième mandat pour soutenir sa déclaration, et fait preuve d’ignorance historique. Le Professeur Holo et Me Gracia Noutais Holo sursauteront tous les deux de leur fauteuil entendant une telle ineptie. Car Franklin Roosevelt a obtenu quatre mandats de 1933 à 1945 mais c’était avant l’adoption du XXII amendement adopté en 1947 puis ratifié en 1951 et qui limite à deux le mandat présidentiel. Et c’est là, toute la différence entre Gracia NoutaisHolo et Fatouma Djibril.

 Elle, on peut l’excuser, elle doit tout à Yayi Boni et ne peut émerger autrement. La démocratie peut disparaitre au Bénin pourvu qu’elle et sa famille vivent au crochet de l’Etat. Mais les Holo, ont-ils vraiment besoin de ce coup de pouce ? Aux dires de nombreux professionnels des médias, il ne faut rien attendre de cette nouvelle mandature de la HAAC. Son président et nombre de ses membres n’ont ni la carrure ni la force de résister pour l’amour de leur propre indépendance et celle de leur structure.  Mais j’ai appris à fonder ma foi non dans les textes et les institutions, mais dans la capacité des peuples à défendre leur liberté. Et cela c’est encore le professeur Holo qui nous l’a appris. Bon vent Madame et tachez d’écrire l’histoire et non d’être dans l’histoire !

Urbain Stanislas Amègbédji
Sociologue

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