Retrait du droit de grève aux magistrats : Serge Prince Agbodjan relève des incohérences

« A l’analyse de cette proposition de loi, je me suis rendu compte qu’elle comporte beaucoup d’incohérences et viole plusieurs décisions de la Cour Constitutionnelle.» C’est l’avis du juriste Serge Prince Agbodjan sur la proposition de loi portant retrait du droit de grève aux magistrats en république du Bénin.

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 Portée par 45 députés majoritairement de la mouvance présidentielle, cette proposition de loi fait grand bruit au Bénin. Des voix autorisées dénoncent une loi liberticide visant à affaiblir la magistrature. Pourtant, ses initiateurs sont déterminés à aller jusqu’au bout.

Serge Prince Agbodjan, réputé pour ses nombreux recours devant la Cour constitutionnelle, décrypte cette proposition de loi dans une interview accordée à nos confrères du journal catholique « La Croix du Bénin.» Il relève les incohérences contenues dans le texte. «La première incohérence est relative au premier alinéa de la proposition qui commence par les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral ou politique….La question que nous nous posons est de savoir ce que vient chercher dans une proposition de loi portant modification de la loi portant statut de la magistrature la notion « fonctions judiciaires ». Les fonctions judiciaires sont exercées non seulement par les magistrats mais aussi par les avocats, les greffiers, les huissiers, les notaires, les experts, les officiers de police judiciaire », a constaté Serge Prince Agbodjan dans l’interview parue dans le numéro du journal La Croix du Bénin de ce vendredi 4 juillet 2014.  Autre problème relevé par le juriste,  la conformité de la proposition de loi avec la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature. 
« Comment vouloir interdire aux magistrats dans l’article 18 nouveau le droit d’adhérer à un parti politique alors même que l’article 12 de la même loi leur demande d’informer leur supérieur hiérarchique lorsqu’ils veulent entreprendre des activités politiques ? », s’est-il interrogé. Avant de faire ressortir une autre  incohérence relative à « la notion de la suppression du droit de grève au magistrat uniquement dans la maison justice » Pour lui, « Quel impact une loi portant interdiction du droit de grève aura sur un magistrat si le greffier lui bénéficiait de ce droit ? » Serge Prince Agbodjan a démontré que dans l’élaboration de cette proposition de loi, il y a eu méconnaissances de plusieurs jurisprudences de la Cour constitutionnelle. C’est pourquoi, il lâche sans ambages : «A un moment donné de l’étude de cette proposition, je me suis demandé si une analyse juridique rigoureuse a été faite avant que la proposition de loi ne fasse l’objet de transmission au niveau du Bureau de l’Assemblée Nationale.»

Extrait de la Proposition de Loi

Article 18 nouveau :Les fonctions judiciaires sont incompatibles avec tout mandat électoral ou politique. Toute délibération politique est interdite au corps judiciaire. Les magistrats sont inéligibles aux assemblées politiques.
Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique. Toute manifestation d’hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les magistrats ne peuvent se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève. Il leur est interdit d’entreprendre toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions ou d’y participer.
Tout manquement par un magistrat aux dispositions du présent article est sanctionné par la mise à la retraite d’office.

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