Sauver l’école

Une année pas comme les autres. La cuvée 2013-2014 de l’école béninoise aura été exceptionnelle. Trois mois de cours réguliers. Trois mois de grève en règle. Trois mois de cours de rattrapage à la va vite. Mais pour quels examens? Pour quels résultats? De mémoire de Béninois, aucune année scolaire n’a été aussi trouble et aussi troublée. Mais, comme on dit, Dieu ne dort pas. Et le soleil a fini par se lever après de longs jours d’orage. Tout est bien qui finit bien.

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Avec cette année scolaire exceptionnelle, plusieurs options s’offrent. Tourner la page comme si de rien n’avait été. Et nous balancerions tout dans les profondeurs de l’oubli. Nous morfondre, nous confondre en d’interminables regrets. Et nous trainerions, comme une plaie suppurante, cette école où nous avons mal. Changer en une formidable opportunité les difficultés rencontrées. Et nous transformerions nos déconvenues en une puissante rampe de lancement.

Va pour la troisième option. Elle porte une vision optimiste. Il faut construire des ponts là où les frontières imposent leur loi. Il faut se concentrer sur la solution plutôt que de s’attarder sur le problème. Au total, si « A quelque chose malheur est bon », quels enseignements utiles tirer, pour aujourd’hui et pour demain, d’une année scolaire aussi difficile que celle que nous venons de connaître?

Avant toutes choses, il faut cesser de diaboliser l’école béninoise.On entend dire trop d’énormités sur l’école. Cette disposition négative, a fini par établir et par consolider, dans les esprits, la réalité d’une école béninoise totalement dévaluée. Les maîtres seraient incultes. Les programmes seraient bancals. Les apprenants seraient des illettrés. Alors, question. Pourquoi continue-t-on d’envoyer, chaque année, comme si de rien n’était, ses enfants dans cet enfer, dans ce refuge des pécheurs que serait devenue l’école? Pourquoi accepte-t-on, sans mot dire, que l’on continue d’injecter des milliards de nos francs dans le tonneau sans fond que serait devenue l’école? C’est à croire que les plus critiques sont en même temps les plus amoureux de cette école béninoise. Allez-y comprendre quelque chose!

C’est sûr : l’école béninoise ne respire pas la santé. Elle a besoin d’être soumise à des examens et analyses appropriés. Mais ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait tomber la fièvre. Et si l’on devait se tromper de diagnostic, prenant des vessies pour des lanternes, on risquerait de jeter le bébé avec l’eau du bain. « Adieu veau, vache, cochon, couvée ».

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Ensuite, nous devons réinventer le dialogue social autour de l’école.Beaucoup d’acteurs gravitent autour de l’école sans s’élever à la conscience qu’ils sont des partenaires. Ils ne se sentent pas engagés dans une mission commune, dans la croisade de l’école et pour l’école. Autorités académiques et apprenants, enseignants et parents d’élèves, chacun joue en solo, chacun fait son show, chacun emprunte le couloir qui le   conduit à son école. Voilà la source du mal. Les partenaires naturels de l’école se connaissent à peine. Ils sont à l’image des locataires d’un immeuble : chacun à son étage, chacun dans son appartement. N’ayant rien à se dire, ils se côtoient dans l’indifférence. Comme on le voit, l’institution scolaire souffre moins des grèves que d’un déficit criard de dialogue entre les acteurs appelés à la faire vivre. Autour de l’école et pour l’école doit s’animer un foyer permanent de réflexion, de concertation et d’échanges confiants entre tous.

Enfin, il faut tirer de l’année scolaire qui finit des enseignements pour l’avenir.Première question. Quand on n’a bénéficié que de trois mois de cours réguliers, que de trois mois de cours de rattrapage, sur une année scolaire de neuf mois, quelle est la valeur des diplômes qui sanctionnent une année scolaire aussi perturbée ? Deuxième question. L’année scolaire ayant été réduite à ce que nous savons, que valent ou que pèsent les diplômés de l’année scolaire 2013-2014 ? On ne saurait faire l’économie de ces deux questions. Elles conditionnent le présent. Elles préparent l’avenir. Il en découle une exigence en termes de suivi-évaluation. Les diplômes visés sont à expertiser, à travers les diplômés qui mériteraient d’être suivis et si possible d’être renforcés. Tâche difficile, voire impossible. Il reste, néanmoins, quelque chose doit être affirmé pour le principe. Les constructeurs automobiles, après qu’ils eurent constaté un défaut de fabrication, rappellent, pour vérification et pour réparation, les véhicules défectueux. C’est une question de morale, c’est une question d’éthique.

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