Aboubakar Taro : «La seule porte de sortie pour le coton au Bénin est le zonage»

L’agroéconomiste Aboubakar Taro fut un acteur intégré de la filière cotonnière au Bénin jusqu’à sa retraite. Dans cet entretien qu’il nous accorde, l’ancien directeur adjoint du cabinet du ministère de l’agriculture revient sur les difficultés de la filière cotonnière, la campagne 2004-2005, la meilleure de l’histoire du coton béninois avec son score historique de 427.500 tonnes. 

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Puis il estime que la seule porte de sortie du coton au Bénin est le zonage qui est un système de gestion de la filière en découpant les aires de production à confier aux privés.

Les campagnes cotonnières se suivent et se ressemblent malheureusement. Les pertes alourdissent l’assiette du déficit de la filière. La campagne 2013-2014 est venue confirmer le fait que la filière coton au Bénin connaît des tourments. Aboubakar Taro, vous avez été longtemps au cœur de la filière, pourquoi le coton au Bénin rime avec pertes et mauvaise gestion ?

En réalité, il serait trop affirmatif de parler des pertes pour les campagnes cotonnières depuis le démarrage des reformes à partir de la campagne 2000/2001. Les baisses de production souvent constatées sont essentiellement dues à la mauvaise application des textes organiques de la reforme et surtout la mauvaise gestion des organisations professionnelles constituant l’interprofession (FUPRO-BENIN, GPDIA et APEB).

En effet, depuis le démarrage des activités par l’AIC et la CSPR les problèmes ci-après ont surgis : la mésentente entre les membres de l’APEB qui a conduit au remaniement du bureau de l’AIC dont la présidence a été confiée  à un producteur en défaveur d’un égreneur. Ce désaccord  a entrainé une crise de confiance entre les membres fondateurs dont certains membres ne sont plus totalement revenue au sein de l’AIC. Le refus de certains égreneurs de respecter les règles du jeu a occasionné le non bouclage des paiements des producteurs de coton en fin de campagne et ce fut le début des difficultés.

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A partir de la campagne 2002/2003 la mésentente entre les distributeurs d’intrants a aussi entrainé  la division des organisations paysannes  ayant pour conséquence les mises en place de réseaux parallèles avec pour conséquence la mise en place parallèle des intrants et la difficulté des paiements de fonds coton puis de récupération des crédits intrants. De plus les réseaux dissidents à la FUPRO (le seul qui existait) commencent par naître de toute part a tel point qu’on a enregistré jusqu’à neuf (09) réseaux. En septembre 2008 avec la cession de l’outil industriel de la SONAPRA à un seul opérateur économique, la gestion des organes statutaires de la CSPR et ceux de l’AIC a complètement basculé. Certaines réunions ne se tenaient plus et celles qui ont lieu sont de courtes durées et de manière dirigiste. Au cours des renouvellements des instances de gestion de l’interprofession tous les postes  de président ont été pris d’assaut par la même personne ou ses associés.

Quelques mois plus tard soit en avril 2009, les manifestations de cette mauvaise gouvernance se font fait immédiatement sentir. La résultante la plus directe a été la non installation des faîtières des organisations paysannes (UCPC, UDPC et ANPC) après l’installation des nouvelles coopératives; les responsables des OPC sont désormais nommés par l’AIC. Dans ces conditions comment ces derniers  peuvent-ils défendre les intérêts de leurs mandants ? De plus, au cours des trois (03) dernières campagne précédent la prise en charge de la filière par l’état; les frais de marché pour commercialisation du coton graine (1725 FCFA/Tonne) ont été partiellement payés aux CVPC alors que les frais de prestation de service des unions (UCPC et CDPC) et du CNPC (3000 F CFA/tonne) n’ont jamais été payés par l’AIC en dépit du contrat qui les lient.

Le Projet d’Assainissement et de Relance de la Filière Coton au Bénin (PARFC-B) est devenu une véritable machine à écarter les organisations paysannes de coton et certains cadres dont les agents d’encadrement de la gestion de la filière coton. Le PARFC-B dont l’objectif principal est de ramener la production  cotonnière à 500 000  tonnes n’a pu l’atteindre à cause de cette gestion unilatérale et les résultats obtenus sont tout le contraire comme le prévoyaient déjà certains observateurs avertis. Les productions  obtenues  au cours des trois années d’exécution du PARFC-B sont les suivantes :

Campagne 2009/2010: 168 000 tonnes

Campagne 2010/2011: 137 000 tonnes

Campagne 2011/2012: 174 000 tonnes

Il faut reconnaître qu’au cours de ces campagnes, d’importantes sommes ont été englouties par l’Etat au titre des subventions pour amortir les prix de cession des engrais aux producteurs. Il était décaissé chaque année plus de 11 milliards de francs C FA au titre des subventions des intrants coton. A la suite de ces faibles productions de coton successives et qui ne cadrent pas avec les objectifs du gouvernement, les plaintes des producteurs et des agents d’encadrement sur la gestion de la filière, l’Etat a décidé de prendre en main à titre exceptionnelle la gestion de la filière coton à partir de la campagne 2012/2013 en vue de restaurer la confiance au sein des acteurs et assurer une bonne gouvernance de la filière.

Pour la campagne 2004-2005, le Bénin a fait le score historique jamais égalé de 427.500 tonnes. A ce jour on est encore très loin du compte. Qu’est ce qui avait été les forces de cette campagne? Pensez-vous qu’on peut remettre le couvert?

Malgré les difficultés de départ, les structures fonctionnaient bien parce que le niveau de divergence n’avait pas atteint le point de désaccord entre les acteurs de l’année  2008. Il est important de reconnaître que le PARFC conçu pour accompagner la mise en œuvre des reformes spécialement dans le cadre du renforcement des capacités des Privés et des OPC en particulier dans le cadre de la gestion des activités de la filière, était bien exécuté au niveau de ces composantes. Cette campagne qui a connu une forte produits vivriers de la camp précédente a connu une baisse importante du prix desdits produits du coup il a été aisé de constater une désaffection des producteurs pour la culture des vivriers et leur motivation pour le coton. Par ailleurs n’écartons pas cette tendance déjà observée pour la campagne 2001/2002 ou la production a déjà atteint représentant à l’époque le niveau le plus élevé au démarrage de la mise en pace des reformes, ce qui justifie très bien la motivation et la mobilisation des acteurs de la filière pour son développement et l’institutionnalisation en son sein d’une bonne gouvernance et une amélioration de la productivité. En d’autres termes la C/04-05 qui a connu une amélioration de la productivité par une amélioration des rendements (de 1100 à 1500 KG/HA) a donc bénéficié  des effets conjugués e l’amélioration aussi bien techniques des pratiques agricoles que d’une organisation appropriée de la gestion de la filière au niveau des différentes famille professionnelle de la filière. Il n’est donc pas juste de parler de campagne spéciale puisque c’est le résultat des campagnes antérieures au démarrage du PARFC.

A regard de tout ce qui précède pensez-vous que la filière à  encore de l’avenir au Bénin ?

Affirmative. La filière coton a fait la fierté du Bénin et a contribué à réduire la pauvreté au niveau des producteurs de coton. Il n’a donc pas de raison qu’elle n’ai pas d’avenir. En effet les dispositions prises par l’Etat avec l’adhésion des producteurs ont permis d’éliminer progressivement les éléments de disfonctionnement de la filière et de renouer avec des performances encourageantes. Dans ce cadre, il a été constaté que ces performances ne continueront d’améliorer les résultats de la filière que dans un cadre de partenariat Public-Privé renforcé

Au regard des anciennes reformes mises en œuvre et qui n’ont pas permis d’atteindre les résultats escomptés le gouvernement a décidé d’orienter la gestion de la filière coton vers un système qui renforce la responsabilité des acteurs dans le cadre d’un zonage approprié du bassin cotonnier. La seule porte de sortie pour le coton au Bénin est le zonage.

En fait qu’entendons nous par zonage ?

Une zone est définie comme un espace géographique concédé à un Promoteur pour constituer une société cotonnière comprenant l’Etat dans le but de développer la  production cotonnière. Le zonage devrait permettre: d’assurer une gouvernance rationnelle et concertée de la filière; de réaffirmer l’autorité de l’Etat; d’améliorer la performance et la compétitivité de la filière de façon à rendre prospères toutes les familles professionnelles; d’améliorer de façon durable, les conditions de vie des producteurs de coton; de créer les conditions favorables d’intervention des autres acteurs privés à tous les niveaux et; de contribuer globalement  au développement de l’économie nationale.

Les avantages d’une telle option résident en ce qu’elle permet: d’améliorer les performances techniques et organisationnelles de la production agricole en générale et celle du coton en particulier au niveau de la zone; favoriser le développement des relations de services au niveau local; assurer l’équilibre des rapports de forces dans la future interprofession; favoriser le développement socio-économique et l’aménagement des zones de production et enfin de faciliter à l’Etat, l’exercice de ses missions régaliennes.

 

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