Angelo Houssou : le Bénin et ses 54 ans d’indépendanc, en finir avec le «jeu de maux»

Chers compatriotes, en ce 1er août 2014, jour de célébration de la fête nationale de notre pays, 54e du genre, j’ai décidé de donner de la voix… Avant toute chose, je voudrais vous souhaiter une excellente fête de l’Indépendance. Sur ce souhait, on m’objectera sans doute une série de questions :

Publicité

Comment avoir le cœur à la fête quand on regarde le gouffre vers lequel notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus ?

Comment serait-il possible d’avoir le cœur à la fête quand on regarde notre jeunesse en proie au chômage, et qu’on lit dans ses yeux un amoncellement de frustrations et bientôt de révoltes?

Comment avoir le cœur à la fête quand on voit un régime multiplier des actes sournois dans le vil dessein de braquer les enfants d’un même pays les uns contre les autres dans le seul et unique but de diviser pour régner au-delà de l’inadmissible?

Comment avoir le cœur à la fête dans un contexte où chaque jour nous apporte son lot de représailles contre des opérateurs économiques nationaux, lesquelles chasses à l’homme ont fini par asseoir dans la conscience collective le sentiment qu’être béninois prospère et désireux de contribuer au développement de sa patrie, s’assimilait à un délit voire un crime de lèse-majesté ?

Publicité

Comment avoir le cœur à la fête quand ce que notre République a de plus sacré, notre Loi Fondamentale, est devenue l’objet de calamités verbales les plus insoutenables et des désirs d’incestes les plus abjects?

Comment avoir le cœur à la fête quand le régime de désenchantements dit de « refondation » entretient au moyen des ballons d’essai distillés au sein de l’opinion publique, l’horrible dessein de contraindre le peuple à subir ses fourberies au-delà de sa date de péremption clairement fixée au 06 avril 2016 ?

Comment avoir le cœur à la fête quand la démocratie dans mon pays est en voie de devenir hémiplégique et que la liquidation du pouvoir judiciaire est programmé ?

Comment avoir le cœur à la fête quand la faim et les horizons bouchés obligent hommes et femmes de mon pays à renoncer volontairement à la vertu pour vivre des vices les plus innommables ?

Comment !!!???

Je ne me payerai pas le luxe de vendanger une occasion si précise et si précieuse juste pour ressasser le passé. Il ne s’agit aucunement pour moi de revenir sur les scories d’un régime qui, sous le regard de chacun et de tous, a entrepris de faire saigner le pays à blanc. Nous n’allons pas répéter à l’envi que le Bénin agonise ! Loin de nous l’idée de jouir du malheur du pays ! Loin de cette terre bénie de mes ancêtres, je piaffe d’envie d’y revenir et d’y passer le reste de ma vie en déposant, chaque jour, mes modestes briques à l’édification nationale.

Chers compatriotes, en 1990, il a été crié que « nous avons vaincu la fatalité ! ». Nous aurions dû vaincre le monstre en nous qui crache du venin sur nos rêves et finit toujours par détourner nos meilleurs projets de leur lumineuse trajectoire. Nous sommes un peu tous responsables de l’état de notre nation. Nous l’ensevelissons chaque jour davantage de nos méchancetés, nos petites couardises, nos lâchetés, nos paresses, nos silences, nos infidélités, nos doigts cupides, nos incompétences, nos envies de troisième mandat, etc. C’est tout cela qui tue notre pays à feux doux.

Dans son second message annuel au Congrès américain en 1862, Abraham LINCOLN avait déclaré avec foi : « Les dogmes du calme passé ne conviennent plus à l’orageux présent. Une montagne de difficultés se dresse devant nous et nous devons nous élever à sa hauteur. Notre situation est nouvelle: il nous faut penser à neuf et agir à neuf. Abandonnons nos illusions et nous pourrons alors sauver notre pays».

Sur ces 54 ans de ruines immenses et d’acquis fragiles, il est possible de bâtir une nouvelle espérance. Cette bâtisse peut être érigée sur les trépieds suivants :

Une unité nationale à construire et à consolider : le Bénin est une   nation fragile où le « vivre-ensemble » reste un sentiment très embryonnaire. Depuis les années 60, cela n’a jamais constitué un chantier majeur et peu de gouvernements ont travaillé à nous faire transcender nos différences. Eux tous ont contribué à exacerber les appartenances régionales. Le régime en place a, plus que tous, poussé loin le bouchon en transformant les concours d’entrée à la fonction publique et le pouvoir de nomination de l’exécutif en instrument laudatif des bas instincts tribaux. Le changement n’adviendra pas dans la cité si nous ne pouvons le porter tous ensemble dans la « Fraternité », la « Justice » et le « Travail ». Nos querelles intestines et ethniques, voilà le linceul de nos espoirs d’émergence. La refondation, c’est d’abord et avant tout, le renforcement des liens nationaux : « se réunir est un début. Rester ensemble est un progrès. Travailler ensemble est la réussite » (Henry FORD).

Un pouvoir judiciaire à moderniser pour en faire un facteur de développement et de paix sociale : tant que les forces économiques et le pouvoir exécutif chercheront à apprivoiser la justice, comme c’est le cas actuellement, le progrès économique restera un vain mot. C’est dans la mesure de la protection du droit de propriété et de la possibilité d’un procès équitable qu’affluent les investissements privés, levain de tout développement économique. De même, une justice aux ordres est une menace pour la paix sociale et la cohésion nationale. Personne n’a idée de comment des juges béninois – et Dieu sait qu’ils sont  nombreux –   résistent à toutes sortes de pressions et d’aventures afin de donner droit à la veuve et à l’orphelin. Et ce, chaque jour. Ce n’est pas le politique qui maintient le Bénin dans la stabilité relative que nous vivons. Celle-ci est bien l’œuvre d’une Justice qui, malgré les avatars et les mauvais vents, reste debout, increvable…

La culture de la démocratie à promouvoir : nous avons la prétention de construire une démocratie. Mais peu d’entre nous sont de vrais démocrates. Les tripatouillages électoraux, les envies d’un troisième mandat présidentiel, le culte de la personnalité, la patrimonialisation de l’Etat, etc. sont autant de travers qu’insupporte tout processus démocratique digne du nom. Le respect des règles établies, sans fraude et sans esprit de fraude, c’est le credo de tout démocrate ! Corrélé à l’obligation de compétence, ce devoir éminent de loyauté et d’honnêteté engage nos gouvernants à gérer la chose publique dans l’intérêt général, dans la stabilité et la pacification de l’espace économique, politique et social, conformément à la Constitution. Tant que notre projet démocratique restera un effet de discours et dans l’échafaudage d’institutions et de règles purement formelles sans aucune emprise sur la foi et le cœur des Béninois, nous ne réussirons pas à en faire un havre de paix, un outil d’émancipation économique et de progrès digne des grandes Nations.

« Quand on veut on peut, quand on peut on doit », conseille Napoléon BONAPARTE. Osons servir le pays et faire de nos intelligences une plus-value au développement national ! Travaillons à laisser un Bénin vivable pour nos enfants ! C’est un pari à notre portée. Gagnons-le pour la paix et la prospérité nationales !

Courage à chacun et à tous !

J’ai dit.

New-York,

ce 30 juillet 2014

Juge Angelo Djidjoho HOUSSOU

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité