D’un sport à l’autre

Ne vous y trompez point : il n’y a pas de différence entre un athlète qui se démène sur un stade et un citoyen qui se débrouille, en quête de son pain quotidien. L’un et l’autre, à leur manière, font du sport. L’un et l’autre, par conséquent, peuvent prétendre être des sportifs. Un petit tour de ville, en cinq escales, pour nous en convaincre. 

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Première escale : au royaume du Zem Sport. Comme le mot l’indique, c’est le sport favori des conducteurs de taxi-moto, «zémidjan» les bien nommés. Ils vont, ils viennent, les oreilles et les yeux aux aguets. Ils giclent au moindre signe ou signal annonçant un client. Mais ils ont assez de temps pour arborer le tablier informel du journaliste. Les adeptes du Zem Sport émettent alors sur les ondes de la rumeur, à la fréquence des «bruits qui courent». Assez de temps pour endosser le costume de membres, sans mandat formel, d’un parlement d’un genre particulier, le parlement de la rue. Un parlement en session quotidienne, autour des kiosques à journaux. Un parlement qui vibre de débats passionnés, aux accents de «Ho djra Wé ma lè» de Dah Houawé. Assez de temps pour déchoir et projeter l’image d’un troupeau à la merci des politiciens sans foi ni loi.

Deuxième escale : dans l’univers du «Na du nu bé» Sport. Il s’agit de ce sport dont les pratiquants ont pris d’assaut tous les trottoirs de notre pays. Des vendeurs et des vendeuses de tout et de rien ont, en effet, volé aux piétons des espaces qui leur sont réservés le long de nos rues. Plutôt gagner son pain en dérangeant tout le monde que de mendier en tendant la main à tout le monde. Chassés d’ici, les «Na du nu bé» se retrouvent là-bas. Et la transhumance continue. Mais jusqu’à quand ?

Troisième escale : dans les coulisses de la «Presse-Sport». Nous sommes sur les terres de la presse nationale, interdites, en principe, aux personnes étrangères à la profession de journaliste. Même un arbitre paraît de trop. Moins de témoins, mieux de témoignage. La couverture d’un événement est programmée. Le savoir et le savoir-faire de la presse sont sollicités. Les journalistes se portent au lieudit. Mais tant qu’on n’a pas vu la couleur de la caméra de certains d’entre eux, rien ne se passe. Tout reste suspendu à leur retard, si ce n’est à leur absence. La Presse-Sport est une célébration médiatique. C’est la plateforme à partir de laquelle les historiens de l’instant tricotent l’actualité. Une fois la messe dite, ceux-ci s’alignent, émargent et se font remettre le «per diem» censé récompenser leurs efforts. Il semble que ce rituel contredit la déontologie du métier. Alors, on dit quoi ?

Quatrième escale : au paradis du Mangement Sport. L’administration publique est le terrain de choix de ce sport ouvert à l’appétit glouton des goinfres insatiables. Il y a les «Mini bouffeurs». Ils se contentent de l’usager-client qu’ils rackettent proprement et matraquent sous tous les angles. Il y a les «Maxi bouffeurs». Ils sont connectés aux marchés publics. Les lots à vendre sont débités en quartiers, pièces et morceaux, selon un calibrage précis dicté par la loi de l’offre et de la demande. Il y a enfin les « Extra large bouffeurs». C’est la catégorie des lourds en charge du pillage des ressources des pays via des réseaux de correspondants- prédateurs disséminés aux quatre coins de la planète. Voilà, par grades et par catégories, les animateurs du «Mangement Sport». Les sages Malgaches avertissent : «A force de sucer, le moustique finit par se faire aplatir».

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Cinquième escale : dans l’arrière cour de «l’Ecu-Sport. L’Ecu, c’est le diminutif de «Ecureuil», le symbole de nos équipes nationales, toutes disciplines sportives confondues. Arrêt sur image avec l’équipe nationale de football. Celle qui nous représente sur tous les stades. Celle dont le tableau de chasse reste désespérément vide. Qui a dit que l’Ecu-Sport, c’est un abonnement de longue durée à la défaite ? La défaite en boucle et en continu. Dans le brouhaha des voix des dirigeants qui se trompent souvent de sport en se boxant copieusement. Rideau sur un sport qui cristallise toutes nos déceptions et frustrations. Et ce n’est pas le brillant professeur Digbeu Cravate qui nous démentira : «Le sport n’est pas compliqué. Surtout quand il est expliqué par un bon chroniqueur.»

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