Décoration de Mgr Antoine Ganyè : « Monsieur le Président, vous m’avez eu… »

Une semaine après la déclaration osée de Mgr Antoine Ganyè qui demande au Chef de l’Etat de respecter la Constitution et de partir du pouvoir en 2016, le prélat reçoit un « cadeau présidentiel ». Il est fait « Grand Croix » de l’ordre national  du Bénin. Une décoration qu’on lui  a imposée au cours de la messe de pèlerinage célébrée à la grotte mariale de Dassa hier.

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Entre le Chef de l’Etat et Monseigneur Ganyè, l’idylle continue. Une semaine après sa « fatwa » contre le 3è mandat, le Président de la Conférence épiscopale se voit imposer une  décoration. Le Chef de l’Etat dont on connaît les relents vindicatifs a curieusement choisi de récompenser l’évêque autrement.  Koubourath Océni, la grande chancelière confesse n’avoir elle-même été informée de cette décoration que la veille. Entre deux prières, elle trouve l’occasion de faire une petite allocution de mettre sur la soutane de l’évêque célébrant cette médaille qui récompense un parcours spirituel exemplaire et riche en enseignements.  Abasourdi par cette décoration surprenante, le prélat eut le temps de dire quelques mots. Il raconte l’histoire de cette décoration qui commence le 04 janvier 2014 à Sèdjè Dénou au cours de la messe  commémorant ses 45 ans de sacerdoce. Au cours de cette messe à laquelle a pris part le Chef de l’Etat, l’Archevêque de Cotonou a donné une bonne leçon de gouvernance aux dirigeants qui l’avait tétanisé sur son siège.  

« … Assemblée, gouvernement… écoutez-vous. Que l’Assemblée nationale écoute le Gouvernement, que le Gouvernement écoute l’Assemblée nationale pour le bien du pays. Je ne cesserai jamais de vous dire ça. Dans ce cadre intime, c’est très bien que nous revenions là-dessus. Voyez, le peuple que nous avons, c’est un peuple enthousiaste, qui n’est pas exigeant du tout, qui se contente du peu. Alors, quand on a un peuple comme ça, on peut se dire qu’on a une grande richesse. Et si on a une grande richesse, il ne faut pas la gaspiller. (…). Tendez l’oreille, et puis organisez le dialogue social où chaque problème sera débattu. Mettez peut-être en place une équipe qui va penser à l’organisation d’un dialogue social. Le dialogue social n’est pas autre chose, n’a pas une autre organisation que ce qui y a été fait à l’occasion de la Conférence nationale. Alors, la Conférence nationale nous a laissé des problèmes, nous a laissé tout un processus de thèmes à étudier. Et c’est bon qu’une équipe organise le dialogue social pour que la Société s’asseye autour de chaque thème. (… ).Je vous convie à ce dialogue, à cette écoute et que les grands aident les petits à grandir, et que cesse le mythe nord-sud. Ce n’est pas un beau mythe, c’est un mythe qu’il faut massacrer, qu’il faut tuer, briser. Ce mythe là, faites-le disparaître… ». Avait-il déclaré. A la fin de cette messe, a-t-il dit hier, le Président l’a approché et lui a fait part de sa volonté de le décorer à un moment qui lui conviendrait. Mais depuis, raconte-il, « j’ai fui».  

Il continue en disant que, ne le voyant pas se décider, le Chef de l’Etat lui écrit à nouveau pour lui rappeler la promesse. « J’ai fui à nouveau jusqu’à ce jour. (…) Monsieur le Président, vous m’avez eu. Merci de m’avoir eu.», a-t-il  affirmé avant d’ajouter qu’il reçoit néanmoins la décoration avec plaisir.  Après avoir remercié le peuple, ses confrères de l’épiscopat, il dit aussi merci au Président de la République pour l’avoir décoré et demande à Dieu de bénir son Gouvernement. Mais toujours prudent face à un interlocuteur imprévisible, il lance un pic au Chef de l’Etat : « maintenant que vous m’avez décoré, je peux vous parler et vous allez m’écouter. Je suis devenu votre professeur », a-t-il dit pour conclure.

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