Bien au-delà des motocyclistes, l’opération de contrôle du port obligatoire de casque fait grincer des dents dans le rang des étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi dont certains n’ayant ni de moyens de déplacement ni de moyens financiers pour emprunter les taxi-motos, communément appelés Zémidjan, sont obligés de faire l’auto-stop pour aller prendre les cours.
Souvent alignés sur les trottoirs devant l’université d’Abomey-Calavi, implorant la bonté de tout motocycliste, hormis les conducteurs de taxi-moto, pouvant les remorquer, ils sont pour la plupart des étudiants auto-stoppeurs. Des jeunes n’ayant ni moyens de déplacement, ni de quoi payer les services d’un taxi, moto ou véhicule, pour se rendre régulièrement à l’université où ils doivent suivre les cours, située à des kilomètres de leur domicile. Avec la mesure sécuritaire du port obligatoire de casque, ils sont les victimes collatérales qui ressentent la chaleur de l’opération dite «dragon». Jean, étudiant en année de licence au département de sociologie-anthropologie à l’Uac, habitant à un peu plus de 5 km de l’Uac, en est un. «Chaque jour, comme je n’ai pas de moyen de déplacement, je fais des auto-stop (…) cela me permet d’aller au cours à l’heure et de faire mes affaires au quotidien ». Mais depuis que l’opération « dragon » a commencé par faire rage à Calavi et à Cotonou, le samedi 02 août dernier, dit-il « je suis vraiment frustré parce que je n’arrive plus à faire auto-stop comme auparavant ». Comme lui, Fiacre, un autre étudiant en troisième année de Chimie-Biologie-Géologie (Cbg) à la Faculté des sciences et techniques (Fast), se plaint. « Je ne trouve plus d’auto-stop, or j’ai beaucoup de choses à faire sur le campus comme des séances de Travaux pratiques (Tp) qu’on nous programme en désordre alors qu’on n’a pas des moyens de déplacement » lance Fiacre.
Bons samaritains découragés
Pourtant, les bons samaritains de ces étudiants auto-stoppeurs ont toujours l’envie de leur venir en aide. Simon, fonctionnaire dans une structure privée à Cotonou est un de ces bons samaritains. «J’aimais bien remorquer mes frères étudiants quand je les vois au bord de la route en train de chercher une occasion. Mais maintenant avec le contrôle du port obligatoire de casque, je suis peiné de les dépasser sans pouvoir m’arrêter pour les prendre comme d’habitude » dit-il. Mais cela ne devrait pas être le cas selon les explications du commissaire principal de police, Louis Tokpanou, reçu sur une émission qui disait «Lorsque vous arrêtez une moto dont le conducteur est casqué et c’est celui ou celle qu’il a remorqué(e) qui n’est pas casqué(e), descendez gentiment, simplement le passager, conseillez le/ là pour l’amener à comprendre la nécessité d’assurer sa propre sécurité en achetant son casque ». Selon Simon, « Ce n’est pas le cas ». Dès que les policiers voient quelqu’un derrière vous sans casque, explique-t-il, « ils vous arrêtent, vous sermonnent et font descendre celui qui est assis derrière, sur la moto». Ailleurs ajoutent-ils, «des policiers zélés vous font perdre le temps avant de vous dire de partir, tout comme si c’est un péché de remorquer quelqu’un qui n’a pas les moyens de déplacement».
Des victimes compréhensibles
Les étudiants auto-stoppeurs victimes collatérales ne sont pas pour autant fâchés. «Selon moi le port du casque est une bonne chose » reconnaît fiacre. De même pour Jean, l’étudiant en sociologie-anthropologie. « Porter le casque est salutaire » a-t-il aussi reconnu. Mais chez chacun d’eux, il y a un « mais ». « Mais normalement, avant de commencer, le Gouvernement devrait d’abord subventionner la commercialisation des casques de qualités » ajoute Fiacre qui demande à l’Etat béninois «d’aider chaque étudiant à avoir au moins un casque ». Son homologue Jean, lui, parle de mesures d’accompagnement et de flexibilité dans l’application de la mesure car tous les cinq doigts d’une main ne sont pas égaux.