Professeur Félix Iroko : Merci!

Le système éducatif béninois poursuit sa descente dans l’abîme. Cela fait un bail que beaucoup de compatriotes avertis de la chose éducative le disent. Le gouvernement pour toute réponse promet un forum. Comme il l’a fait quelques mois après son arrivée à la tête de l’Etat, le Président Boni Yayi détient le secret des rencontres sans lendemain  ou il y a à boire et à manger.

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On distribue perdiems, libéralités et autres honoraires et puis vlan! les recommandations sont rangées dans l’un des nombreux placards du musée du changement dont les travaux de rénovation sont en cours sous la refondation.

La vérité est têtue

Le Professeur Felix Iroko qu’on ne présente plus pour ce qu’il représente comme sommité intellectuelle pour notre pays a jeté un gros pavé dans la mare des refondateurs adeptes du nivellement par le bas. Professeur titulaire d’Histoire, il fait la différence par rapport à beaucoup d’enseignants du Supérieur , mais qui ont jeté leur vérité scientifique dans le panier à crabes des refondateurs. Pour avoir contribué à former des générations de Béninois dont moi-même depuis plus de trente ans, le Professeur Iroko  a dit tout haut ce que beaucoup de compatriotes pensent tout bas. Certains, y compris des responsables syndicaux ont longtemps tiré la sonnette d’alarme surl’état calamiteux  de notre système éducatif sans que le gouvernement n’ait jamais apporte une réponse à la mesure de ce que représente ce secteur pour l’avenir de notre pays. Fidèle a sa méthode de diversion, il a nommé un Président de la Commission Nationale pour l’Education dont personne ne sait ce que lui même et sa commission font. Ce qui préoccupe, c’est comment distribuer des postes de cabinets et autres refuges pour partisans incompétents en quête de subsides (les PIQUES). A la lumière d’ailleurs de la kyrielle de hauts commissaires a ceci et a cela, véritables abonnés aux deniers de l’Etat, tous des retraités d’il y a plusieurs années mais que le pouvoir utilise pour se donner bonne conscience, tel un philosophe contemplant la constellation du ciel et attendant que  lui parvienne, son inspiration. Aujourd’hui, qu’une personnalité de la facture du Professeur Iroko en arrive a déclarer au cours d’une émission de grande écoute sur une chaîne privée de télévision que le Bénin a considérablement reculé au plan intellectuel, n’est qu’une porte bien défoncée. La seule différence avec les autres, c’est que cette déclaration provient d’un compatriote que peut-être, à tort ou à raison, beaucoup de Béninois pensent être un soutien du régime en place. Mais connaissant bien l’éminent Professeur Félix Iroko et son parcours universitaire, on peut bien comprendre qu’il mette la manière dans ses critiques acerbes contre le régime en place. La vérité a la peau dure dit-on.

Le ver est dans le fruit

En réalité, les raisons de la désintégration progressive du système éducatif de notre pays sont lointaines et sont à rechercher moins dans la mise en oeuvre de l’approche par compétence que dans une absence de volonté politique d’améliorer le système afin qu’il réponde aux exigences de développement de notre pays. Quand au début du Renouveau Démocratique, les Américains ont décidé de reprendre et d’intensifier leur coopération technique avec le Bénin par le secteur de l’éducation, ils ne s’étaient pas trompés. Mais ils étaient loin de savoir que les gouvernements successifs ne joueraient pas bien leur partition. A la vérité, aucun pays étranger quelle que soit sa puissance ne peut imposer une approche d’apprentissage à un autre. Et tous les pédagogues, les philosophes, les sociologues, les anthropologues,  tous ceux qui officient dans la planification, la mise en oeuvre, le suivi et l’évaluation des systèmes éducatifs vous diront qu’un système éducatif est le reflet d’une culture, d’une vision sociétale et d’une volonté de conduire un peuple à la rencontre de l’universel. Il nous appartenait donc d’utiliser l’assistance pour élaborer notre vision de société en matière d’éducation et de formation dans un environnement législatif favorable qui apporte un contenu  concret au choix retenu dans notre constitution.

Ce qui a manqué dans notre pays, c’est surtout le suivi rigoureux de l’appui que de façon généreuse, les Américains et autres amis du B2nin ont mis en place pour notre pays. Peut-on me dire aujourd’hui comment est appliquée  la loi d’orientation de l’éducation votée après maintes péripéties sous le régime du Président Mathieu Kérékou? Le régime actuel ne s’en préoccupe guère. Ce qui leur importe, c’est de poursuivre l’organisation des réunions, de fora et autres improvisations improductives, ennuyeuses et coûteuses pour les caisses de l’Etat. En effet, comme c’est le cas de nombreux systèmes vivants, l’éducation est un système qui exigence des réformes soutenues et constantes étant donné la rapidité avec laquelle le monde lui-même évolue. Et pour que notre pays et son peuple s’inscrivent dans la modernité, il est absolument indispensable que l’Etat mette en place les moyens de cette politique de réformes soutenues qui n’ont rien à voir avec l’offre de strapontins à des amis. Mais rien d’étonnant sous nos cieux. Il suffit d’observer la médiocrité ambiante pour se convaincre que ceux qui nous dirigent ne peuvent pas comprendre de quoi il s’agit. A entendre le discours qui se tient aujourd’hui par de hauts responsables de l’Etat, le mal est profond. L’incohérence dans le discours, l’extrême pauvreté de l’expression et du vocabulaire de la langue de Victor Hugo inquiètent. Et ceux-là nomment des personnes qu’ils choisies et pour des raisons totalement en dehors de toute orthodoxie,  dans de hautes fonctions de l’Etat, On découvre avec peine sur des plateaux de TV, des cadres dont le raisonnement logique et l’expression ne tiennent qu’à peu de mots et des idées ressassées tous les jours par l’appareil en panne d’innovations de la refondation. Qu’attendre d’une équipe qui préfère être dans les champs de coton pour contempler les performances imaginaires de leur messie plutôt que d’engager une réflexion féconde qui doit déboucher sur des réformes sérieuses pour transformer le système éducatif béninois et l’adapter aux exigences d’un monde en perpétuel changement.

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Seigneur, pardonnez-leur car…

On comprendre aisément l’incapacité de ceux qui nous dirigent à transformer notre système éducatif pour des raisons qu’il ne sied pas d’énumérer dans cet article. Mais savent-ils qu’ils sont en train de sacrifier l’avenir de notre pays en menant la politique qu’ils mènent aujourd’hui et qui n’a d’autres noms que le nivellement par le bas? On dirait qu’il y a un complexe au niveau de nos décideurs qui ont délibérément choisi non seulement de saper l’intelligence béninoise par la racine, mais de placer en aval des cades médiocres pour parachever leur oeuvre de remise en cause de l’avenir de notre pays. On ne le répétera jamais assez, l’école est le temple du savoir, de la connaissance. C’est aussi le lieu par excellence ou se cultive l’intelligence, même si tous ceux qui possèdent une référence académique ne sont pas des intellectuels et les faits qui se déroulent devant nous le prouvent avec éloquence. Le députe Lazare Sèhouéto a révélé il n’y a pas longtemps  que le département du Borgou-Alibori a été une nouvelle fois classé dernier à l’issue de l’examen national du Certificat d’Etudes Primaires (CEP). Je n’ai malheureusement pas accès aux statistiques pour vérifier une telle déclaration. Mais venant d’un député aussi averti que l’Honorable Sèhoueto, le doute n’est certainement pas permis. Et si cette information se confirmait, n’avons-nous pas le devoir de nous poser des questions? Les filles et fils de ce département septentrional n’ont-ils pas droit à un  meilleur traitement? Pourquoi poursuivre la politique honteuse de nivellement par le bas et insidieusement instaurer celle toute aussi humiliante de quota pour prétendre faire justice et équité? On me rétorquera qu’un des six départements doit forcément être le dernier mais s’il s’agit du même tout le temps et que ces résultats sont loin d’être reluisants, cela interpelle l’Etat et la communauté nationale. On peut en dire autant des concours frauduleux délibérément organisés dans notre pays pour recruter des agents contractuels ou permanents pour l’Administration béninoise. «

Au delà de tout autre flagonnerie trompeuse…..

Il y a trop d’autosatisfaction dans notre pays sur ce qui est fait dans le système d’éducation nationale et pour faire avancer le pays en général ou les décideurs passent leur temps à se congratuler. Et comme l’a courageusement dénoncé le Professeur Iroko, on asperge les Béninois de mensonges. C’est bien triste! Pendant ce temps, le pays se meurt par la tête et dans son âme, car un pays qui ne dispose pas d’une jeunesse bien formée qui  puisse conduire la réflexion et l’action publique sur son développement dans un monde en pleine mutation est un pays qui se meurt. Ce qu’on entend de certains ministres et députés dans notre pays est ahurissant tant dans la forme que dans le fond. Au lieu de s’éparpiller dans des projets dispendieux et sans lendemain et de promouvoir un concept mal inspiré de prospérité partagée qui n’est en fait qu’une corruption déguisée de certaines parties du corps social à des fins de manipulation, le Chef de l’Etat laissera un bel héritage à la postérité en engageant dès maintenant des réformes claires, courageuses et porteuses avec des personnes capables de les conduire à des résultats significatifs pour notre pays. A défaut, il portera la lourde responsabilité d’avoir créé les conditions de l’enlisement intellectuel de notre pays. Un pays ou ne se mène pas une réflexion de qualité est condamné à disparaitre.

Coffi Adandozan Economiste-Planificateur (Lille, France)

 

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