Cris, chants, danses et bourdonnements

« Où en sommes-nous » ? Avait coutume de s’interroger, à l’orée de notre indépendance, Albert TEVOEDJRE. Ces cris pathétiques hebdomadaires sont toujours d’actualité. Dans quelle République sommes-nous tombés ? Il n’est plus de mise de brocarder, tellement l’heure est grave. Sinon, j’ai l’habitude de gloser sur la République des hoquets et des roquets, ou plus lourdement la République des foutriquets et des paltoquets. 

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C’était à peine pour rigoler, et personne n’en prenait ombrage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Comme dans toute société en proie à l’anomie, nous sommes devenus très susceptibles ; au point de prendre grippe pour une expression si courante dans le français contemporain : « mais c’est débile ! » ; comme on dirait : « mais tu es fou ! » En l’occurrence, on n’est plus en sécurité relative que dans le cocon des régularités scientifiques et des constatations empiriques. Première constatation. Notre Président de la république a-t-il vraiment le temps de s’occuper des dossiers importants de la Nation lorsqu’il nous donne l’impression d’avoir la bougeotte, d’être tous les jours que Dieu fait sur le terrain, inspectant ici quelques infrastructures en voie d’achèvement ou se mettant en colère contre certains entrepreneurs indélicats, inaugurer là un pont ou l’installation d’une pompe hydraulique ou une installation électrique ? Pendant la campagne cotonnière, on le voyait de même sur tous les champs de coton ! Comme la nature a horreur du vide, les ministres que la concurrence présidentielle déleste ainsi d’une bonne partie de leurs charges, n’ont plus rien d’autre à faire que d’organiser des marches de soutien alimentées de chants et de danses, à la gloire de Boni YAYI. Les plus sérieux (parce qu’il a plein des farfelus et de paltoquets dans cette galaxie), préfèrent eux des meetings suivis de messes et moult prières à la gloire du timonier ! Il ne reste plus qu’à applaudir machinalement ; mais malheureusement, les coryphées, hérauts et flagorneurs de tout poil, ne sont pas arrivés à trouver quelque chose d’équivalent à « Notre grand camarde de lutte. » ! Deuxième constatation. Assurément, le jeune chroniqueur de l’émission Actu matin de Canal 3, Moïse Dossoumou, fait honneur à la jeunesse béninoise. Je ne rate jamais ses chroniques quotidiennes, tellement elles abordent des sujets brûlants de l’actualité et suscitent des questions qui doivent nous interpeller. Un jour, il s’est demandé à juste titre, pourquoi nous avons renoué avec l’habitude des marches de soutien, les meetings avec force chants et danses, (sauf les prières), les seules manifestations tolérées 17 ans durant pendant la « révolution démocratique et populaire » ? Pour moi, la réponse coule de force : la célèbre Conférence nationale, si souvent mythifiée, n’était en fait qu’un lieu qui nous a permis de secouer l’eau boueuse du vase. Après quelque temps, vingt ans en l’occurrence, l’eau s’est décantée, nous laissant avec la réalité de ce que nous demeurons toujours : des Nègres néo-colonisés englués dans la mentalité primitive, incapables de maîtriser les rationalités nécessaires à la gestion d’une nation moderne. Peut-on comprendre autrement qu’après avoir englouti plus de 40 milliards dans l’interminable LEPI, avoir perdu tant de temps, dépensé tant d’énergie, certains de nos concitoyens en viennent sans vergogne à nous proposer la solution artisanale et humiliante pour un Etat moderne, des listes manuelles ! Troisième constatation. Elle concerne le génie béninois, ce petit quelque chose qui fait notre différence d’avec les autres pays de la sous-région et qui fait que « Dieu nous aime »: les bourdonnements. C’est sûr : dans toutes les sociétés, on déteste les hommes qui veulent se démarquer des autres. Ou ce sont des sorciers, des agités ou des fous ! Parler et écrire vite dans la lenteur générale est devenu un péché capital. Exprimer clairement ses opinions est toujours considéré comme des offenses si vous avez la maladresse d’apostropher quelqu’un. J’ai compris la leçon : je ne parle plus de personne dans mes chroniques depuis qu’à deux reprises, j’ai failli être littéralement rossé par deux amis qui ont pris mouche de mes critiques somme toute bénignes à leur égard. Mais las de se taire, on bourdonne, quitte à être attaqué derechef avec une rare malveillance, un déchaînement incompréhensible. Comme cela se passe de nos jours à Bopa. Non ! Rien n’autorise, pas même les promesses du ventre, de se déchaîner ainsi contre un frère. Et il ne s’agit pas d’un quidam, mais du Professeur Mathurin NAGO, deuxième personnage de l’Etat ! N’importe quel fouille-merde se croit obligé de gloser sur l’illustre professeur de génie rural, parce que dans l’unanimisme général de « tout est bon dans le meilleur des mondes, et gloire à Boni YAYI », il a osé détonner. On comprend pourquoi, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, seuls nos deux officiers généraux ont « les couilles » d’afficher ouvertement leurs prétentions. A part Maître Joseph DJOGBENOU qui agace plus d’un ! Il nous faut à mon avis une autre grand’messe conjuratoire, comme celle que nous avions célébrée pendant notre historique Conférence Nationale. Réveillons-nous !

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