La cour Holo s’est illustrée ces deux dernières semaines par deux sorties qui ont toutes les apparences d’une opération de charme en direction de l’opinion publique. Il s’agit de la décisionDcc14-156 du 19 août 2014 condamnant l’ancienne ministre de l’Agriculture pour ses propos en faveur d’un troisième mandat pour le président Yayi et du communiqué de presse rendu public à la date du 27 août 2014, relatif au compte rendu de sa rencontre avec le Cos-Lépi.
A une semaine d’intervalle, ces deux sorties visent en effet un seul et même but : se racheter auprès de l’opinion qui commençait à trouver ses décisions un peu biaisées et en faveur du pouvoir. Tout le monde a encore en mémoire la décision sur le vote du budget exercice 2014 ordonnant à l’Assemblée Nationale qui ne l’a pas suivie, de faire reprendre le vote à main levée, comme le souhaitait la mouvance au pouvoir et la sortie hasardeuse du président Holo au sortir du fameux conclave des présidents d’institution en plein débat sur la loi portant révision de la constitution.
La décision Dcc 14-156 a pu contenter une certaine opinionpublique très remontée contre Mme la Ministre Fatouma Djibril au point où des grands juristes comme le Professeur Ibrahim Salami se sont publiquement extasiés sur son bien fondé. Le professeur agrégé de droit public est allé plus loin dans un post sur sa page facebook reproduit in extenso dans notre édition du lundi 25 août pour comparer la cour du Bénin à celle du Burkina-Faso (qui , soit dit en passant, n’a encore pris de décision sur l’abrogation du fameux article 37 de la constitution burkinabè) en concluant visiblement à l’adresse des détracteurs que notre cour « reste toujours le gardien du temple » . Cependant à y regarder de près, la décision de la cour pose problème. Pour la première fois en effet notre cour constitutionnelle condamne un citoyen, non pour les faits ou les actes contraires à la constitution qu’il aurait posés mais pour ses propos. La précaution langagière prise par la Cour relative à la fonction de la Ministre pour n’avoir pas observé son droit de réserve ne dédouane pas la Cour. Faut-il rappeler que les citoyens dans leur ensemble ne condamnent pas Mme Djibril pour avoir tenu des propos qu’elle n’aurait pas dû tenir mais pour avoir révélé au grand jour ce qui se prépare activement dans les premiers cercles du pouvoir. Pour l’opinion publique en effet, la personne de Fatouma A. Djibril qui n’était ministre de l’Agriculture que par procuration, n’a d’intérêt que parce qu’elle représentait le pouvoir. En la condamnant pour les propos tenus en faveur d’un troisième mandat, la Cour est sortie de son rôle de juge constitutionnel pour celui de procureur sanctionnant les délits d’opinion. Les seuls propos susceptibles d’être condamnés par notre constitution sont ceux appelant à la haine tribale, au génocide. Les propos qu’elle a prononcés en faveur d’un 3ème mandat sont des propos éminemment politiques appelant une riposte politique de ceux qui y sont opposés. Et c’est ce qui s’est passé et le pouvoir a compris le message puisqu’il a envoyé son ministre d’Etat murmurer du bout de lèvres un démenti.
Il en est de même de son communiqué cité supra. La cour est juge du contentieux électoral en aval. En amont, elle n’a aucun rôle à jouer sinon celui d’observer ce que font les institutions en charge du processus électoral. En s’adressant directement au Cos-Lépi, elle ne s’expose qu’à constater les faits sur lesquels elle n’a aucune prise. Elle n’a aucun moyen pour contraindre le Cos-Lépi à respecter l’ultimatum de la date butoir de fin novembre tel que précisé dans son communiqué de presse. Rien n’oblige le Cos-Lépi à lui obéir si l’Exécutif qui tient les cordons de la bourse ne met pas le reste des fonds à sa disposition. Il ressort de ce qui précède qu’en publiant son communiqué qui n’a pas force de décision, la Cour constitutionnelle ne fait que jouer sa partition dans le jeu de ping-pong auquel se livrent les institutions en charge du processus électoral. L’Assemblée Nationale qui prétend avoir joué son rôle n’a rien fait pour limiter le travail du Cos-Lépi dans le temps avec un agenda clair et précis. Quant à l‘Exécutif, il ne fait rien pour donner les moyens que réclame le Cos-Lépi depuis plus d’un an.
Si le Président Holo et ses pairs de la Cour constitutionnelle veulent montrer leur bonne foi, ils doivent s’abstenir de publier des communiqués vaseux qui ne font pas avancer le processus électoral etprendre hic et nunc la seule décision qui vaille dans le contexte actuel où l’Exécutif ne manifeste aucune volonté d’organiser les prochaines élections à bonne date : C’est-à-dire donner des injonctions au gouvernement du président Yayi, dans le cadre strict de son rôle de régulateur du bon fonctionnement des institutions, pour débloquer sans délai les fonds complémentaires au fonctionnement du Cos-Lépi. Tout autre attitude s’apparenterait à de la pure diversion pour se donner bonne conscience.
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