Les honorables ont raté le coche : les embûches d’un code électoral et l’élection à la présidence de la République

L’élection présidentielle s’annonce, et il nous parait citoyen d’échanger sur les questions qui s’y réfèrent afin de lui donner toute sa mesure car elle ne saurait être, cette fois-ci, une opération de simple routine.

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En effet, nous avonsmûri politiquementau fil de plus d’un demi-siècle d’accoutumance à la souveraineté nationaleet de moindre, il est vrai, de pratique de la démocratie.Aussidevrions-nous savoir en tirer leçon et réformer,à bon escient.Mais il convient d’appréhender,avant toute considération, l’atmosphèresocio politique dans laquelle nous évoluons et qui,probablement, perdurera jusqu’à la prochaine échéance électorale.

Qu’en est-il donc de cette atmosphère ?

Force nous est de constater qu’ellecontinue d’être perturbée par la lancinante, devenue récurrente question du « partira ou partira pas » du chef de l’Etat, au terme de son deuxième mandat. Ses multiples déclarations devant la nation autant que devant le corps diplomatique, les hautes autorités politiquesétrangères, internationales  et spirituelles,ne semblent toujours pas  avoir donné le change aux inquiétudestant des hommes politiques que des citoyens ordinaires. Les récents propossibyllinsde madame l’ex Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche n’ont pas été tenus pour clarifier la situation ; tant s’en est fallu. Et ce ne sont pas, non plus, les,  sans nuances ni détours,réactions des ténors syndicalistes revêtant et assumant leur habit politique,à la suite du dernier remaniement ministériel, qui nous apportent l’apaisement recherché. Encore que notre récent code électoral confirme qu’en « aucun cas nul ne peut exercer plus de deux mandats »  reprenant, in extenso, les termes de la Constitution sur la question.

C’est sur ces entrefaites que,le 25 Aout dernier l’ORTB, dans son journal télévisé du matin a montré, alors qu’apparemment rien ne l’y obligeait,un élément portant images d’une géante manifestation de la société burkinabè, toutes forces politiques confondues,contre les  tentatives du Président Blaise Compaore, de se maintenir au pouvoir, à la faveur de la prochaine élection présidentielle. Notre organe officiel d’information a ainsi montré à la population béninoise, la rue burkinabé,oserdire nonà son Président.Est-ce signe que nos autorités ne souhaitent pas que les choses en arrivent là, chez nous ?Il est vrai que ce serait bien simplet de préjuger que le seul passage de cette manifestation sur l’antenne nationale suffità signifier cela et que la Constitution sera respectée chez nous.  En tout état de cause, l’événement nous a paru mériter mention dans la mesure ouil présage, à tout le moins, ce qui risque d’advenir dans notre pays, et le légitime déjà, par anticipation, s’il arrivait que  les choses ne se passaient pas comme le prescrit la Constitution. Et nous aimons à penser que le pouvoir en placeest suffisammentconscientdu fait pour ne pas risquer tel scénario dans notre pays et qu’il nous en fera économie.

Le code électoral et ses embuches

Voici un document de référence qui nous détaille,de long en large, les règles générales qui devront désormais régir les élections en République du Bénin et, en particulier, celles afférentes à l’élection du président de la république. Nous en avons pris connaissance de part en part et nulle part n’y avons rencontré une seule disposition portant le minimum d’aptitude que cet homme qui pourrait se lever un bon matin et décider à brule-pourpoint de devenir chef d’Etat ; de prendre, entre ses mains, 10 millions d’âmes et de les gérer selon ses repères, à lui. Qu’est-ce donc à dire ? C’est-à-dire, il faut bien en convenir, que le plus légalement du monde, notre pays peut être dirigé  par qui veut, avec le risque pour le peuple, d’être n’importe qui. Aux termes de notre code électoral, il suffitdonc d’en avoir la lubie et la téméritépour briguer les fonctions de Chef d’Etat, puisque ce code ne pose pas le préalable du moindre critère d’aptitude ni d’expérience pour y accéder.

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Pourquoi donc en est-il ainsi ?

Si les Honorables députés n’en ont pasdit mot c’est qu’ils avaient lesbonnes raisons de s’abstenir ainsi, et ce n’est pas notre plume qui prétendra y trouver à redire. Qu’ils souffrent,néanmoins,que nous exprimions notre point de vue, étant en pays de libre expression.Au demeurant, nous concédons que la question que nous soulevons étonne,de prime abord, tant les choses ont toujours été faites ainsi et sont, finalement, rentrées dans la nature des choses. Mais intellectuels qu’avons la lourde charge d’être et aussi la noble responsabilité morale, d’aider, aux côtés des autorités politiques,à tirer le peuple vers le haut ; devrions, de temps à autre,oser remettre en cause, à bon escient certes, l’habituel  quand bien même devenu confortableou même décidé dans l’hémicycle.

Au rang des conditions d’éligibilité et d’inégibilitéaux fonctions de président de la République, notre code électoral ne pose que des conditions d’ordre matériel et ne ditrienni des aptitudes ni de la capacité des candidats à gérer le pays. Que l’on nous comprenne bien, cependant. Nous ne voulons surtout pas dire, et loin de nous l’idée, que conduire un pays est affaire de diplômes d’autant qu’il est bien plus que cela.Gérer des millions d’individus requiert,fondamentalement, une expérience effective de la gestion des affaires publiques et de la connaissance des hommes ; une expérience politique,aussi.Lapalissade,pourrait-on dire, pourtant ! Considérant les pays, aujourd’hui en avance sur le nôtre, nous constatons que la position de chef d’Etat est l’aboutissement d’un cursus d’expériences cumulées de gestion des affaires publiques à divers niveaux,de gestion politique, de pratiques politiques, de luttes politiques et de connaissance des hommes.Celui-là qui ne rassemble pasnombre de ces actifs ne peut nourrir la prétention de nous gérer, et il devrait en être empêché par les institutions compétentes. Nous aimons à espérer, à tout le moins,que de tels candidats ne sont pas déjà et ne seront pas au rang des aspirants à la position de Président de la république, en 2016.

L’on nous rétorqueraquele code a, tout de même, su faire la part des choses, en exigeant des candidats,le dépôt d’une importante caution qui séparerait le bon grain de l’ivraie. L’on nous opposera, également, que le chef de l’Etat ne dirige pas le pays seul, et  qu’il dispose d’un gouvernement et des conseillers. L’onnous dira peut-être, aussi,  que celui qui se présente à la magistrature suprême est suffisamment responsable pour comprendre, par lui-même, qu’il devra être nanti de toutes les expériences dont nous venons de faire état. L’on pourra même pousser le bouchon jusqu’à nous dire, – fallacieuxargument massue-que si le code a laissé le vide en ce qui concerne les qualités requises et le minimum d’aptitude, c’est pour permettre au peuple de désigner, en toute souveraineté, la personne par qui il souhaite être géré. Ce serait laisser le jeu démocratique se jouer à la base

Toutes ces observations ne manquent pas de l’intérêt qu’elles se donnent, sauf que la capacité matérielle de rassembler 15 millions de nos francs, pour témoigner de son sérieux à prétendre à la charge deprésident de la République,n’est vraiment pas fonction de celle de diriger un peuple. Par ailleurs, la Conférence nationale nous a légué un régime présidentiel fort avec les pouvoirs les plus étendus au président de la République; il est seul maitre à bord. Chef de l’Etat et chef du gouvernement, tout à la fois ; avec l’autorité de s’attribuer certains postes ministériels en nommant en leur lieu et place de simples ministres délégués. Son ascendance sur ses ministres est prononcée et soutenue. Quant aux conseillers,en supposant qu’ils soient honnêtes, leurs conseils ne pourront valoir que ce qu’en décidera de faire, le chef. Encore conviendrait-il que celui-ci, de par l’intelligence que l’on est en droit de lui prêter et d’attendre de lui, soit capable de comprendre et d’apprécier les conseils qu’on lui donnera. En ce qui concerne le peuple, il sied d’éviter de l’habiller, opportunément, de souveraineté, en cette matière d’élection du président de la République,alorsqu’on ne lui apporte pas la visibilité nécessaire sur les aptitudes et les compétences requises pour lui permettre de se déterminer, précisément,en toute connaissance de cause, mais aussi en toute indépendance et souveraineté, à l’abri de la pression des politiciens qui, somme toute, onttout à gagner en maintenant la situation en l’état.

Déclaration et manifestation de candidature  

Tenant compte de la confusion qui s’installe dans les termes, il est bon de rappeler à l’attention du lecteur que les termes du code électoral stipulentque la déclaration de candidature est obligatoire, à date donnée, à savoir trente jours au moins avant le premier tour du scrutin et qu’elle répond à une procédure bien spécifiée.Nous en étions, alors, à nous demander si  ce n’était pas un abus de langage de parler de déclaration dès l’instant que l’onmanifeste, publiquement, son intention de se porter candidat à la présidence de la République

Nous évoquons le sujet parce que nous souhaitons que soit définie par la loi, la nette démarcation entre le dépôt officiel des candidatures et la manifestation publique de l’intention de déposer sa candidature. L’avantage discursif sera que la loi pourra fixer également la date à laquelle pourront débuterles réunions électorales prévues par le code et qui ont pour but l’audition des candidats en vue de la vulgarisation de leur programme politique ou de leur projet de société.Cela mettrait plus d’ordre et de rigueur dans les démarches des candidats

Contrôle des informations sur les activités des prétendants

Nous estimons, par ailleurs, que les actes que posent un prétendant à la magistrature suprême,ayant exprimé publiquement ses intentions, devraientrester au niveau de l’équipe qui le soutient. Il n’est pas de bon ton qu’ils tombent dans le domaine public d’information habituelle et que la  presse en fasse état.  Ce n’est pas de l’information anodine que de nous conter les démarches de tel ou tel candidat envers telles ou telles entités. Ce n’est pas de l’information innocente que de nous dire que tel candidat progresse dans telle région au détriment de tel autre de la même région, au demeurant, en les citant nommément. Les professionnels de la communication discouront, bien mieux que nous sur les  techniques que l’on utilise pour asseoir insidieusement, une idée dans le subconscient des foules et leur ôter toute autonomie de jugement, au momentdes prises de décisions.

Nos propositions

Au total nous déplorons le fait qu’aucune condition politique ne préside, dans notre code électoral, à la candidature aux fonctions de Président de la République.Le code s’est réduit à déterminer les conditions matérielles afférentes à la nationalité, la moralité et la probité, l’état sanitaire, l’âge et la résidence au moment des élections. Nous autres, estimons que l’on ne saurait conduire tout un peuple rien qu’en répondant à des conditions d’ordre matériel d’éligibilité, et qu’il aurait fallu ajouter un minimum de capacités à gérer. Un code est un document qui établit des principes et des normes pour très longtemps. Et il est, pour le moins, bizarre aurais-je dit trivialement, que nos Honorables députés n’aient pas perçu qu’il n’y a pas que les conditions matérielles qui font unprésident de République. Prétexter  laisser faire le jeu démocratique est, à n’en pas douter, un faux-fuyant politique, laissant, en réalité, libre cours aux politiciens pour continuer de dicter à leur clientèle, leurs choix, à eux, pérennisant ainsi l’habitude, sans se soucier de réformer.Il leur revenait de définir, dans un document aussi déterminant de politique intérieure, le  minimum d’aptitude pour prétendre gérer le pays mais ils s’en sont abstenus, manquant ainsi, de notre point de vue, à leur devoir. Ne leur en déplaise que nous leur disions qu’ils ont  raté le train de l’histoire !Ils ont manquél’occasion de donner le bon virage à la conduite des affaires d’Etat ; ils ont loupé le coche.

 Nous suggéronsque la loi fixela date à partir de laquelle les prétendants pourront faire connaitre leurs ambitions aux fonctions de Chef d’Etat et, discursivement, celle du début des réunions électorales. La Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication devrait, alors, entrer en scène déjà à cet instant, en amont de la campagne électorale proprement dite, pour réglementer lesinformations sur les démarches des candidats, avant le dépôt officiel de leur candidature.

Nos conclusions

L’élection présidentielle approche et ce qui est permis actuellement ce n’est pas tant de prêcher pour tel ou tel candidat, que de rechercher, en eux, lesqualités pour nous conduire à bon port. Honnêtement parlant, c’est d’un homme  d’expériences, en tous points, de la gestion des affaires d’Etat, qu’a besoin notre pays, d’emblée et d’entrée de jeu.

Ambassadeur Candide Ahouansou

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