Dimanche 26 octobre 2014 : les grandes réalisations méconnues ou oubliées du passé

Le Temps : Pour faire court, disons que c’est la notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les évènements et ressentie souvent comme une force agissant sur le monde, les êtres.

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La Politique : Sous l’angle de son nom féminin est l’ensemble des options prises collectivement ou individuellement par le Gouvernement d’un Etat ou d’une société, dans le domaine relevant de son autorité ou encore, la manière d’exercer l’autorité dans un Etat ou une société.

De manière générale, le Béninois s’illustre en politique dans les fuites en avant et rechigne à marquer le pas pour évaluer ce qui a été fait, en bien ou de mauvaise manière.

Ainsi, nous fêterons dans quelques jours, les quarante deux (42) ans du Mouvement du 26 Octobre 1972. Il ne s’agit pas ici d’un passé révolu que d’aucuns seraient prêts à refaire au besoin, pour l’éthique et le redressement du pays.

Point n’est donc besoin de revenir sur l’enthousiasme et l’euphorie qui avaient marqué la sortie de scène du Conseil Présidentiel avec le départ des Présidents Sourou Migan Apithy, Hubert Koutoucou Maga et Justin Ahomadégbé Tomètin.

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Aujourd’hui, ce dont le Béninois évite de parler est la suite de l’orientation donnée au pays à partir de ce qu’il convenait de rappeler, les trois « glorieuses » que furent :Le 30 Novembre 1972,le 30 Novembre 1974,le 30 Novembre 1975.

Le 30 Novembre 1972 marque la Proclamation du Discours Programme de Politique Nouvelle d’Indépendance Nationale.

Le 30 Novembre 1974 indique la Proclamation de notre voie de développement basée sur l’idéologie Socialiste.

Le 30 Novembre 1975 fut la naissance de la République Populaire du Bénin et la Création de son Parti PRPB. Il s’agit donc de l’aboutissement d’un long processus de lutte et de résistance de la classe ouvrière, de la paysannerie, des intellectuels patriotes, civils et militaires de notre pays.

Ces rappels sont pour mettre l’accent sur des pans restés méconnus et encore ignorés de certaines grandes réalisations qui concourent au développement de notre nation le Bénin.

Bien entendu, tout n’a pas été rose dans les trois étapes évoquées supra, avec la Révolution qui tourna au tragique pour prendre fin avec l’historique Conférence Nationale des Forces Vives de Février 1990.

Venons à présent à la géographie de notre pays et la connaissance de son histoire avant et pendant la Colonisation.

Nous nous focalisons sur la Commune Rurale de Kérou, dans le septentrion, presque à mi-parcours entre Kouandé et Banikoara (dans le Borgou) considérés comme deux (02) pôles commerciaux d’exploitation coloniale.

En effet, après Kouandé, vous trouvez Ouassa-Péhounco, kérou et Banikoara (Borgou). La Commune Rurale de Kérou qui se veut encore de nos jours le grenier nourricier de l’Atacora, se trouve traversée par le fleuve Mékrou à l’ouest, à environ 10 kms du chef lieu de la Commune, dirigée de mains de fer par une femme encore en poste.

Malheureusement, les Arrondissements de Firoud et Kaobagou restaient coupés du reste de la Commune tout le temps que dure la montée des eaux, avec les très fortes précipitations dans le septentrion.

Les gros producteurs agricoles de ces deux arrondissements n’avaient donc aucune possibilité d’écoulement de leurs produits. Les plus téméraires étaient obligés de remonter vers le nord sur Kérémou, un parcours de cinquante (50) kilomètres pour atteindre Banikoara avant de revenir au chef lieu de la Commune Kérou, situé à 10 kms du fleuve Mékrou. On comprend dès lors que les évacuations sanitaires difficiles sur l’hôpital des Sœurs Missionnaires à Kérou ou sur Kouandé devenaient aléatoires pour ces gens enclavés, tout le temps que dure la montée des eaux du fleuve. Au demeurant et même après la baisse des eaux dans la Mékrou la piste agricole n’allait pas au-delà de Firoud. C’est donc par une piste qu’il fallait atteindre Kaobagou, dernière localité avant le Burkina-Fasso au Nord-ouest.

C’est le triste constat, que fit le Sous-lieutenant Philippe Akpo, nommé Commissaire Politique Titulaire de l’Atacora le 4 Décembre 1974 avec pour Commissaire Politique suppléant, notre regretté Issa Abboulaye.

Après donc sa première tournée de prise de contact, un compte rendu exhaustif de la situation avait été fait au Chef de l’Etat, Président du Comité Central à qui les Commissaires Politiques devaient rendre compte directement.

En effet, au terme du décret n° 74-319 du 02 Décembre 1974 portant Nomination des Commissaires Politiques, l’article 2 dudit Décret dispose :

Art 2 : Les Commissaires Politiques sont chargés :

– de réaliser effectivement à la base, l’organisation et la mobilisation du peuple dans le mouvement de la révolution ;

– de répondre de la tenue régulière et correcte des Assemblées Générales hebdomadaires du village ou quartier de ville ;

– de répondre de l’organisation effective de la jeunesse, des femmes et des hommes dans chaque village ou dans chaque quartier de ville et des travailleurs dans chaque entreprise

-de répondre du bon fonctionnement de l’appareil révolutionnaire à chaque niveau ;

-de promouvoir la production et d’assurer un développement socio-culturel rapide sur toute l’étendue du territoire provincial.

Le résultat positif et rapide du compte rendu fait au Président du Comité Central par l’officier Akpo fit que trois (03) mois s’étaient à peine écoulés quand fut rendu disponible le dossier de la Construction d’un pont sur le fleuve Mékrou à Kérou.

– Le Chef de l’Etat avait à ses côtés Monsieur Gbaguidi comme Conseiller Technique à l’équipement

– L’officier Léopold Ahouéya était le Ministre en charge des Travaux Publics et le Capitaine Honvoh Augustin, Ministre de l’Information.

Il restait donc posé la question du financement parce que tous les fonds disponibles étaient déjà mobilisés pour le 1er plan triennal d’Etat 1976-1979. C’est dire concrètement que le financement du Pont de Kérou n’était envisagé que sur le deuxième plan d’Etat 1980-1983

Pour le Commissaire Politique Titulaire que j’étais, la construction du pont de Kérou était devenue un cauchemar voire une gageure. A force de chercher partout, j’avais pu découvrir grâce à l’aide de cadres patriotes qu’une provision de cent millions au 1er plan d’Etat avait été faite pour les études préliminaires du CNERTP (Centre National d’Etudes et de Recherches des Travaux Publics) pour la construction du pont sur l’Okpara, entre Nikki et Tchikandou au Nigéria.

Très rapidement, j’avais fait part au Président du Comité Central Mathieu Kérékou de ma découverte, assortie de propositions concrètes à savoir :

1)Nous étions à quelques mois de la clôture budgétaire de l’exercice 1979 et le CNERTP n’avait même pas entamé les premières phases d’études de sol. Il lui fallait donc plusieurs campagnes pour cela. Afin d’éviter que les 100 millions ne se perdent dans la clôture budgétaire, il fallait :

2)affecter prioritairement les 100 millions à la construction du pont sur la Mékrou après un consensus entre les Ministres du Plan, des Finances et celui des TP.

3)Elaborer un marché de gré à gré avec les Entreprises du Bénin sous la Direction de Monsieur Ahouandogbo.

4)Orienter directement de Porga sur Kérou les Entreprises du Bénin qui venaient de terminer la construction du pont sur la Pendjari, entre le Burkina Fasso et notre pays le Bénin.

Toutes ces suggestions avaient été prises en compte et le pont sur la Mékrou, commencé en 1979, avait été achevé en 1980.

Une réalisation de 73 mètres de long sur des colonnes de plus de 20 mètres de hauteur. La réalisation de cet ouvrage entre le Président du Comité Central et le Commissaire Politique Titulaire que j’étais était méconnue de plusieurs techniciens des TP même jusqu’à nos jours et ceux des cadres qui y sont passés s’imaginent que ce pont date de la colonisation.

Plusieurs raisons sont à la base de cette méprise.

1) Sa conception et sa réalisation entre le Chef de l’Etat et le Commissaire Politique Titulaire Philippe Akpo

2) Le marché de gré à gré avec les entreprises du Bénin

3) Le transfert du Personnel et des équipements de l’Entreprise, de Porga à Kérou, toujours dans l’Atacora.

4) Le coût total de cette réalisation au Budget National a été de 145.321.545 F CFA.

Bien que certains évènements dont le décès tragique et inattendu du Préfet Issa Abdoulaye et des mutations internes aux travaux publics soient intervenus dans le pays (l’officier Rodriguez Richard) devait remplacer Léopold Ahouéya aux Travaux Publics ; on a du mal à comprendre ce paradoxe que depuis trente quatre (34) ans, ce pont construit sur le fleuve Mékrou à Kérou pour désenclaver les Arrondissements de Firoud et Kaobagou n’ait jamais fait l’objet d’une inauguration officielle ni d’une information télévisuelle ou radiophonique par nos structures d’Etat.

A la suite de l’audience que le Chef de l’Etat Mathieu Kérékou m’avait fait l’honneur d’accorder en Octobre 2000 et au cours de laquelle la construction du Pont de Kérou sur la Mékrou avait été abordée, le Président Kérékou, sorti de sa surprise et de son étonnement, avait spontanément réagi en ces termes :

« Akpo ! Donnez-moi 15 jours, le temps pour mon Cabinet Militaire de se pencher sur le dossier. S’il le faut, on trouvera une manière politique pour vous réhabiliter« .

Pour mon malheur, hélas, les collaborateurs du Cabinet Militaire, imbus de leur « égo » et au mépris de leurs méconnaissances des sciences sociales, ignoraient tout de ce qui se jouait sur la Mékrou, de même que les charges que cumulaient avec leurs multiples fonctions militaires, les Commissaires Politiques.

Ainsi, ils s’appuyaient sur des textes dont ils se faisaient les garants et  réglaient les problèmes de leurs collègues militaires au gré de leurs humeurs et de leurs compréhensions, créant ainsi de graves préjudices sur fond de rancœurs à des frères d’armes. Tout cela au nom du Chef de l’Etat et des structures hiérarchiques habilitées.

C’est ainsi qu’ils avaient fait signer au Président Kérékou, la lettre n° 0290/-c/PR/CAB/MIL du 2 Novembre 2000 dont la quintessence est la suivante :

Citation

« Le peuple béninois et tout particulièrement la population de la Commune Rurale de Firoud dans l’Atacora et moi-même apprécions à leur juste valeur, les lourds sacrifices que vous aviez consentis dans l’œuvre de construction de notre nation.

Cependant, je me dois de vous faire remarquer que, tout en reconnaissant la qualité des louables services rendus à la nation béninoises et rappelés à mon attention, le déroulement de votre carrière n’a pas connu une injustice susceptible d’être réparée dans un cadre légal ». Fin de citation

Il faut cependant noter que ces collaborateurs du Cabinet Militaire du Chef de l’Etat ont été faits l’un et l’autre Généraux de Brigade en tant que Directeur et Directeur Adjoint de Cabinet, le second ayant pris la place du 1er après le départ à la retraite de ce dernier.

Les conditions historiques dans lesquelles nous accomplissons nos charges, sans salaire ministériel, sans indemnité ou prime quelconque, bien que nous ayons aussi des enfants et nos familles à nos charges avec les risques encourus à tout moment n’ont guère préoccupé ces responsables qui jouissent à ce jour de tous les droits.

Comment expliquer alors qu’en ces temps, des Sous-lieutenants assument, en lieu et place, des officiers supérieurs et généraux, des charges pour que ce soit le peuple béninois en général et les populations de nos localités qui leur expriment leurs reconnaissance et par quel moyen ?

Admis à la retraite, je suis remonté à Kérou en 2007 pour constater l’état physique du pont de la Mékrou et remarquer que les abeilles y avaient construit leur gîte. Depuis l’avènement de la « Démocratie », il n’y a pas un ministre qui soit passé aux travaux publics sans être saisi de mon problème.

Madame Omitchessan Tabélé fut la seule femme ministre à s’être intéressée au dossier et promis de réparer les choses. Malheureusement, il y avait eu rupture d’un Pont entre Kandi et Malanville et la brave femme y avait épuisé tous ses efforts avant de quitter son poste.

Mon souhait est que cet Anniversaire du 26 octobre 2014 soit vécu autrement par mon peuple par de larges extraits de cette réalisation qui sort du lot des « éléphants blancs » et qui concourt au développement socioéconomique de notre pays.

Je rends avant tout grâce au Dieu Créateur qui a bien voulu que je sois encore de ce monde pour apporter ce témoignage historique sur cette réalisation méconnue dont les générations futures finiront par parler si tant est que, ce 21è siècle, l’on parle des guerres 1914-1918 et de 1939-1945.

J’ignore ce qu’en pensent les citoyens « Lambda » de l’Atacora et de Kérou.

Et comme le dirait Alain Foka, «  un peuple sans histoire est un corps sans âme. » Je suis donc très heureux, d’avoir pris l’initiative de cette réalisation rendue possible grâce aux injonctions et directives du Président Mathieu Kérékou à son Ministre du Plan, ceux des Finances, des Travaux Publics et de l’Information.

Puisse cela servir aussi et surtout au changement de mentalité des cadres de mon pays par rapport aux multiples avantages qui sont aujourd’hui les leurs dans le partage de la prospérité des revenus du pays.

EN CE QUI CONCERNE LES CARDER

Il y a lieu de lever la confusion créée dans certains esprits et qui fait croire que les CARDER sont à l’actif du Président Emile Derlin Zinsou.

En réalité, les Carder (Centre d’Action Régionale pour le Développement Rural) relèvent du génie créateur des cadres béninois au travers d’un séminaire initialement prévu pour durer dix (10) jours mais qui s’était tenu du 1er au 14 Avril 1975 à Porto-Novo, sous la direction et les instructions du Gouvernement Militaire Révolutionnaire que présidait Mathieu Kérékou.

Sur le terrain, le CARDER présentait la configuration suivante :

– Au niveau du village : l’agent de base

– Au niveau de la commune : le Chef Sous-secteur

– Au niveau du District : le Chef Secteur

– Au niveau de la Province : le Directeur d’Opération.

Face à la situation nouvelle, il y a :

– Au niveau du village ou du quartier de ville : les Responsables du Centre de Développement Agricole regroupant chacun dans sa spécialité en tant que Conseiller ;

– Au niveau de l’Arrondissement : un Technicien Spécialisé ;

– Au niveau de la Commune : le Responsable de Développement Rural ;

– Au niveau du Département : le Carder ou Centre Agricole Régional de Développement Rural.

Merci pour l’attention
Lieutenant-Colonel Philippe Akpo

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