Evacuations sanitaires : entre errance et guérison

Imaginez un citoyen américain qui a quelque souci avec l’administration de son pays, qui va demander assistance à son ambassade à Cotonou et qui se fait éconduire purement et simplement . 

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L’ambassade du Benin à Paris, sûrement d’autres ambassades africaines, est l’une de ces forteresses qui ignorent leurs vrais rôles vis-à-vis de leurs ressortissants et où aucune écoute n’existe pour toutes les catégories de visiteurs immigrés, de peur qu’elle n’ait à assumer des engagements qui la dépasserait.

Florentine SAVI avait pourtant des choses à dire à l’ambassadeur ; une petite attention, sans aucun à priori, aurait pu l’aider à exposer ses difficultés nées du système des évacuations / rançonnements.  La ministre de la santé de passage à Paris en juin pour la table ronde du Bénin avait sûrement pensé qu’elle obtiendrait de meilleures informations sur ce vieux dossier, suite aux recommandations personnelles du Président de la République. Mais cette dernière ignorait qu’elle soumettait la jeune malade qu’elle connaissait bien, à une épreuve des plus surannées. Une fois de plus Florentine venait d’aborder le chef de l’Etat au Bourget à sa descente d’avion ce 16 juin 2014. Malgré son état de fatigue assez visible il l’a saisie par la main au moment de la saluer et lance à l’ambassadeur : « M. l’ambassadeur, occupez vous d’elle ; faites en sorte qu’elle obtienne un rendez vous avec moi avant la fin du sommet ».

A son tour ce dernier s’attarde avec la jeune dame avec beaucoup d’empressement, note ses coordonnées et tente même de couper court à la conversation qu’elle voulait engager avec la ministre, en les rassurant qu’il avait bien noté les consignes du PR ; qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Mais rien n’y a fait ; à ce jour l’ambassadeur n’a toujours pas envie de la voir. Les nombreux appels téléphoniques de la jeune dame n’y ont rien fait. Ainsi le 3 octobre dernier, s’il y avait une porte dérobée à l’ambassade du Bénin à Paris, M. Aniambossou serait partie de l’ambassade et l’aurait cruellement laissée en plan à l’accueil, d’où cette pauvre dame tentait vainement de savoir les suites qu’il réservait à sa lettre. Il était pourtant annoncé absent cet après midi là.

Comme des milliers de nos compatriotes depuis des lustres, elle a été évacuée pour un cancer sérère de la peau en 2009, elle a été spoliée avant d’obtenir le sésame du départ fatal pour trois mois, ne parlons pas des harcèlements sexuels dont elle a été l’objet et auxquels elle a résisté, de peur de succomber à nouveau à des solutions de facilité.  

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Aussi a-t-elle été purement et simplement abandonnée dans les rues de Paris au bout de vingt mois, sans papiers et sans avoir connu un début de guérison. Avec ses parents, c’est quand même plus de quatre millions de frs CFA (4.000.000) qu’elle s’emploie à rembourser encore aujourd’hui, aux proches et autres membres de la famille qui les ont aidés à acquitter cette somme afin de participer à l’évacuation ; oui cela semble bien être une pratique de notre système mais tout ne s’arrête pas là. Une association Burkinabè du nom de Nazounki, que connaissent de nombreux évacués que j’appellerais « les nécessiteux », (association malienne en ce qui concerne les malades au Maroc et en Tunisie), assure en embuscade un étrange service après vente en France et, sur fond de menace, amputait régulièrement les indemnités destinées périodiquement aux services sanitaires et d’hébergement et à la patiente, si ces manipulateurs n’en disposaient pas carrément.

Pitié !

A cette époque ses nombreuses alertes à l’attention des autorités du ministère de la Santé et des Finances, n’ont rien donné. Bien au surplus c’est le Médecin chargé du suivi des malades lui-même qui, à l’occasion des balades qu’il s’offre régulièrement en France pour cette mission, la soumettait à son tour à des chantages des plus étranges afin de mieux l’aider à satisfaire ses demandes.  Soins non réglés, menace de rapatriement avant le terme des trois premiers mois prescrits, frais de séjours impayés qui s’amoncellent, passeport confisqué, la liste des contrariétés infligées par Nazounki est très longue ; c’est ainsi que la jeune dame a fini par récupérer ses affaires dans les couloirs de la résidence les rosiers rouges, un beau jour ; ce fut le début du parcours du combattant. Le personnel de l’ambassade qui l’avait vue arriver avec valise et baluchons se résigne jour après jour à la voir repartir pour des destinations inconnues. Très sensibles à sa situation néanmoins et, à défaut de ne pouvoir rien faire pour elle, se sont cotisés jusqu’à 275€ pour lui apporter une aide ne serait-ce qu’à titre transitoire.  Au plus fort de ces déboires, elle passait le clair de ses journées dans les restaurants Mac Donald de la région parisienne ; elle a connu en plein hiver ce qu’est « passer la nuit  dans une cabine téléphonique avec bagage », à défaut de finir la nuit au 115 qu’il faut s’aviser d’appeler pour y réserver sa place suffisamment tôt dans la journée.  C’est le trop plein pour cette jeune dame qui ne manque pas de caractère et qui a plusieurs reprises a préféré s’en remettre au chef de l’Etat parce qu’elle voulait avant tout être soignée. C’est ce qu’elle ne désespérait pas de faire dans la mesure où les consignes de ce dernier ne sont jamais suivies d’effet. La première fois c’était à Paris, fin 2010. Elle s’était retrouvée nez à nez avec le Président qui s’était écrié en ces termes après avoir pris le temps de l’écouter durant quelques minutes : « Je ne savais pas qu’il y avait des ressortissants béninois qui viennent ici pour se faire soigner et qui souffrent à ce point sans aucune aide de la part du BENIN… est-ce mon gouvernement qui fait ça ou bien cela bien existait avant ? M. Le ministre vous vous occupez de son cas et vous me rendez compte… »  Le ministre ADADJA était à ses côtés à l’époque et il avait promis faire en sort que tout rentre dans l’ordre ; il communique son téléphone personnel à la compatriote. Le président fit également appeler le ministre Tchalla directement au Benin et échangea avec lui. Dans la foulée un collaborateur du ministre, du nom de Assogba Laurent, fut dépêché à Paris pour la voir où un certain nombre d’engagements avaient été pris … Entre temps la campagne pour les élections présidentielles est arrivée ; puis plus rien.

Trop de Béninois oubliés dans le malheur!

Essayer d’écouter cette dame, c’est un parcours qui saisit aux tripes parce qu’elle est encore très malade comme au premier jour et dans un état de très grande souffrance psychologique, du fait de toutes ces plaies physiques et morales.  Le jour où j’ai personnellement entendu parler de son cas, c’était moins d’un an après qu’elle ait interpellé pour la première fois le Président YAYI BONI qui lui aurait même remis de l’argent pour régler quelques unes des dettes. J’avais toujours eu l’air de croire qu’elle affabulait un peu ; mais je me suis trompé. Il importe de savoir que les cris de ces nombreux malades « non gouvernementaux », c’est à dire qui ne font pas partie de l’élite, ne trouvent ni écho ni grâce auprès de nos représentations diplomatiques qui devraient être des liens salutaires entre toute personne en souffrance en France et nos administrations.  Le cas récent de ce jeune malade admis à l’hôpital de Tours est encore là pour nous le rappeler même si des activistes en mal d’une certaine reconnaissance dans la communauté des migrants Béninois de France s’étaient dépêchés d’exploiter cette situation à des fins inavouables en tordant le cou à la réalité. L’ambassadeur aurait fini par payer le billet qu’il refusait à ce jeune homme pour son retour. La représentation n’ouvre donc ses bras à nos concitoyens que lorsque la situation médiatique l’exige. Heureux d’y avoir contribué cette fois-là. On imagine que notre ambassade se préserve de tout ce qui pourrait s’apparenter à un appel d’air pour toutes les catégories en difficultés, alors qu’elle ne dispose pas d’un budget pour cela et pas suffisamment d’imagination et d’autorité pour les écouter, même si ce n’est pour ouvrir des réflexions sur le phénomène des évacuations. Une véritable plaie pourtant ! Compatriotes en grand errance, ils se comptent par centaines qui finissent par trouver, pour certains, leur salut dans la magnanimité d’une France qu’on peut toujours vilipender mais qui reste un excellent remède et parfois un refuge pour les maladies qu’on n’arrive toujours pas à soigner chez nous dans ces longs processus des soins et de leur prise en charge efficace.

 

Pour se racheter 

Aujourd’hui DIEU MERCI comme on le dit chez nous, notre compatriote vient d’obtenir la carte de résident en France, comme de nombreux compatriotes au bout de nombreuses années d’une telle souffrance sanitaire. Elle a du mal pour l’instant à aller régler sa carte de moyennant 260€, rien que cela. Florentine n’est toujours pas guérie ; ce qui ravive encore ses rancœurs vis-à-vis de son pays, vis-à-vis de tous ces profiteurs au service de la république pour qui elle n’a pas de mots tendres pour crier sa douleur, parce qu’elle n’a toujours pas compris pourquoi cette absence d’écoute dans son éloignement qu’elle espère un jour pouvoir expliquer au président de la République.  La plaie que porte notre compatriote n’est pas superficielle et ne se refermera pas de sitôt. C’est la marque de ces souffrances que lui ont infligé tous ces agents et leurs relais qui continuent de sévir et que personne n’a encore pris l’initiative de défier. Voici ce qu’elle demandait à M. L’ambassadeur au terme de sa dernière lettre, que je trouve à mon avis très pertinent : « Je souhaite clore ma requête par un appel à réfléchir à l’implication d’un service conjoint des ministères qui pourraient être concernés par la présence, au titre des soins, de centaines de nos concitoyens qui sont rapidement abandonnés à eux-mêmes sans qu’on puisse déterminer l’état des soins reçus et l’opportunité de battre leur rappel dans le cadre du budget mis en place au départ ». J’ajouterais pour ma part: au lieu des cabinets militaires de confort quasi automatiques dans nos grandes ambassades, là où une telle attribution n’a pas d’objet, il serait plus indiqué de répondre à ce besoin récurrent qui est devenu plus que jamais un service administratif nécessaire aux centaines de béninois perdus dans le mécanisme désuet des évacuations.

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