Tout aussi inopinée que rapide qu’elle fut, la chute du désormais ex-président burkinabé, Blaise Compaoré n’a pas manqué de faire frémir bien de dirigeants africains. Au Bénin, le président Boni Yayi, qui a suivi la situation de bout en bout, a pris une peur bleue.
Il s’est rendu compte qu’il doit œuvrer au plus vite pour le dégel de la crise politique nationale marquée par l’impasse dans la correction du fichier électoral et l’organisation à bonne date des élections.
Après le Printemps Arabe, on parlera désormais de l’Automne burkinabé. Le régime du président Blaise Compaoré déchu par la rue après 27 ans de règne. Qui l’eut cru ? Avec la ruse et l’entêtement du tombeur de Thomas Sankara à s’éterniser au pouvoir, on pouvait prévoir que la fin de son régime ne se fera pas dans une partie de plaisir. Mais très peu de personnes pouvaient parier que le capitaine Blaise Compaoré, doyen des chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest, pompier attitré de la sous-région, élu à la dernière présidentielle avec un score de plus de 80% des suffrages exprimés, serait chassé du pouvoir comme il l’a été. Notamment, après quarante-huit heures d’insurrection par une population qui n’avait d’armes que son héroïsme. Les leaders de l’opposition politique et de la société civile y croyaient sans doute eux-mêmes à peine.
Jusqu’au mercredi 29 octobre au soir,il semblait avoir le contrôle de son projet de révision constitutionnel pour une rallonge de son séjour à la tête du Burkina. La chute précipitée de Compaoré a ébahi les chefs d’Etat africains. Les chefs d’Etat les plus tétanisés ont été ceux ayant battu les records de longévité à la tête de leur pays et désirent y demeurer ad vitam aeternam. Il en est de même pour ceux qui sont au cœur de la polémique et envisagent sauter le verrou constitutionnel de limitation de mandat pour se maintenir au pouvoir. «La Lettre du Continent» en fait cas dans sa livraison n°693 de ce mercredi 05 novembre 2014.
Yayi affolé
Au Bénin, une peur bleue s’est emparée du président Boni Yayi dont le régime se trouve au cœur d’une polémique politico-politicienne avec le blocage dans la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) et le retard considérable dans l’organisation des élections Municipales, locales et communales. Ces élections, faut-il le rappeler ont été reportées sine die, depuis février 2013. «Au Bénin, c’est la peur au ventre que Boni Yayi a suivi les événements sur France 24, raconte la Lettre du Continent. Alerté dès le 28 octobre par sa secrétaire particulière, sa fille Rachelle », le chef de l’Etat a dû stopper la séance de travail avec les présidents des institutions de la république sur l’impasse « Lépi ». Le Lettre ajoute que « lendemain, après une réunion de trois quarts d’heure avec son conseiller politique », Amos Elègbè l’homme de tous les régimes, Boni Yayi a fini par être convaincu qu’il faut accélérer l’organisation des Municipales. Surtout, avec le message fort envoyé par l’opposition politique et la société civile béninoises lors de la marche pacifique du mercredi 29 octobre dernier.
Un discours moins provocateur
Le gouvernement béninois et ses affidés politiques ont adouci leur discours depuis les récents événements au Burkina. Le discours de Boni Yayi et les siens est devenu plus apaisant, moins provocateur. On en a pour preuve le ton très conciliant du communiqué du gouvernement au soir de la manifestation pour les élections du mercredi 29.
Dans un communiqué signé par son Secrétaire général, Alassani Tigri, le gouvernement béninois s’est réjoui du « bon encadrement de la marche et de son déroulement dans le respect des lois de la République». Il a salué « l’esprit de veille citoyenne, le calme» ayant prévalu au cours de ladite marche. Qui «traduit à souhait, la vitalité de notre démocratie et le souci de ses organisateurs de voir tenir, à bonne date, toutes les élections municipales, communales et locales, législatives et présidentielles.» Le communiqué a même fait fort en trouvant un point de convergence entre les préoccupations des manifestants et celles du gouvernement. Ce langage, le gouvernement ne l’aurait pas tenu dans un passé récent. La marche aurait été interdite ou réprimée. Mais cette fois, à défaut de l’interdire, le gouvernement a mené contre elle une véritable campagne de démobilisation. Echec et mat ! Sûrement conditionné par les événements du Burkina, Yayi et les siens n’ont eu autre issue que de jouer la carte de l’apaisement et de la conciliation.
Dans la même veine, on a appris sur les réseaux sociaux, avec confirmation par des sources internes à l’Assemblée Nationale, que Boni Yayi a demandé le retrait du circuit parlementaire du très controversé projet de révision de la Constitution. Il aurait aussi demandé à ses partisans politiques de mettre fin à leur slogan «Après nous, c’est nous». Comme pour dire qu’ils conserveront le pouvoir à l’issue de la présidentielle de 2016. Sans Boni Yayi bien entendu. L’actuel locataire de la Marina étant à son dernier mandat. De la peur bleue de Boni Yayi à son «assagissement», la chute de Blaise Compaoré n’aura pas été sans conséquence sur le Bénin.
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