« L’Affaire Marc Kiki »du nom de cet employé de l’ambassade du Bénin en France licencié sans préavis est passée en jugement vendredi dernier devant le conseil des Prud’hommes : récit d’audience et commentaires :
L’audience de l’une des affaires qui pendaient au cou de la diplomatie béninoise en France a eu lieu le Vendredi 5 décembre à 13H30 devant le conseil des Prud’hommes de Paris. Section Activités diverses – Chambre 2.
Nul report pour faits de grève, nulles manœuvres dans le style « franc maçon » pour faire échouer la tenue de l’audience ou les conditions de maintien de cette affaire au rôle, comme cela arrive bien malheureusement et fréquemment, d’ailleurs, chez nous.
D’étonnement en étonnement les débats proprement dits on été clos en moins de 10mn de plaidoiries des deux avocates représentant les parties.
13H13 : l’affaire fut appelée afin d’être retenue ou non. Mark Kiki visiblement diminué par une opération récente et s’appuyant encore fébrilement sur une canne pour se mouvoir est bien présent et assisté.
La république du Bénin qui est le véritable adversaire dans cette affaire est représentée et son avocat tente une première fois de soulever une exception d’incompétence. Ce à quoi le président lui répond : « Vous serez entendu tout à l’heure ». L’affaire est retenue et sera examinée en seconde position dans l’ordre des passages.
La parole fut donc laissée à la partie qui sollicitait le dessaisissement du conseil des prud’hommes de Paris.
Après le droit de réponse de l’ambassadeur Aniambossou : Marc Kiki réagit et le contredit
1er Rebondissement :
Dans sa présentation le conseil de l’ambassade du Bénin excipe
– Que M. KIKI était employé à l’ambassade en tant qu’Agent de Protocole et qu’à ce titre il détenait un titre spécial de séjour, donc bénéficiait d’un statut particulier justifiant en l’espèce le bénéfice des immunités prévues par la convention de Vienne.
– Que le fait que M. KIKI ne détenait pas et ne justifie pas avoir à cette époque un titre de résident permanent en France, ce dont il ne pourrait prétendre qu’après cinq ans de séjour réguliers, le soustrait du bénéficie des exceptions prévues en la matière.
– Qu’à ce titre, elle conclut à l’irrecevabilité des demandes de M. KIKI par le conseil des prudhommes de Paris, donc à l’incompétente du conseil.
Dans sa réplique, le conseil de M. KIKI conçoit que de telles dispositions existent et pourraient s’imposer aux ressortissants de pays tiers qui exercent des fonctions pour lesquelles ils participent à une activité de souveraineté de l’Etat en question.
Les exceptions à l’immunité diplomatique sont également contenues dans la convention des Nations Unies (art 11) et dans la convention de Vienne. Ces exceptions s’appliquent lorsque l’employé est ressortissant du pays dans lequel il travaille ou lorsqu’il a établi sa résidence dans l’Etat du for
Elle avance à l’appui de cette affirmation que lorsque, comme dans le cas de M. KIKI, le titre de la fonction d’un agent est : Agent d’accueil des personnalités et rien de plus, que son client qui ne fait que remplir la fonction d’accueil au sein de l’ambassade de la république du Bénin n’est pas soumis, selon une jurisprudence constante, au principe de cette immunité.
Elle citera à cet effet un arrêt récent concernant un secrétaire aux relations publiques de l’ambassade du Qatar en France qui a estimé que cette personne ne participait pas à une action de la souveraineté de l’Etat.
M. KIKI, poursuivra t-elle, travaillant en France et ayant son foyer régulièrement établi en France, c’est- à- dire sa femme et ses trois enfants, y a sa résidence permanente et ne pourrait avoir une autre résidence.
La partie adverse ne pouvant même pas produire à la barre le texte qui fixe les conditions pour l’acquisition de la résidence en France, il ya lieu, soutient le conseil de Mar KIKI, de demander le rejet de la demande de la république du bénin.
La composition du Conseil s’est retirée pour examiner cette exception d’irrecevabilité, revient au bout de 15 minutes et se déclare compétente pour la poursuite des débats sur le fond, après avoir écarté la demande d’irrecevabilité des demandes de M. KIKI devant les prudhommes.
2ème Coup de théâtre :
Après avoir énuméré les chefs de demande et décrit les conditions dans lesquelles M. KIKI a reçu notification de sa lettre de licenciement, on était loin de se douter de la situation qui allait survenir.
L’avocat de M. KIKI demande à faire la lecture de la teneur de la lettre de licenciement qui a donné lieu à des rires dans la salle .Ce jour-là fortuitement une vingtaine d’étudiants assistaient en compagnie de leur professeur au déroulement d’une audience du tribunal du travail.
Le conseil aussi s’en amuse et demande à la partie adverse si c’est cela une lettre de licenciement ?
Poursuivant ses conclusions, l’avocat de M. KIKI décrit la situation très éprouvante que vivent femme et enfants à la charge de ce père de famille, très affaibli par l’épreuve de la maladie et demande au Président s’il y avait encore lieu de poursuivre.
(Rires généralisés à nouveau.).
Visiblement il n’y avait effectivement plus rien à dire, pas plus qu’il n’existait aucune contestation sur aucun des points soulevés puisque l’avocat du BENIN, lorsqu’il lui est revenu de conclure, avoua n’avoir rien prévu sur le fond, étant seulement venu plaider l’incompétence.
Elle aurait souhaité disposer de quelques mois pour le faire ; Ce à quoi le président à opposé une fin de non recevoir : Décision pour le 12 janvier 2015.
Dans de telles circonstances l’APPEL de la décision à venir semble s’imposer, le cas échéant, surtout pour une assistance de cette qualité qui prétextera le fait de n’avoir pas conclu pour le compte du BENIN.
A quoi jouerait l’ambassade du BENIN qui aura eu de Juillet à Décembre pour régler la situation de son ex-employé qui n’avait pas d’autres solutions que de recourir à l’arbitrage de gens plus justes.
Le président du pays qui s’apprête à broyer un pauvre citoyen nous répète qu’il aime les Béninois.
Nul doute qu’il suggèrera un peu de sagesse à ces jeunes qui veulent en découdre avec tous ceux qui osent les affronter sur le terrain de la légalité.
Sommes nous en train d’évoluer, pourquoi pas, vers la fin de cet épisode malheureux dans lequel, après tout, c’est l’argent du Bénin qui servira à indemniser notre compatriote et à payer cet avocat qui a tout de même manqué l’occasion, ne serait-ce qu’à cette étape, de nous démontrer qu’il mérite ses honoraires.
Seule la suite nous le dira.
Christian Désiré Houssou, correspondant en France
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