Humeur du Temps : la gâchette de l’horreur

Il y a environ un an, on a accusé les syndicalistes d’avoir versé de l’encre rouge sur leurs propres habits pour se faire passer pour des victimes de la barbarie policière du 27 décembre 2013 à la bourse du travail.  

Publicité

Cette fois-ci, c’est plus sérieux puisque le sang a vraiment coulé. Dans leur fougue guerrière et leur amateurisme notoire, les policiers ont réalisé  une drôle de prouesse : abattre de sang froid et dans le dos, un présumé braqueur qui aurait, selon leur version, tiré sur eux avec une arme de fabrication artisanale et qu’ils ont réussi à avoir le dessus. Cette thèse est désormais récurrente chez les flics béninois. Depuis qu’ils ont été contaminé par le virus de la sur médiatisation du « tout sécuritaire », on ne manque pas de les voir fréquemment sous les feux de la rampe. Tel commissaire qui réussit à arrêter quelques voyous ayant commis des larcins, il médiatise. Tel  autre qui met la main sur des arnaqueurs du net, c’est à la télé qu’il va présenter ses résultats. Un autre qui abat des présumés malfrats, il brandit leurs cadavres, tout ensanglantés à la télévision comme pour montrer ses faits d’armes. On a vu fréquemment le commissaire Louis Topanou dans le rôle de porte- parole de la police annoncer des prouesses du genre. Le récit des flics et le scénario de leurs tueries en série sont toujours les mêmes. A la télévision, on les entend raconter le même récit, tel un refrain appris et bien pigé : « Les présumés braqueurs  s’apprêteraient à commettre un forfait à tel endroit, nous avons reçu les informations  et nous sommes allés les surprendre. Ils ont voulu riposter et il y a eu des échanges de tirs. Les policiers ont pris le dessus sur eux en abattant…malfrats. Les autres sont en fuite et nous continuons les enquêtes pour les arrêter ». Ils concluent souvent en disant que leur exploit n’a été possible que grâce à la collaboration de la population. Pour tous les cas, c’est le même chorus qui est raconté partout et sans grande intelligence. De Sèmè -Kpodji à Pahou, de Parakou à Lokossa, les flics béninois ont tellement brandi de corps de présumés malfrats ces dernières années-ci au point de devenir de vrais sicaires à la gâchette facile. C’est sûrement cette nouvelle passion qui a amené un d’eux à tirer sur le jeune Axel Mitchodjêhoun, fils unique du Colonel à la retraite Camille Mitchodjêhoun, ancien chef d’Etat- major de l’armée de l’air, à menotter son corps et à l’exposer à la télévision comme un malfrat avec des armes artisanales à côté. La version de la police l’accuse aussi d’avoir braqué d’autres personnes avant son assassinat  et prend soin de dire le butin retrouvé sur lui. Là aussi, rien de nouveau. Tous les présumés braqueurs abattus ces derniers temps par la police ont été présentés avec des armes artisanales à côté d’eux.  Selon la version de son compagnon blessé aussi par la police, le jeune Axel, âgé de 18 ans, élève en classe de première, rentrait d’une réjouissance dans la nuit du 24 décembre avec ses amis quand ils sont tombés sur une patrouille de la police. Avec ses amis, ils prennent la poudre d’escampette mais le pick up de la police réussit à rattraper certains, les immobilisent, leur demandent de mettre la main sur la tête et tire sur eux. Axel est mort sur le coup. Son compagnon grièvement blessé. La police le présente comme braqueur. Son père, ses camarades de classe et ses professeurs disent que c’est faux. L’élève s’est-il, entre temps, trouvé une autre activité ? L’enquête judiciaire pourra l’élucider. Toujours est-il que le présumé braqueur abattu par la police cette fois-ci est un élève, bien connu comme tel. Ce qui rend peu crédible la thèse policière. On la soupçonne de montage, d’abattre des innocents  pour donner bonne impression. Sinon pourquoi n’est-elle pas arrivée à abattre aussi  aisément les gangs qui ont tué leurs collègues Dènon, Kpadonou et consorts? Pourquoi cette police si prompte à trouver des présumés braqueurs dans les rues de la cité vie nouvelle n’a-t-elle pas pu retrouver les malfrats ? Pourquoi elle n’a pu retrouver ceux qui ont tué Bernadette Agbossou Sohoudji ? Pourquoi il y a autant de braquages qui réussissent  sans que la police ne réussisse à les empêcher ?  Les Béninois rêvent d’une police plus digne, plus efficace qui travaille avec grande  intelligence et dans la discrétion. Ils veulent une police moins rançonneuse sur les voies, qui fait des problèmes de sécurité sa vraie priorité. En tout cas, le cas d’Axel fera couler beaucoup d’encre et de salive. Ses parents, ses camarades de collège, la justice, des mouvements de jeunes s’organisent  pour dire halte à la police dans ses exactions. Partout, ils réclameront justice pour que, plus jamais l’arme qui doit protéger le citoyen ne soit pas celle utilisée pour l’abattre.   

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité



Publicité