Bénin : le « quota » de tous nos malheurs

Péréquation. Voilà un mot savant pour le commun de nos auditeurs et de nos lecteurs. Les spécialistes de l'économie ne diront pas la même chose. Il s'agit, pour ceux-ci, d'un mot usuel, en usage courant dans leur milieu. Péréquation signifie   "réajustement de ressources et de charges afin de réduire certains déséquilibres."

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Le mot a bénéficié d'un traitement politique dans le contexte béninois. Il s'est alors traduit par "quota". A comprendre comme un coup de pouce donné, à titre exceptionnel, à l'une ou l'autre région du pays. Un retard est à combler. Un déséquilibre est à réduire.

Le "quota", ainsi vu et ainsi compris, était parti d'une bonne intention. Il participait à une opération de justice. C'est méritoire et louable pour un pays de se regarder dans le blanc des yeux, de s'assumer et de panser ses plaies. Le Béninois n'a pas demandé à être colonisé par les Français. Mais qu'il en fut ainsi a impacté durablement son destin.  Les Mahi de Savalou et les Fon d'Abomey étaient de farouches adversaires. Ils se retrouvent, aujourd'hui, en frères et en concitoyens sur le chantier de l'Etat-Nation du Bénin. Et si la mer, l'Océan Atlantique en l'occurrence, s'était située dans la partie septentrionale de notre pays, le colonisateur n'aurait pas concentré au Sud, autant qu'il eut à le faire, l'essentiel des premières infrastructures du pays.

Comme on le voit, nous sommes des héritiers, en charge d'une histoire que nous devons assumer en vérité et en totalité. Et le "quota" nous était apparu, pour cet exercice, comme une clé rectificative efficace. L'idée, du reste, très actuelle, de discrimination positive, en vigueur dans les démocraties avancées, participe du même souci. Avant que les esprits ne s'ouvrent à une idée nouvelle et n'y adhèrent formellement, on fait l'option, de propos délibéré, de donner un coup de pouce au temps. Le présent est à l'homme, l'avenir appartient à Dieu.

Il reste que le "quota" est de l'ordre de l'exception. Il est à assortir, par conséquent, d'un mode d'emploi spécial et d'un usage limité. Nous ne sommes pas loin, comparaison pour comparaison, de la méthode thérapeutique du médecin allemand Hahnemann connue sous le nom de "homéopathie". Cette méthode consiste à soigner les malades au moyen de remèdes à très faibles doses. Alors que si celles-ci étaient plus élevées, elles produiraient sur l'homme sain des symptômes semblables à ceux de la maladie à combattre.

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C'est justement ce qui arriva. Appliqué à hautes doses, le "quota" s'institutionnalisa et se banalisa. L'outil destiné à redresser les torts a fini par faire du tort à tout le monde. Il a instauré une société à deux vitesses, régie par la loi inique du deux poids deux mesures. Comme l'ont montré des enquêtes diligentées par le gouvernement, des examens et concours étaient conclus à l'avance, avant tout appel à candidature. Les organisateurs de ces examens et concours, au nom d'une certaine idée du "quota", déroulaient le tapis rouge à leurs frères, sœurs, parents, alliés et amis.

Le même constat est à faire avec des nominations à différents postes de responsabilité à l'échelle de l'Etat. Surtout quand on se débarrasse du souci d'observer un certain équilibre géopolitique. Surtout quand les critères de nominations ne sont pas définis en toute transparence. Surtout quand, derrière le flou artistique ainsi entretenu, se cachent des intentions et des préoccupations politiciennes. Le régionalisme, ce mal endémique dont souffre notre pays et qui met à mal son unité, reste ainsi le prix à payer au "quota" mal compris, au "quota" mal utilisé. Alors, que faire ?

Premièrement. Il faut remettre les compteurs à zéro. Brutalement dit, le "quota", c'est fini, le "quota", ça suffit. Si en plus de cinquante ans d'indépendance, le quota n'a pu aider à atteindre nos objectifs, c'est qu'il a échoué. Faisons comme au football : le coach qui ne convainc point par ses résultats, est remercié et renvoyé.

Deuxièmement. Il faut rétablir et restaurer le mérite. C'est la seule et unique voie qui révèle et met au jour les compétences, les talents. Loin de toute situation en clair-obscur. Loin de toute médiocrité entretenue et célébrée.

Troisièmement. Il faut faire de la méritocratie l'un des piliers de notre démocratie. Nous entendons résonner dans nos oreilles cette exhortation biblique : " Il sera donné à chacun selon ses capacités. Il sera donné à chacun selon son mérite"

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